Israël a inauguré une guerre d'un genre nouveau. Un Etat fort soutenu par
les plus grandes puissances du monde, militairement, financièrement,
idéologiquement, contre une ville et sa région. Un Etat capable de détruire
toute une région et qui en affiche la volonté, contre un parti politique élu
démocratiquement et écarté du pouvoir par un jeu constitutionnel discutable. En
toile de fond, deux élections, l'une en Palestine, déchiquetée géographiquement
en pleine campagne pour présider une « autorité » sans Etat; l'autre en Israël,
rongé par la corruption pour des élections législatives. En toile de fond, des
morts et des blessés par centaines, une population qui a tout perdu et dont on
veut extraire une reconnaissance, un amour forcé. En toile de fond, la haine
n'a engendré que la haine et la violence, plus de violence.
Bien sûr que l'Etat théocratique installé en terre de Palestine, en guise
de culpabilité occidentale de cette Europe post-hitlérienne, demeurera le
tribut à payer envers l'Histoire. Bien sûr qu'envers l'Histoire, les
Palestiniens ont payé le plus lourd tribut de cette culpabilité en perdant
terre et maisons, payé de l'exil leur refus de vivre sous la botte du sionisme.
Tenir de tels propos en Europe relèverait de ce que l'on a fini par pénaliser
sous le nom d'« antisémitisme » pour imposer le silence sur toute remise en
cause d'une Histoire falsifiée. Ceux qui sont restés en Palestine, et à défaut
d'utiliser la terre pour se nourrir, utilisent ses pierres pour se défendre
jusqu'à en faire un désert dans le désert. Un jet de pierre fait en tout cas
moins de mal qu'une bombe lancée sur quatre enfants sous les yeux de leur mère.
Qu'une armée lancée à l'assaut d'un peuple dont on dit qu'il est armé jusqu'aux
dents, mais qui prouve chaque jour un peu plus son impuissance à exister en
tant que peuple.
La faute à qui ? A une légende où Samson meurt en détruisant un temple
des Philistins supposés ancêtres des Palestiniens. A Hollywood, qui a fait des
« Dix commandements » une pièce à conviction pour condamner les Palestiniens à
n'être que des occupants à chasser sur leur propre terre. Une proie trop facile
à attraper dans une prison mortuaire. Et ce proverbe en hébreu moderne qui
traduit « va à Ghaza » par « va au diable », diabolisant tout ce qui y vit
jusqu'à la mer et au-delà.
Au-delà, le silence tue plus que les bombes. D'abord celui des « autres »
Palestiniens « outrés » par la guerre mais qui ne manquent pas l'occasion de
rappeler qu'ils avaient prévenu les chefs du Hamas, tout en tendant le bras
pour alimenter la banque du sang et réclamer enfin que soit ouverte une
frontière qui n'existe que pour faire semblant d'exister. Pour donner
l'illusion que la Palestine existe même sous les bombes. C'est la position de
l'Occident.
Ensuite vient la position de l'Egypte, voisin immédiat, ami d'Israël,
gardien d'un tunnel appelé Rafah et qui se dit Oum Eddounia par adoption mal
assumée d'une mère qui a abandonné sa famille pour se prostituer avec un
étranger sans avoir besoin de le faire. Pour une bouchée de pain. Puis vient la
position de la Jordanie, royaume préfabriqué et rétréci à force de trop vouloir
se laver de sa responsabilité historique en cédant aux fast-foods
anglo-américains et à force de jouer la modernité avec une mentalité bédouine
qui se couvre la tête par deuil de soi. Puis vient le royaume wahhabite, patron
exclusif de la Kaâba, utilisée juste pour tourner en rond sans mettre en valeur
la symbolique du cercle solidaire en expiation des péchés qu'elle collectionne
depuis la chute de Bagdad et bien avant. Sa position traditionnelle consiste à
rassembler les pays arabes ou musulmans selon l'enjeu et à demander qu'Israël
soit traduit devant le Tribunal pénal international. Devant quels juges ?
Dans cette périphérie, on peut retrouver la Syrie fraîchement réconciliée
avec le Liban et menant quelques tractations sous table avec Israël pour
reconquérir le Golan sans guerre. Bien sûr qu'il y aussi le Liban qui vient de
se relever d'une boucherie impunie, bien que fortifié par une résistance
aguerrie maintenant mais qui ne peut se limiter qu'à défendre quelques fermes
de son Sud. En attendant.
En attendant que cette longue guerre, dont Olmert dit qu'elle « pourrait
prendre du temps, et chacun de nous doit être patient afin que nous puissions
accomplir notre tâche ». La tâche qui consiste à faire disparaître Ghaza et
soumettre ses habitants à la loi du plus fort, une loi propre aux jungles que
confortent les propos de Gordon Johndroe, porte-parole de la Maison-Blanche, en
annonçant: « Ces gens ne sont rien d'autre que des voyous et Israël défend son
peuple contre les terroristes comme le Hamas ». Ignorant que parmi ces « voyous
», il y a des femmes et des enfants dont le seul crime est d'être nés musulmans
ou chrétiens sur cette terre. Pourquoi s'étonner de tels propos lorsque
complices du silence, les pays arabes interdisent les manifestations de la
colère dans les rues alors qu'en plein coeur de l'Occident dit judéo-chrétien,
pour les besoins du moment, se tiennent des meetings de soutien au peuple de
Ghaza.
En temps de guerre, il faut choisir son camp. Et vite. La guerre n'étant
pas un jeu d'enfants comme pourraient l'être les politiques locales et tribales
du petit commerce maffieux, l'enjeu peut aller au-delà des lois du fait de son
urgence. Il ne suffit plus de dire au Palestiniens : allez-y, nous arrivons,
mais de les devancer dans leur combat contre la dernière honte de notre époque
qu'est le sionisme, après l'apartheid.
De les fournir en armes et en vivres pour tenir tête à une armée résolue
dans sa mission dévastatrice au lieu de se suffire à canaliser les foules vers
des salles fermées et insonorisées. C'est le moindre des devoirs. La moindre
des fois.
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Posté Le : 00/00/0000
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saïfi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com