Algérie

C'est ma vie


C'est ma vie
Chaba Malha n'est pas le nom d'artiste d'une chanteuse de raà? en mal de publicité. Et encore moins un surnom donné à une fille gâtée et gâteuse par des parents orgueilleux. C'est le vrai nom d'une infirmière qui porte très bien cette double référence à la beauté et au charme.Mais de cette beauté de l'âme qui resplendit sur son visage angélique et de ce charme indicible et discret qui vous embarque dans un rêve magnifique où les hommes ne se font pas la guerre et où les seules rafales qu'on entend sont celles du vent annonciateur d'espoir. La carrière professionnelle de Malha, épouse Hamdi, a coïncidé, dès sa sortie de l'école paramédicale, avec l'ouverture du service d'oncologie médicale du Beloua dépendant du CHU Nedir-Mohamed de Tizi-Ouzou, créé en 2006 dans des conditions difficiles, pour épargner aux malades de la région les longs et fastidieux déplacements vers le centre Pierre et Marie-Curie de l'hôpital Mustapha-Pacha d'Alger ou vers le Centre anticancéreux de Blida. Poste qu'elle rejoignit avec comme seules armes sa fougue et sa volonté de réussir dans un métier aussi exaltant que dur. Sa puérile naïveté l'a aidée alors à s'intégrer dans un service délicat et humainement insupportable avec ces images de malades chroniques qui souffrent dans leur corps et leur esprit. Des patients transformés par les effets indésirables de la chimiothérapie, chemin obligé pour une hypothétique guérison. Cela sans aucune formation spécifique, l'objectif étant de parer au plus pressé pour ouvrir un service sensible, vœu de toute une région. Malha et ses jeunes collègues s'adapteront vite aux spécificités de ce nouveau service et apprendront rapidement sur le tas et au contact des médecins.Mais elles ne savaient rien des risques qu'elles encouraient en manipulant et en inhalant les produits toxiques entrant dans la préparation des protocoles de chimiothérapie. Cela sans protection aucune si ce n'est celle divine. De plus, à l'époque, c'était aux infirmières qu'échoyaient les missions de préparation des médicaments, de piquer les malades et de les surveiller constamment de peur d'un malaise alors qu'aujourd'hui les tâches sont partagées avec les biologistes.Peu à peu, elle commençait à comprendre pourquoi les infirmières ne se bousculaient pas au portillon afin de travailler dans ce service très important pour les malades cancéreux mais redouté pour ses contraintes et ne tarda pas à savoir que la chimiothérapie représentait un danger permanent pour les infirmières de l'oncologie. Chose dénoncée par des études américaines qui confirment le travail réalisé par d'autres chercheurs qui ont évalué les risques liés à la manipulation des produits potentiellement toxiques. Mais ces craintes, loin d'entamer sa volonté de continuer son aventure humaine avec ses patients, la renforcèrent dans sa conviction de tout faire pour ses malades, quitte à se sacrifier pour eux. Comment en serait-il autrement quand on sait que des malades la réclament, sollicitent ses soins et prient pour que ce soit elle qui les pique ' Cela sans diminuer de la valeur de ses collègues. Car les organismes intensément soumis aux cures finissent par ne plus supporter certains gestes médicaux qui deviennent très difficiles à réaliser sur des corps usés. Des patients qui sont soulagés juste à la vue de son visage rayonnant qui met en confiance ses patients convaincus qu'un visage qui sourit à la vie ne peut trahir cette même vie qu'il illumine de son éclat doré. Un rayon de soleil qui irradie sur des patients impatients”'passèrent alors des mois puis des années. Et les malades aussi. Malha exulte aux bonnes nouvelles et pleure doucement les disparus au souvenir desquels son cœur se brise, mettant des mois à s'en remettre. Mais heureusement que les bonnes nouvelles chassent les mauvaises et notre infirmière se surprend alors à nourrir secrètement des projets pour ses patients. Parce que Malha n'est pas seulement infirmière. Elle est aussi psychologue, amie et confidente de ses patients qui se confient à elle plus qu'à leurs proches. Et ses malades ne sont pas enseignants, ouvriers, ingénieurs ou entrepreneurs. Ce sont ses malades, tout simplement. Et combien de malades lui ont secrètement composé un poème pour lui dire leur reconnaissance et louer sa générosité :Toi par qui tous les miracles arrivent,Guéris-nous de nos supplicesToi par qui les mers dériventSoulage-nous de nos sévicesCombien de malades oublient les souffrances qu'ils vont endurer durant leur cure en ambulatoire tout simplement parce qu'ils sont ravis à l'idée de la revoir et de l'entendre leur dire des mots simples mais qui prennent un autre sens sortis de sa bouche : «Ça va ' Tu n'es pas trop fatigué '» Les infirmières la respectent, lui vouent admiration et sympathie et la cajolent plus qu'elles ne la jalousent dans ce service où tout le personnel travaille pour le même objectif de soulager les malades au point où ces derniers n'ont pas l'impression d'être dans un hôpital. «Malha est notre guide, notre grande sœur, notre amie et notre modèle professionnel», disent à l'unisson ses collègues. Jamais elle ne se départit de son sourire désormais légendaire et quand elle nous parle, ce n'est jamais sous forme directive. Car Malha est aussi pédagogue dans ses interventions, qu'elle dilue savamment dans le miel de son verbe qui résonne