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Brexit: May va demander un nouveau report et se tourne vers Corbyn



Après sept heures de discussions avec ses ministres au 10, Downing Street, Theresa May a annoncé mardi soir lors d'une allocution télévisée qu'elle allait demander un nouveau report de la date du Brexit, aussi bref que possible, et elle a tendu la main à Jeremy Corbyn pour sortir de l'impasse parlementaire en cours.
Appelant à l'unité nationale et privilégiant l'idée d'un Brexit ordonné, elle a dit vouloir rechercher avec le chef de l'opposition travailliste une formule susceptible d'être soumise la semaine prochaine à l'Union européenne.
La date du Brexit, qui initialement était fixée au 29 mars au soir, a été reportée au 12 avril en fin de journée au cas où les députés rejetteraient de nouveau l'Accord de retrait, ce qui a été le cas vendredi dernier. Un Conseil européen extraordinaire a été convoqué pour le 10 avril.
"J'ai toujours clairement dit que sur le long terme, nous pourrions transformer en succès un Brexit sans accord. Mais nous retirer dans le cadre d'un accord est la meilleure solution", a-dit Theresa May à la télévision.
"Aussi aurons-nous besoin d'une nouvelle extension de l'Article 50 (un nouveau report de la date de départ), qui soit aussi brève que possible, et qui prendra fin lorsque nous entérinerons l'accord", a-t-elle continué.
"Aujourd'hui, je prends une initiative pour sortir de l'impasse: je propose de discuter avec le chef de l'opposition pour tenter de nous accorder sur un plan - auquel nous nous tiendrons l'un et l'autre - pour faire en sorte que nous quittions l'Union européenne et que cela se fasse dans le cadre d'un accord".
Un tel, plan, a-t-elle souligné, sera conditionné à une acceptation de l'Accord de retrait, qui a été négocié avec les 27 autres membres de l'UE, lesquels ont dit et répété que la négociation sur l'accord proprement dit ne pourrait être rouverte.

Le labour veut des actes
"Ce sur quoi nous devons nous concentrer, c'est notre relation future avec l'UE", a dit Theresa May.
Premier à réagir à l'étranger aux déclarations de Theresa May, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a appelé à la patience avec le Royaume-Uni.
"Même si, après cette journée, nous ignorons quelle sera l'issue, restons patients", a-t-il écrit sur Twitter.
Chez les travaillistes, l'influent député Hilary Benn a estimé qu'après les mots, Theresa May devait concrétiser par des actes l'évolution de sa stratégie, ajoutant que si elle opte pour un Brexit plus en douceur, le Labour ne pourra que s'en féliciter.
"Si elle a donné là le premier signe d'un infléchissement, c'est naturellement important, mais si tout recommence comme avant, alors c'est sans intérêt", a-t-il dit à la BBC.
Lors de la réunion que Theresa May a présidée mardi au 10, Downing Street, 14 ministres se sont prononcés contre un long report de la date du Brexit, lui préférant un "no deal" ou une extension de courte durée, selon la chaîne Sky et le journal The Times. Lors de ce tour de vote, précise Sky, 10 ministres ont préconisé un report de longue durée.
Près de trois ans après le référendum du 23 juin 2016 à l'issue duquel les Britanniques ont décidé de quitter l'UE, le Royaume-Uni semble incapable de s'extirper de l'impasse politique et diplomatique.
Par trois fois (le 15 janvier, le 12 mars et le 29 mars), le Parlement de Westminster a rejeté l'accord de retrait péniblement négocié par Londres et Bruxelles.

