Torturée, elle ne pouvait plus supporter de mentir aux autres, d'avoir honte de ce qu'elle ressentait pour Mouloud. Discrète et n'ayant jamais fait de vagues, elle surprendra tout le monde, quand elle décidera de tout laisser tomber.Après de brillantes études à l'université, elle fera carrière dans l'administration. On lui confiera un poste de responsabilité aux côtés de Mouloud. Ce dernier, encore beau garçon, toujours plaisant, malgré la soixantaine bien entamée, très galant, avait un faible pour les femmes. On disait de lui qu'il savait user de son charme et réussissait à séduire les plus rebelles et se distinguait par son humour irrésistible. Après son veuvage, il se retrouve célibataire une fois de plus. Très respectueux envers les femmes qu'il adulait, il avait beaucoup de classe, en était conscient et savait en faire bon usage. Nadira ne l'attirait pas. Travailleuse, toujours disponible, il l'admirait pour son sérieux, quand il s'agissait de boucler un dossier épineux en moins de trois jours ou préparer une étude pour une mission urgente en 24 heures. Il anticipait toujours sur les évènements, et tous étaient subjugués devant ses analyses dignes d'un grand politologue. Nadira était en admiration face à ce puits de savoir. Après avoir partagé pendant quelques années son service, où ils avaient formé un excellent binème, elle fut promue et changera de direction. Une séparation, somme toute sans aucune «incidence» sur elle. Mais au fil des jours, elle commençait à ressentir comme un vide autour d'elle. Mouloud, elle le croisait à la sortie du boulot lorsque son époux et ses enfants venaient la récupérer ou le matin en regagnant son poste de travail. Ils discutaient longuement et se remémoraient les jours où ils abattaient une masse de travail, satisfaits des résultats. à‡a finissait toujours par un «passe au bureau, on discutera plus longuement» et chacun rejoignait de son côté son petit espace. Un rituel duquel est devenue dépendante Nadira. Tous les matins, en franchissant le portail de son institution, son cœur battait la chamade, et son visage virait au rouge lorsqu'elle le rencontrait. Elle ne compte pas rater l'occasion de vivre une nouvelle vie avec un homme qu'elle a choisi et qu'elle aime. Elle s'est armée de courage pour le dire et affronter tous ses futurs ennemis. Elle sera honnie des siens et convolera en justes noces avec Mouloud qui lui promettra le bonheur éternel. En quittant sa petite famille qui l'accompagnait à son lieu de travail, elle était heureuse à l'idée de le retrouver. Elle était excitée comme une adolescente. Ce jour-là , quelle fut sa déception lorsqu'elle ne le vit pas. Elle s'empressa de rentrer dans son bureau pour l'appeler (àl'époque le téléphone portable n'existait pas). C'est sa secrétaire qui décrochera. Confuse, elle bafouilla, évoquant un dossier qu'ils devaient traiter ensemble, et tel un couperet, la nouvelle tomba : «Il est en mission à l'étranger, il sera de retour dans 15 jours.» Elle passera 15 jours de calvaire où plus rien n'existera pour elle. Son entourage remarquera vite le changement ; elle n'est plus concentrée à ses tâches, elle, calme, est devenue nerveuse et acariâtre. A la maison, d'habitude douce et attentionnée envers ses enfants, elle se transforme en une mère indifférente, prétextant la fatigue et le stress du travail. Elle attendra sur des charbons ardents son retour. Le jour J arrive enfin et Nadira décide de se faire belle pour lui. Elle choisira une robe moins sobre, ira chez le coiffeur pour rafraîchir sa coupe de cheveux et optera pour un maquillage bonne mine. La transformation ne passera pas inaperçue et lui vaudra des compliments de ses collègues qui ne comprennent pas ce changement subit ; les mauvaises langues diront qu'à coup sûr, son mari la trompe et qu'elle essaye de rattraper le coche. Elle n'en a cure. Maintenant, il n'y a plus de doute, elle est amoureuse de lui et elle ne peut concevoir sa vie sans lui. «Quelle métamorphose ! Tu es resplendissante !» Elle rougit, et le remercie. Ce fut pour lui le déclic. Il ne la verra plus désormais comme la bosseuse, mais comme une femme ravissante, douce et élégante. «Comment ne l'ai-je pas remarquée toutes ces années '» Ils ne s'étaient pas retrouvés depuis longtemps, et pour la première fois, ils se sentaient gênés de ce tête-à-tête. Il quittera alors vite son bureau et comprit à son tour qu'elle ne lui était plus indifférente. Ses visites se faisaient de plus en plus régulières, et les déjeuners en «couple» de plus en plus fréquents. Les langues se déliaient, et elle fut au centre des ragots. «Comment ose-t-elle tromper son mari avec un vieillard ' Elle n'a pas pensé à ses enfants. Une fille sage, de bonne famille !» Mais personne ne savait que Nadira pour la première fois vivait le grand amour. Ayant fait un mariage de raison, elle fut pendant plus de douze ans une parfaite épouse, une bonne mère, une belle-fille exemplaire, pensant toujours aux autres avant elle ; jusqu'au jour où elle retrouvera en Mouloud tout ce dont elle rêvait. Le couple qui s'était avoué son amour a décidé de se marier. Si pour Mouloud la décision n'était pas difficile à prendre, pour Nadira, en revanche, dire oui, bouleverserait sa vie, et surtout celle de ses enfants, que pour rien au monde elle ne voudrait perdre. Après un an de mariage et la naissance de sa fille, elle baignait dans le bonheur, elle savait qu'elle ne s'était pas trompée. Ses deux enfants, qui n'ont jamais cessé de l'aimer même s'ils ont subi le traumatisme de la séparation, ont fini par comprendre que leur maman a toujours été honnête et respectueuse envers leur père ; cela la valorisait à leurs yeux.
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Posté Le : 23/01/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Naé Ì„ma Yachir
Source : www.lesoirdalgerie.com