longtemps avant de fondre dans l'air en nous renvoyant ses échos. Parfois des contraintes d'ordre organisationnel font qu'il est quasiment impossible d'ajouter un patient à la liste des hospitalisés au risque de voir la charge de travail influer sur le programme des cures. Et Malha se propose alors de l'ajouter à sa liste en assurant qu'elle en assumait toute la responsabilité. Et le malade est ainsi assuré et rassuré de faire ses cures dans les délais impartis. La présence de Malha fait oublier qu'on est en effet dans un hôpital. Et certains se surprennent même à vouloir revenir juste pour la revoir. Elle est ce rayon de soleil qui pénôtre subrepticement dans votre corps pour vous inciter à lutter pour vivre et aider votre organisme à supporter les souffrances. Làoù elle se trouve, la colère s'estompe et les douleurs s'arrêtent pour laisser place à une atmosphère détendue. Jamais on ne la précède pour un bonjour ou un au revoir. Jamais elle ne laisse transparaître ne serait-ce qu'une once de nervosité. Car elle sait la fragilité de ses patients qui ont besoin d'elle, certains prient pour qu'elle soit préservée du mal. Il arrive cependant que des malades flanchent et éprouvent le besoin d'exprimer leur ras-le-bol. Mais, pris de remords, ils ne sortent pas avant de s'excuser et demander pardon. Difficile alors d'imaginer ce centre sans la présence de cette jeune femme. Elle est partout, toujours souriante et égale à elle-même. Aujourd'hui, la plupart des infirmières du service ont adopté sa méthode de travail et sa façon de gérer les malades pris en charge dans le respect et la dignité. Une vocation plus qu'un métier où on doit parfois prendre une décision immédiate pour sauver le malade qui fait une dyspnée. Et ce n'est pas Meriem Sahraoui et Fazia Djelbab, ses deux fidèles disciples, qui la contrediront, elles qui affirment que Malha constitue à elle seule une école d'humanisme. Il faut agir très vite et ce n'est qu'une fois le patient hors de danger qu'on appelle le médecin. L'écoute est l'autre qualité de Malha qui sait mettre en confiance son vis-à-vis pour aider le personnel médical dans sa tâche, car instruite des souffrances des autres à travers l'expérience vécue par une de ses proches. Et cette prise de risque s'avère salutaire pour les patients. Selon toujours ses deux jeunes collègues qui lui vouent un immense respect, Malha est l'archétype de l'infirmière moderne doublée des qualités d'infirmière traditionnelle heureuse de partager son expérience avec les jeunes générations qu'elle soutient psychologiquement.Elle est, certes, forte comme un roc. Ses collègues le savent. Comme elles savent aussi déceler ses petits moments de peur et d'angoisse. Et c'est là qu'elles interviennent à leur tour pour l'aider discrètement. A 32 ans à peine, Malha, la mère de famille adulée de ses collègues, respectée de ses patients et aimée de sa famille, fait figure de doyenne des infirmières qui a transmis à ses disciples le syndrome du travail vite fait et bien fait. Elle incarne par ses qualités humaines ces valeurs qui font la grandeur d'un métier vers lequel on vient par passion et conviction. On comprend dès lors, comme nous l'expliquent ses collègues, que des malades s'étant présentés à leurs cures soient repartis tout simplement parce que leur infirmière n'était pas de service ce jour-là . Et non pas parce que les autres infirmières sont incompétentes ou se comportent mal, mais tout simplement parce que Malha a placé haut la barre des relations humaines et du travail fait à la perfection. Et on pénôtre alors le secret de sa longévité dans un service aussi sensible et difficile.Ce qui est étonnant chez cette fille au destin controversé, c'est sa façon de se comporter face à la maladie de ses patients : exactement comme le malade. Malha malade de la maladie des autres est-on alors tenté d'écrire quand elle affirme que le service a changé sa vie et sa façon de la concevoir car elle n'a jamais considéré les malades comme des patients, mais «comme des amis qui nous apportent autant, sinon plus en termes de courage avec leur façon de considérer leur expérience comme un défi éternel contre la maladie, eux qui refusent d'abdiquer. On se voit alors si petits devant leur grand drame»... Et Malha ne fait pas que philosopher sur ce qu'endurent ses patients. Il lui arrive de sombrer dans la mélancolie et de souffrir à la place de ses patients. Mais elle n'en laisse rien paraître, elle qui est consciente que si elle venait à flancher, c'est tout un monde qui s'écroulera pour elle et son entourage. Elle ne lutte donc pas uniquement pour elle, mais pour toute la communauté du service dont le personnel médical et administratif, responsables compris, auxquels elle reconnaît devoir beaucoup. Ce qui explique pourquoi elle n'a jamais envisagé de quitter ce service pour un autre, elle qui ne manque pourtant pas de sollicitations. Que d'eau a coulé sous les ponts depuis l'avénement du service il y a bientôt neuf ans ! Et même s'il ne reste que peu de souvenirs de la gracile silhouette de cette fille qui volait de chambre en chambre pour assister les malades, sa personnalité mûre et professionnellement imposante est toujours là pour délivrer les messages d'espoir et d'humanité qu'elle arbore constamment comme un drapeau sur son visage angélique.


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