Macron et Varadkar pressent May de trouver un plan
Emmanuel Macron et le Premier ministre irlandais Leo Varadkar ont exhorté mardi le Royaume-Uni à trouver un plan alternatif avant le prochain Conseil européen du 10 avril afin d'éviter une sortie sans accord de l'Union européenne au soir du 12 avril.
"Le rejet par trois fois de l'accord de retrait par la Chambre des communes ainsi que le rejet de tout plan alternatif nous mettent sur le chemin d'une sortie sans accord", a estimé le chef de l'Etat français à l'Elysée avant un entretien avec le chef du gouvernement irlandais.
"Il revient au Royaume-Uni de présenter un plan alternatif crédible soutenu par une majorité d'ici au 10 avril pour l'éviter", a-t-il ajouté dans une déclaration à la presse. "Si le Royaume-Uni n'est pas capable, près de trois ans après le référendum, de proposer une solution qui réunit une majorité, il aura de facto choisi de lui-même de sortir sans accord, nous ne pouvons pas éviter l'échec à sa place".
"Ce plan doit-il être de nouvelles élections, un référendum, une solution différente pour la relation future comme une union douanière' Il ne m'appartient pas ici de le prescrire, mais nous y sommes ouverts, c'est à Londres de le dire et de le dire maintenant", a-t-il poursuivi. "L'Union européenne ne peut être durablement l'otage de la résolution d'une crise politique au Royaume-Uni (....) Ce dernier "restera un ami, un allié essentiel mais nous ne pouvons pas passer les prochains mois à régler encore les modalités de notre divorce et à solder le passé".
A ses côtés, Leo Varadkar, qui recevra la chancelière allemande Angela Merkel jeudi à Dublin, a lancé le même appel et dressé le même constat.
"Dans l'état actuel des choses, le Royaume-Uni quittera l'Union européenne le 12 avril sans accord", a-t-il dit. "Mais il est encore temps pour la Première ministre (Theresa May) de venir au Conseil européen avec des propositions, des propositions crédibles et un chemin clair vers le succès".
"Nous devons être ouverts à toute proposition qu'elle pourrait nous présenter", a-t-il ajouté.

Inquiétudes irlandaises
Un peu moins de trois ans après le référendum du 23 juin 2016 sur l'appartenance à L'Union européenne qui a conduit au Brexit, le Royaume-Uni semble incapable de sortir de l'impasse politique et diplomatique dans lequel il est plongé depuis. Conclu en novembre 2018 entre les Vingt-Sept et Theresa May, l'accord de retrait a été rejeté pour la troisième fois vendredi par la Chambre des communes, la chambre basse du parlement britannique, faisant craindre un "no deal" le 12 avril prochain.
Le rejet de ce texte, qui prévoit entre autres un "filet de sécurité" (backstop) afin d'éviter le retour d'une frontière physique entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord, suscite notamment l'inquiétude de Dublin qui redoute un impact économique et social.
"Nous devons trouver un moyen de garantir la protection de l'intégrité du marché unique et d'éviter de rétablir des infrastructures physiques à la frontière", a souligné le ministre irlandais des Affaires étrangères Simon Coveney mardi devant le Parlement à Dublin.
"L'Irlande ne permettra pas que la sortie sans accord du Royaume-Uni de l'UE entraîne l'Irlande en dehors du marché unique", a-t-il poursuivi. "Ce que je veux dire, c'est qu'il est exclu que tous les produits irlandais fassent l'objet de contrôles dans les ports de l'UE, cela entraînerait des conséquences négatives pour notre économie et nous ne le permettrons pas".
A Paris, Emmanuel Macron a assuré mesurer "pleinement l'extraordinaire difficulté" qu'une sortie sans accord "poserait à l'Irlande" et réaffirmé "que nous n'abandonnerons jamais quoi qu'il arrive l'Irlande et les Irlandais car cette solidarité est le sens même de l'intérêt européen."

