Brahim Hasnaoui n'est pas seulement, avec son groupe éponyme, un
des plus grands bâtisseurs de logements au Maghreb. Il réfléchit sur ses
métiers. Pour lui, l'heure est arrivée en Algérie de faire le saut de la
«qualité dans le vivre ensemble».
La politique de
l'habitat actuelle entretient une rareté artificielle. Brahim Hasnaoui propose une réforme en profondeur avec
renforcement de la solvabilité des demandeurs, mobilité de la demande, quasi
suppression des aides aux promoteurs, et ouverture d'un marché du foncier. Renversement
d'optique.
Le point de départ
de Brahim Hasnaoui est limpide. La rareté du logement
est maintenue artificiellement en Algérie. L'Etat dit vouloir livrer 200 000
logements par an. Il existe 34 000 entreprises de réalisation recensées dans le
bâtiment classées de la catégorie 4 à 9, «si nous en mobilisons seulement 20 000
parmi elles, cela correspond à faire 10 logements par entreprise et par an». A
l'aise. Si l'Algérie n'arrive pas à produire ces 200 000 logements an, «ce
n'est donc pas la faute aux moyens de réalisation». La politique actuelle du
logement bloque la machine. Elle n'arrive pas, ou ne veut pas, donner assez de
plan de charges aux acteurs du secteur. Alors même que la demande de logements
reste supérieure à l'offre. Un non sens économique. La réforme Hasnaoui se déploie en trois mouvements. «Il s'agit de
réorienter le système des aides vers l'acquéreur, de libérer l'offre du foncier
avec accès aux enchères, et de mettre l'APC au cÅ“ur
du dispositif, côté Etat, c'est elle qui est comptable de son paysage urbain».
ELEVER L'AIDE
DIRECTE DE 700 000 A
UN MILLION DE DINARS
L'ambition du PDG
du groupe Hasnaoui est de rendre le smicard éligible,
tout de suite, à l'acquisition d'un premier logement. Et de permettre la
migration de tous vers un habitat de plus grand confort «au fil de la vie», et
de l'évolution des revenus. Pour cela il propose la suppression des aides
indirectes de l'Etat, en partie captées par les promoteurs, pour les orienter
massivement vers le demandeur de logement : «L'Etat a pris la décision de
bonifier le crédit immobilier à 1% et 3%. Mais cela n'a pas hissé de manière
significative l'accessibilité au logement. Pour cela il faudrait relever l'aide
directe actuelle de 700 000 dinars à un million de dinars. Avec un apport en
épargne personnelle de 500 000 dinars et un crédit bancaire remboursable sur 25
ans de 500 000 dinars, nous atteignons les 2 millions de dinars» seuil d'entrée
dans le LPA (le logement promotionnel aidé). Même un salarié au SMIG peut, dans
ces conditions, obtenir un financement de 500 000 dinars sur 25 ans. A la base
de la réforme, la mobilité des demandeurs de logements sur un marché ouvert, d'où
sont éliminés les frais de transactions, pesant aujourd'hui jusqu'à 15% dans le
logement neuf. Brahim Hasnaoui propose de faire de la
décision d'attribution de l'aide directe un document validé chez le notaire au
moment de l'acquisition, son détenteur est alors «libre d'acheter où il veut. Même
dans l'ancien». Le jeune primo-demandeur peut
commencer avec un F2 avec son aide, puis migrer plus tard vers un F3 avec plus
de financement bancaire, et remettre sur le marché un produit pour autre primo-demandeur avec sa décision d'attribution de l'aide.
«L'APC PRODUIT LE
FONCIER, C'EST A ELLE DE LE CEDER»
Le système actuel
fige l'offre de logement. Le système du LPA délimite les logements à 70 m2 au prix de 40 000 le m2.
