Algérie

BUSINESS DU RAMADAN À PARIS Même les grandes surfaces s'y mettent



De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed
Zlabia, kalbellouz, Ifri, Selecto, et autres kesra et baghrir, mais surtout des files à n'en plus finir dès le matin et le pompon : des prix qui flambent pour beaucoup de produits chez les commerçants maghrébins dont le business ne connaît pas de rahma. Et pour couronner le tout, des grandes surfaces qui profitent de l'aubaine et créent l'inimaginable pourvu que ça rapporte : dès le premier jour de Ramadan, des exemplaires du Coran ont pris place, et la bonne place, dans les rayonnages de livres.
Le quartier du Kremlin-Bicêtre, dans la proche banlieue sud de Paris, est connu pour son nombre impressionnant de boucheries «hallal» «islamiques» ou encore «musulmanes», on n'est pas très regardant dans la sémantique lorsqu'on commerce ! On vient de partout dans ce quartier pour s'y approvisionner en viandes mais pas seulement. On y vient aussi pour ses pâtisseries «orientales» aux enseignes devenues mythiques «Trésors sucrés» pour les pâtisseries algériennes et «Rose de Tunis» pour nos amis tunisiens. Toutes ces échoppes déjà fortement fréquentées en temps normal sont, depuis vendredi, premier jour du Ramadan, prises d'assaut et dès la fin de matinée alors que la rupture du jeûne n'est que vers 21h40. Comme dans le pays, la quasi-totalité des magasins tenus par des Maghrébins se sont dotés aussi d'étals de fortune de zlabia de «Boufarik» et autre kalbellouz. Les prix ont grimpé pour ces sucreries en tous genres mais aussi et surtout pour les viandes. Cela n'empêche pas les clients d'être là et de grossir les files très nombreuses débordant sur les trottoirs déjà encombrés par les travaux de la route nationale n°7. Peu importe, d'ailleurs, tous les risques sanitaires avec les poussières des travaux sur les diouls, m'hencha et autres sucreries exposés. Il faut revenir à la maison avec les bras bien remplis et lorsque c'est fait, le sourire fait place à la mauvaise humeur affichée à l'arrivée. Car là aussi, et comme au bled, on est «carémeux » ou on ne l'est pas, et il faut l'afficher. L'on serait tenté de croire que tous les démunis de confession musulmane de Paris se seraient donné le mot pour occuper l'espace tout au long de l'artère principale, avenue Fontainebleau. En fait, le plus gros de la troupe, lorsqu'on les entend demander l'aumône «au nom d'Allah en ce mois sacré» dans un arabe très approximatif, ne semble connaître de l'Islam que les quelques mots sollicitant la solidarité et n'ont probablement rien à voir avec cette religion mais simplement désireux de profiter, eux aussi, de cette opportuniste générosité ramadanesque. Au centre du quartier, la grande enseigne Auchan, nichée au cœur d'Okabé, un des plus grands centres commerciaux de banlieue qui draine depuis son ouverture, il y a plus de deux ans, journellement, des milliers de visiteurs. Là, stupéfaction : dès l'entrée de ce grand supermarché, l'on est happé par une installation centrale au design oriental surplombée d'un grand écriteau portant bon Ramadan 2012. Tant que ça dans un pays où l'on ne cesse de stigmatiser les musulmans et tous les pratiquants de cette religion ' Eh bien oui, l'argent du business n'a ni couleur ni odeur, surtout lorsque ceux qui le font sont confortés par ce grand marché potentiel que tracent les dernières statistiques fournies par une étude de Solis (spécialiste en marketing) et qui révèle que ce marché est de 350 millions d'euros pour le mois de Ramadan qui voit une augmentation de 30% des consommations des jeûneurs au cours de ce mois. Et pour appâter le chaland, rien n'est négligé : pâtisseries orientales en tous genres (zlabia et ktaïf compris) et viandes et autres volailles, le tout à des prix nettement moins élevés que chez les commerçants concurrents. La surprise ne s'arrête pas là. Au premier étage et dans la partie réservée aux livres, un nouvel arrivé fait son entrée insolite en ce lieu : des exemplaires du Coran exposés là, pour la première fois. En attendant probablement et pourquoi pas, tout est possible, le muphti qui viendrait prêcher aux fidèles tous les bienfaits des produits Auchan.


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