Aucune solution alternative adoptée aux Communes
Les députés britanniques n'ont trouvé lundi aucune alternative au "Withdrawal Agreement" que Theresa May a conclu en novembre avec Bruxelles et qu'ils ont rejeté pour la troisième fois vendredi, bien que la Première ministre ait mis sa démission dans la balance.
Quatre motions censées permettre de sortir de l'impasse avaient été retenues par le président de la Chambre.
Celle qui a recueilli le plus de suffrages propose le maintien d'une union douanière avec l'UE. Trois voix seulement ont fait défaut pour qu'elle atteigne la majorité.
Un autre texte qui demandait la tenue d'un référendum de confirmation de tout accord de divorce avant sa ratification parlementaire a été rejeté par 292 voix contre 280.
A l'annonce des résultats, Steven Barclay, ministre chargé du Brexit, a déclaré que, faute de solution alternative, la Grande-Bretagne devrait quitter l'UE le 12 avril sans accord.
Une première série de "votes indicatifs" s'est déroulée mercredi dernier et aucune des huit options n'avait obtenu la majorité.
Si les parlementaires s'étaient accordés sur le maintien d'un union douanière avec les Vingt-Sept, certains espéraient que Theresa May soumette une quatrième fois son accord de retrait au vote des députés, peut-être dès mercredi.
Le gouvernement se réunira deux fois mardi, a-t-on appris de source politique. La première réunion sera consacrée à la situation au sein du Parti conservateur, la seconde réunira les principaux ministres autour de Theresa May. Au total, les discussions devraient durer cinq heures.

"Maintenant ça suffit"
Pour Julian Smith, le "chief whip" des tories, responsable de la discipline parlementaire au sein du Parti conservateur, Theresa May aurait dû dire dès 2017, après la perte de sa majorité parlementaire aux législatives de juin, qu'un Brexit plus "doux" qu'envisagé initialement était inévitable.
Interrogé par la BBC, il a critiqué l'attitude de certains ministres et fustigé "le pire exemple d'indiscipline gouvernementale dans l'histoire politique britannique".
En 2017, explique Julian Smith, "le gouvernement dans son ensemble aurait probablement dû être plus clair sur les conséquences" du résultat des élections. "L'arithmétique parlementaire signifie qu'il était inévitable d'aboutir à une sortie de Brexit plus 'soft'."
Lundi, le Parti travailliste a fait savoir qu'il avant l'intention de voter dans la soirée la motion D, dite "marché commun 2.0", qui propose un accord avec adhésion au marché unique européen et arrangement douanier.
A l'origine, le Brexit était fixé au 29 mars dernier. A l'issue du troisième rejet de l'accord de sortie par les Communes, le Royaume-Uni devrait quitter l'UE sans accord le 12 avril, sauf si Londres présente d'ici là une alternative et demande un nouveau report.
Donald Tusk, président du Conseil européen, a annoncé la tenue d'un sommet extraordinaire de l'UE le 10 avril.
Effaré par le chaos actuel, Jürgen Maier, patron du géant industriel allemand Siemens en Grande-Bretagne, a exhorté les parlementaires britanniques à appuyer le choix d'une union douanière avec l'UE.
"Maintenant ça suffit. Notre patience est à bout. Décidez-vous et rassemblez-vous derrière un compromis sur l'union douanière qui assure la stabilité et la sécurité économiques", a-t-il dit, déplorant que le Royaume-Uni devienne actuellement la "risée" de ses partenaires européens.

"Pire qu'un sphinx"
Le président de la Commission européenne, a aussi exhorté les députés britanniques à se décider, estimant qu'"un sphinx, c'est un livre ouvert comparé au Royaume-Uni". "On aimerait que le sphinx s'exprime enfin", a ajouté Jean-Claude Juncker.
Jacob Rees-Mogg, chef de file des conservateurs eurosceptiques au Parlement britannique, craint pour sa part de voir Theresa May accepter le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE.
"Mon inquiétude, c'est que la Première ministre soit préoccupée par-dessus tout par le souci d'éviter une sortie sans accord et je suis très inquiet à l'idée qu'elle puisse décider d'opter pour une union douanière attachée à son accord (de retrait)", a-t-il déclaré sur les ondes de LBC.
"Mais si cela se produit, des gens comme moi continueront de faire campagne pour sortir de l'union douanière", a-t-il ajouté.
Un autre député conservateur eurosceptique, Steve Baker, a même laissé entendre qu'il pourrait voter une motion de censure contre le gouvernement en cas de maintien d'une union douanière avec l'UE.
Interrogé sur l'éventualité d'élections législatives anticipées pour sortir de l'impasse au Parlement, le porte-parole de May a rappelé lundi que la Première ministre jugeait cette hypothèse contraire à l'intérêt national.


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