«C'est bien que votre équipe nationale entame le Mondial contre la Belgique»

L'ex-entraîneur des équipes d'Algérie et de Belgique de football, Georges Leekens, était à Alger ces deux derniers jours. Il était l'invité de nos confrères de Dzaïr-tv pour participer à une émission qui sera diffusée ce soir à 21h30. Pour ceux qui ne s'en rappellent pas, Leekens avait coaché les Verts d'Algérie de janvier à août 2003 et contribué à les qualifier à la phase finale de la CAN 2004.Il avait dû quitter son poste en urgence pour des raisons familiales (son épouse était extrêmement malade) et avait été remplacé par le DTN de l'époque, Rabah Saâdane. Ce qu'il faut retenir de son parcours en tant qu'entraîneur c'est qu'il a eu, par deux fois, l'occasion de diriger l'équipe nationale de Belgique, la première fois de 1997 à 1999 et la seconde de 2010 à 2012.Nous avons profité de son passage chez nos confrères pour lui poser quelques questions, sachant que l'équipe d'Algérie et celle de Belgique sont appelées à se rencontrer le 17 juin prochain pour le compte de la phase de groupes de la Coupe du monde.Cela fait un peu plus de dix ans que vous avez quitté l'Algérie après avoir entraîné son équipe nationale de football. Etes-vous revenu depuis 'Non, car j'étais pris par mon travail. Mais ce que je peux vous dire c'est que j'ai continué à suivre l'actualité footballistique de votre pays. J'ajoute que depuis dix ans, il y a des choses qui ont changé notamment cet aéroport international qui n'existait pas lorsque j'exerçais ici.On se souvient que pour votre premier match en tant que coach de l'équipe d'Algérie, vous aviez eu l'équipe de Belgique comme adversaire en amical à Annaba...Oui, je m'en souviens comme si c'était hier. On était tombé sur une équipe de Belgique très réaliste avec un Emile M'penza en forme puisqu'il nous avait inscrit deux buts. Au final, notre équipe avait perdu 3-1 mais ce match avait été un très bon test en vue des matches de qualification à la CAN 2004.Vous aviez quitté l'Algérie précipitamment après avoir, pourtant, qualifié l'équipe d'Algérie à la CAN 2004...C'est un épisode que je n'aime pas me rappeler car il évoque pour moi des souvenirs douloureux. J'avais dû démissionner pour des raisons familiales. Il me fallait retourner en Belgique. J'en avais parlé avec le président de la Fédération, M. Raouraoua qui avait compris ma situation et m'avait autorisé à partir. Je le remercie pour cela.Un autre épisode de votre carrière d'entraîneur reste flou, à savoir votre départ de l'équipe nationale de Belgique en 2012 que vous entraîniez depuis 2010, alors que celle-ci ne faisait que progresser, pour le club belge du FC Bruges. Les observateurs avaient eu du mal à comprendre votre démarche...Même moi je n'arrive pas à m'expliquer ce que j'ai fait. Vous savez, cela faisait deux ans que je dirigeais les Diables rouges, une équipe que j'avais façonnée. Un jour, de reçois la visite du président du FC Bruges, le club où j'avais joué et qui est mon club de c?ur. Son discours plein de sentimentalisme m'avait ému au point que je lui avais donné mon accord. Je me suis dit que l'équipe de Belgique était lancée, qu'elle était entre de très bonnes mains et qu'elle n'avait plus besoin de moi.Pourtant, votre présence au FC Bruges n'a pas duré. A peine quelques mois.C'est vrai. J'avais eu des problèmes avec mon agent. Le ton entre nous était monté si haut que j'avais préféré claquer la porte.Cela se passait en novembre 2012. Nous sommes en février 2014. Durant toute cette période, on ne vous a plus vu sur un banc d'entraîneur...L'explication est simple. Je me suis décidé à prendre du recul. Depuis novembre 2012 je suis devenu Leekens l'observateur. J'ai sillonné le monde et rendu visite à de nombreux clubs pour m'imprégner des méthodes d'entraînements. A mon âge (65 ans), j'estime que je n'ai pas tout connu du football.Peut-on croire que vous allez reprendre votre carrière d'entraîneur 'Oui, vous pouvez le croire. Je ne manque pas de propositions, la dernière émanant de la Fédération de football de l'Eire. Je vais y réfléchir.Venons-en à cette équipe de Belgique, que l'équipe d'Algérie va affronter en Coupe du monde et qui fait peur à tout le monde...Je peux vous dire que c'est une équipe que je connais très bien pour l'avoir entraînée de 2010 à 2012. Les joueurs qui font partie de son effectif actuel c'est moi qui les ait ramenés en premier. L'actuel entraîneur des Diables rouges, Marc Wilmotts, était mon adjoint. La réussite de cette sélection n'a rien du fruit du hasard. Elle dispose d'un effectif de joueurs qui ont bénéficié d'un très bon cycle formation lorsqu'ils ont effectué leurs premiers pas dans le football. Ce qu'ils réalisent en ce moment n'est que la concrétisation d'un plan de formation élaboré