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Brésil, Russie, Inde et Chine : rien ne va plus Les BRIC traversent une zone de turbulences



Brésil, Russie, Inde et Chine : rien ne va plus                                    Les BRIC traversent une zone de turbulences
Comme la roue tourne! L'avenir semblait pavé de roses pour les grands pays émergents, regroupés sous l'acronyme de Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine). Croissance forte de rattrapage, enrichissement d'une classe moyenne par millions, sortie de la pauvreté par milliards. Le triste terme de «pays en voie de développement», qui laissait entendre qu'ils le resteraient encore pour des siècles, a disparu pour celui positif «d'émergents», qui dit leur accès à la prospérité. Et qui renvoie par effet miroir à celui des «pays développés», devenus en quelque sorte «submergents», tant les difficultés s'abattent sur eux. La crise est la leur, celle de leur modèle dépassé par la mondialisation. Le Japon, condamné à la décennie perdue, semblait subir en avance le sort qui touche aujourd'hui l'Europe puis qui atteindra, immanquablement, l'Amérique: le déclin.Et voilà que l'Histoire nous joue des tours. Regardez, comme par coïncidence incroyable, les Bric sont en morceaux. Leur croissance continue de faire envie. Mais pour des raisons économiques et politiques, conjonction qui dit bien la dureté du danger, nos quatre émergents sont en plein bouleversement.

La Chine condamnée à changer de modèle
A tout seigneur tout honneur : commençons par la Chine. La purge de Bo Xilai, le maître de Chongqing qui faisait chanter des airs maoïstes, a mis au jour la profondeur du débat dans la Cité interdite entre réformateurs et conservateurs. Débat souterrain, complexe, dont nous ignorons l'essentiel, mais qui intervient au moment où la Chine cesse d'être un pays «à bas coût de main-d''uvre». Pékin doit quitter son modèle mercantiliste d'exportation, si efficace depuis trente ans puisqu'il a assuré une croissance annuelle de 10% depuis 1979, pour se tourner vers la consommation intérieure.Facile à dire, extraordinairement périlleux à faire dans un pays où le centre pékinois contrôle toujours mal les barons locaux, et où il deviendra tous les jours plus difficile d'empêcher la population enrichie de demander une voix au chapitre, c'est-à-dire la démocratie.Or, le temps presse. Les exportations se sont effondrées, la croissance a chuté, elle tangente les fameux 7%, seuil qu'on dit fatidique, car au-dessous, la richesse produite devient insuffisante pour «faire taire» les revendications sociales. Vite, il faut renoncer à s'en tirer par l'investissement public, bâtir des «amortisseurs», un système de soins, des caisses de retraites et, dans le même temps, accroître la productivité ce qui impose des révisions déchirantes dans le secteur public resté archaïque. MM. Li et Xi, les nouveaux dirigeants qui doivent prendre les rênes de l'Empire, ont une tâche aussi difficile que celle de Deng Xiaoping: rien ne garantit qu'ils seront à sa hauteur.

Paralysie politique indienne
L'Inde est paralysée. C'est la démocratie qui joue là des tours: les partis populistes membres de la coalition interdisent les réformes indispensables. Ils veulent maintenir les subventions de toutes sortes, des aliments, des transports, de l'énergie qui maintiennent tant bien que mal la paix sociale, mais alimentent l'inflation et bloquent la modernisation de l'économie. L'Inde est, comme la Chine, à la croisée des chemins et ses performances de demain dépendent de sa faculté politique à abandonner les scories du passé: les déficits budgétaires, le protectionnisme et l'immobilisme du système financier. C'est l'inertie politique qui guette New Delhi, on se croirait dans l'Union européenne...

Crise monétaire brésilienne
Le Brésil, victime des succès de Lula, traverse une crise monétaire dont il peine à trouver l'issue. La croissance est tombée, cassée par la montée du real qui provient d'un afflux de capitaux. L'inflation reste forte et la Banque centrale lutte pour conserver des taux élevés, rendant attractifs les placements au Brésil. Dilma Rousseff, la présidente, s'en prend aux Européens et aux Américains qui «dévaluent», comme les mêmes s'en prennent à la Chine pour la sous-évaluation du yuan. Rio est la première puissance émergente prise dans la grande guerre des monnaies.

La Russie et la rente pétrolière
Terminons par la Russie, où Vladimir Poutine vient d'être élu dans des conditions que l'on sait. Il a la chance de n'avoir pas d'opposition construite car son pays vit entièrement du pétrole, les diversifications manquent. Si l'or noir ne monte plus, et c'est probable avec les découvertes non conventionnelles, la Russie de Poutine entrera dans une grande période d'instabilité. L'Occident n'a pas à se réjouir des ennuis des BRIC. L'histoire veut simplement dire que l'économie-monde est interdépendante, la crise touche tous les pays et aucun ne peut échapper aux réformes économiques mais aussi politiques profondes.
E. L.-B.
In Slate.fr


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