Algérie

C'est la faute au soleil



C'est la faute au soleil
«Les Suisses ont la montre et les Africains ont le temps!» Proverbe africain
Je n'échappe que rarement aux remarques sarcastiques de mon ami Hassan quand il m'arrive de commettre une chronique sibylline comme celle que j'ai rendue à propos du temps à perdre. Figurez-vous qu'il m'a reproché d'avoir manqué de courage dans mon propos et d'avoir pondu dans un style presque surréaliste une simple pochade, alors que j'aurais pu mettre mon grain de sel sur le différend qui oppose un fonctionnaire en poste et un fonctionnaire en retraite, tous deux dans la position d'hommes politiques arc-boutés dans des positions de défense frontale. En gros, on me reprochait de n'avoir pas appelé un chat, un chat... J'ai simplement répliqué à mon ami que ce conflit né de l'interprétation de la loi passera très vite et ne sera qu'un souvenir pour les deux antagonistes et que l'histoire de notre pays, si riche en conflits de toutes sortes, n'en retiendra rien... rien du tout! Et qu'il vaut mieux disserter sur le temps passé, le temps qui passe ou le temps qui passera: c'est un sujet bateau qui ne contrariera personne et qui peut tout au plus raviver les nostalgies des gens qui n'ont pas pu saisir les occasions qui passaient par là à côté d'eux. Bref, on classe les individus en deux catégories bien distinctes: les entrepreneurs et les contemplatifs. Les premiers ont toujours un projet sous le bras ou en tête et ne cessent de réfléchir aux moyens de rentabiliser leur emploi du temps qui est toujours chargé: «Time is money», disent les affairistes de la City. On comprend alors pourquoi les prises de vues des rues commerçantes des villes des pays du Nord montrent toujours des gens pressés: pressés d'aller au travail, pressés de prendre le métro, pressés de rentrer chez eux. Même quand ils sont dans le bus, ils lisent quelque chose... pour ne pas perdre du temps. Et il faut voir combien les embouteillages les énervent! C'est leur cauchemar! Ils font tout en vitesse. C'est à se demander s'ils ne sont pas pressés de conclure leur vie. Ce sont eux qui ont inventé les agendas et les emplois du temps, le travail à la chaîne et la valeur du facteur temps dans l'accomplissement de chacune de leurs actions. Ils ont toujours l'air d'avoir le chronomètre en main. Ils ont planifié leur vie, leur société et font preuve d'efforts inimaginables pour simplifier leur vie quotidienne, en éliminant tous les obstacles bureaucratiques qui pèsent sur les concitoyens, en rapprochant par les progrès technologiques des oints jusqu'alors fort éloignés... Cependant, il arrive à ces hommes issus d'une société rationnelle de n'être point pressés: c'est quand ils sont en vacances. D'ailleurs, ce sont eux qui ont inventé lés vacances! Ils se sont battus pour cela! Ils ont fait des révolutions, ils ont organisé des grèves, des occupations d'usine pour pouvoir se reposer, souffler un peu, échapper aux cadences infernales. (Cela me fait penser tout à coup à un ancien camarade du lycée Amirouche, qui, pour réussir coûte que coûte, révisait ses cours la nuit dans les vestiaires, à la lueur d'une lampe de poche. Cet élève studieux, qui est à présent médecin, avait laissé tomber une parole célèbre: «La nuit est une perte de temps!» Donc, pour les gens des pays développés, le congé payé est sacré: ils s'arrêtent pendant un mois et prennent le temps de jouir de la vie en savourant chaque minute d'un repos bien mérité sous un soleil éclatant. Les gens du Sud ont le soleil toute l'année: c'est pourquoi ils prennent tout leur temps.


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