Même la liste des acquéreurs est arrêtée par l'administration. Il répond de
manière univoque à une demande qui est variée. «En fait, il nous tire vers le
bas».Système à choix nul. Au moment même où l'Algérie - avec ses revenus
actuels, son expérience du bâti hyper dense, et ses grandes crises du mal vivre
ensemble - doit entamer le grand virage de la qualité de l'habitat auquel
aspirent les citoyens. Brahim Hasnaoui veut
introduire la notion de liberté dans le choix du logement. Pour les acquéreurs
autant que pour les constructeurs. «Pour cela il faut libérer l'accès au
foncier». Les parcelles à lotir sont négociées au gré à gré aujourd'hui. «Elles
doivent être cédées aux enchères. Les promoteurs sauront faire leur calcul
avant de faire une offre» car les terrains n'ont pas la même valeur
urbanistique. Autre proposition de réforme, c'est l'APC
qui doit céder les terrains de son périmètre constructible : «Elle détient le
programme de production du foncier. Elle peut le caler sur la pression de la
demande. Elle est près du citoyen. Elle confectionne les cahiers des charges en
fonction du type de logement qu'elle veut et libère les parcelles aux enchères».
S'il demeure un petit pourcentage de la demande qui demeure insolvable pour
accéder au logement promotionnel, c'est l'APC qui le
sait. Elle ajuste en conséquence la taille du programme de logement social. Les
revenus produits par la production du logement promotionnel au bénéfice des APC,
dans le contexte d'une offre libérée, devrait leur suffire au financement de logements
sociaux. Dans la réforme Hasnaoui, le logement social
décline dans le budget de l'Etat, pour n'aller qu'aux plus nécessiteux. Le
principe est que 95% des ménages puissent acheter à terme leur logement.
«LE LOGEMENT SE
GARANTIT LUI-MEME A LA BANQUE»
Mais que reste-t-il
donc à l'Etat central si le système bureaucratique actuel est démantelé pour
libérer la production et l'acquisition de logements ? «L'Etat dispose des
outils publics pour réguler le marché». Les OPGI et les EPLF ont aujourd'hui les
moyens financiers pour intervenir partout et rééquilibrer les travers toujours
possibles d'un marché du logement et du foncier libéré. A la place d'aides
indirectes rarement efficaces, L'Etat devrait surtout veiller à donner
suffisamment de plan de charge aux entreprises de réalisation afin qu'elles
puissent s'organiser sur le long terme, améliorer l'intégration de leurs
métiers et donc le rendement de leur production. Brahim Hasnaoui
propose d'alléger la barrière d'entrée y compris dans le logement promotionnel
de standing. Les promoteurs devraient être accompagnés par une banque au moment
de la soumission pour l'acquisition d'un terrain, et plutôt que de vendre sur
plan les logements aux futurs acquéreurs, ce qui est un financement supporté
par le demandeur, «ils devraient les inviter à faire placer leur épargne chez
leur partenaire bancaire, ce qui sera profitable à tous». Le promoteur peut
alors négocier des prêts à taux avantageux avec sa banque. Et réaliser à
moindre frais, au bénéfice de ses clients acquéreurs. La réforme Hasnaoui suggère moins de frilosité aux banques : «Les
garanties supplémentaires demandées par les banques aux acquéreurs de logement
ne sont pas nécessaires. Le risque est très faible dans le logement pour les
banques et les frais liés aux garanties font 5% du coût du crédit. Le produit
se garantit lui-même. La limite d'âge, elle-même, devrait être éliminée par les
banques pour octroyer un crédit. Vous connaissez beaucoup d'héritiers qui
acceptent de rendre à la banque un logement qui a doublé ou triplé de valeur
dans l'intervalle ?». Tout pour consolider la demande solvable. Tout pour tirer
l'offre vers le haut. Sa réforme, Brahim Hasnaoui l'a
en quelque sorte déjà déclinée, à Oran, en projet témoin, dans la plus grande
promotion immobilière du Maghreb : faible densité de bâti, grande variété de
logements, individuels, semi-collectifs et collectifs,
grands parcours de vie commune, intégration tout service, dominance du vert, économie
d'énergie avec isolation thermique. La perspective de l'habitat des «années
riches» de l'Algérie.
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Posté Le : 10/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Kadi Ihsane
Source : www.lequotidien-oran.com