Dévoré à deux reprises par les flammes, le théâtre du Liceu de Barcelone, l'une des scènes les plus prestigieuses au monde, est aujourd'hui menacé par la crise qui frappe l'Espagne, forçant la clôture de cette salle emblématique pendant près de deux mois.
«C'est pire que l'incendie, c'est un incendie plus subtil», affirme Alfonso Ochoa, 40 ans, qui comme d'autres employés de ce théâtre mythique craint pour son avenir. Par deux fois, les flammes ont détruit le Liceu, inauguré en 1847. Le premier incendie, en 1861, l'avait obligé à fermer pendant plus d'un an. Le second, au soir du 31 décembre 1994, avait finalement offert l'occasion de le moderniser en l'agrandissant, tout en respectant sa décoration et son style original. Selon M. Ochoa, cette nouvelle fermeture provoque cependant plus d'inquiétudes «car une grande incertitude plane» sur l'avenir des 400 employés. «Tout laisse penser qu'il s'agit d'un plan à long terme, qui impliquera des licenciements », regrette-t-il. Effet collatéral de la crise, depuis 2008 les organismes publics ont drastiquement réduit leurs subventions en Espagne. Et le Liceu en fait les frais. Déjà au cours de la saison 2010/2011, il avait dû revoir à la baisse son budget, l'enveloppe des subventions publiques accordées par le ministère de la Culture, la région, la mairie et le département de Barcelone, ayant fondu de 3,2 millions d'euros. Pour la saison actuelle 2011/2012, le vénérable théâtre se préparait à assumer une chute de ses revenus publics de près de 7%, jusqu'à 23,14 millions d'euros, son budget prévu passant de 50,36 à 48,42 millions d'euros. Mais une nouvelle ère d'austérité, imposée à la fois par le gouvernement à Madrid et les autorités régionales de Catalogne, va se traduire par des coupes supplémentaires. Celles-ci, pas encore chiffrées car en cours d'élaboration, ajoutées à une diminution du nombre d'entrées et des fonds privés, pourraient entraîner un déficit de 3,7 millions, calcule le théâtre. Pour le compenser, le Liceu a donc décidé de fermer ses portes, cessant toute activité du 20 mars au 10 avril puis du 5 juin au 8 juillet. Une fermeture qui l'oblige à annuler les représentations de plusieurs œuvres attendues par les Barcelonais, dont l'opéra «Pélleas et Mélisande» ainsi qu'un récital de la soprano suédoise Nina Stemme. Ces mesures «ne me plaisent pas non plus», assure le directeur général du Liceu, Joan Francesc Marco. «C'est dur, mais les autres options sont rares» et si elles n'étaient pas adoptées, c'est la «survie du théâtre qui serait en danger», ajoute-t-il. Entrée au Liceu il y a plus de trois décennies, Maria José Garcia, une employée de bureau de 50 ans, estime que ses problèmes proviennent à la fois d'une «mauvaise gestion et de la crise qui nous frappe». «Il n'y a pas de solution à court terme. C'est un théâtre qui occasionne beaucoup de dépenses, difficiles à couvrir avec cette situation. J'ai peur qu'à terme il ferme», ajoute-t-elle. «En 25 ans passés à la comptabilité, je n'avais jamais eu aussi peur que cette fois», complète Gemma Martinez, 48 ans. «Même pas pendant l'incendie», assure-t-elle, «car alors la direction nous avait rassuré et les organismes publics s'étaient en plus démenés pour sa reconstruction». Fuyant la fine pluie glacée qui s'abat sur Barcelone, des passants se réfugient sous l'entrée majestueuse du théâtre. Sous un parapluie coloré, Matilde Fernandez Ruiz, 79 ans, une habitante du quartier, se souvient être venue pour la première fois au Liceu, «presque enfant», avec son père. «Il fait partie de ma vie et les menaces pesant sur son avenir me font mal», explique-t-elle, avant toutefois d'affirmer : «Mais il ne fermera jamais.»
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Posté Le : 06/02/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Le Soir d'Algérie
Source : www.lesoirdalgerie.com