depuis très longtemps par la Fédération belge.Cela remonte à quand 'A 1997. J'étais à ce moment-là entraîneur de l'équipe nationale belge et avec la direction technique nous avions mis en chantier une nouvelle politique en faveur de la formation. Des pays voisins comme les Pays-Bas et la France avaient pris de l'avance sur nous. Je peux dire qu'aujourd'hui nous avons dépassé la seconde alors que nous sommes du niveau des premiers.Cette politique de formation se basait sur quoi 'Sur le fait que les équipes de jeunes devaient bénéficier du même régime de préparation que celles des seniors, voire plus. En somme, il fallait professionnaliser ces équipes de jeunes tant au niveau des clubs que des sélections avec des staffs techniques de premier plan et des spécialistes versés dans divers secteurs telle médecine du sport, psychologie, diététique, etc. Cette politique se poursuit. Je peux vous dire que notre équipe nationale seniors n'a pas de souci à se faire pour son avenir. Nos sélections de jeunes sont parmi les plus performantes d'Europe et du monde.Comment expliquez-vous qu'avec tous ces joueurs qui montent, les clubs belges ne parviennent pas à s'imposer au niveau européen 'Tout simplement parce que tous les meilleurs joueurs ne jouent plus en Belgique. Ils se sont dispersés à travers l'Europe et nombreux sont ceux qui évoluent dans les plus grands clubs de ce continent. C'est un plus pour l'équipe nationale. C'est comme pour vous. Les meilleurs joueurs de votre équipe nationale jouent dans des clubs étrangers.Aujourd'hui, c'est sûr, l'équipe de Belgique est dans une forme ascendante. On en parle comme l'un des grands favoris du prochain Mondial. Partagez-vous cet avis 'C'est sûr que cette équipe a atteint un seuil qui fait d'elle un adversaire qui fait peur. De là à vous dire qu'elle va remporter la Coupe du monde, je pense que cela va être extrêmement difficile avec des équipes comme celles du Brésil, de l'Argentine, de l'Allemagne et de l'Espagne qui semblent supérieures au Onze belge actuellement.Mais au niveau de la phase de groupe, vous en faites votre favori certainement avec des équipes comme celles de l'Algérie, de la Russie et de la Corée du Sud...C'est exact. Elle dispose, par rapport à ces trois adversaires, quelques longueurs d'avance qui lui permettent d'envisager l'avenir avec assurance. Je ne dis pas que la qualification au tour suivant ne sera qu'une simple formalité pour elle, car on ne sait jamais ce que vous réserve le football, mais il faudrait un extraordinaire concours de circonstances pour l'empêcher de passer au prochain tour.Dans ce groupe qui voyez-vous derrière elle 'On a pour habitude de parler de l'équipe de Russie qui dispose d'un bon effectif avec des joueurs évoluant dans un bon championnat de Russie et d'autres qui émargent dans des clubs européens. Selon moi, ça reste ouvert pour la seconde place.Selon vous donc, l'équipe d'Algérie aurait ses chances 'En tout cas, elle ira au Brésil pour obtenir le meilleur résultat possible. Elle va défendre crânement ses chances, cela j'en suis persuadé. A mon avis, le fait qu'elle affronte le favori du groupe, la Belgique, d'entrée de jeu est une bonne chose pour elle. C'est bien d'entamer le tournoi contre le favori. A ce moment-là on est dans l'incertitude. Tout peut arriver même un effondrement du favori.Connaissez-vous cette équipe d'Algérie 'Comme je vous l'ai dit tout à l'heure je suis resté à l'écoute de ce qui passait dans votre football. J'ai suivi à la télévision le match contre le Burkina Faso. Ce que j'avais retenu c'est qu'il s'était déroulé dans une extraordinaire passion et devant un merveilleux public. Ce jour-là, votre équipe avait gagné sans vraiment bien jouer. Si elle joue comme ça au Brésil, elle risque de ne pas aller loin.C'était son plus mauvais match depuis l'arrivée d'Halilhodzic...J'espère qu'elle ne rééditera pas une telle prestation. L'essentiel était de gagner, c'est tout ce qu'il fallait retenir du match. Halilhodzic est quelqu'un de compétent qui est capable de vous mener loin. J'ajoute que votre football dispose d'un président de fédération qui connaît son métier et sait parler aux joueurs. Il va les motiver en vue d'effectuer un grand Mondial. C'est dommage que je ne puisse pas le voir durant ce court séjour car j'ai appris qu'il est absent d'Algérie.Quels sont les joueurs que vous avez appréciés dans cette équipe 'Il y a de bons éléments, cependant, il y a ceux qui émergent comme Feghouli, Taider ou Bougherra.J'ai en outre appris que votre président de la FAF va ramener Bentaleb de Tottenham. Ce joueur est pétri de qualité et sera un plus pour votre équipe nationale.Avant de vous quitter, y-a-t-il espoir de vous revoir revenir coacher en Algérie 'On ne peut jurer de rien. Tout reste possible.