Algérie

Brahim Guendouzi, économiste, à L’Expression «L’Algérie s’engage dans une ère énergétique durable»



Publié le 29.09.2024 dans le Quotidien l’Expression

Enseignant-chercheur à la retraite à l’université de Tizi Ouzou et membre du laboratoire de recherche sur le management des organisations (Laremo), Brahim Guendouzi est également auteur de plusieurs études socio-économiques dont deux ouvrages sont consacrés aux relations économiques internationales et au commerce international. Brahim Guendouzi collabore aussi avec l’université privée Emto dépendant du groupe Insim.
L’Expression : Voulez-vous expliquer à nos lecteurs la genèse de la notion de transition énergétique ?

Brahim Guendouzi : La transition énergétique désigne l’ensemble des transformations du système de production, de distribution et de consommation d’énergie pour diminuer son impact environnemental et le rendre plus écologique. Le concept de transition énergétique est apparu en 1980, en Allemagne et en Autriche, sous la forme d’un livre blanc, suivi à Berlin du premier congrès sur le sujet. Il s’agit d’assurer le passage progressif des énergies carbonées, polluantes (charbon, pétrole) ou à risque (nucléaire), aux énergies propres, renouvelables et sans danger (solaire, éolienne, géothermique, hydraulique). Aussi, la transition énergétique a trois volets principaux. Le premier porte sur le remplacement progressif des énergies fossiles (et le nucléaire) par un mix énergétique privilégiant les énergies renouvelables. Le second touche la réduction de la consommation d’énergie et des gaspillages énergétiques, notamment via l’amélioration de l’efficacité énergétique. Le troisième volet est relatif à la sobriété énergétique, consistant en la réduction des besoins en énergie grâce à des changements structurels qui facilitent les évolutions comportementales en termes de consommation. Cette transition répond également à une série d’enjeux complémentaires tels que la sécurisation des systèmes énergétiques, la réduction des inégalités dans l’accès à l’énergie et surtout la protection de la santé des populations.

La transition énergétique, est-ce un projet réalisable, selon vous, dans les conditions actuelles de l’économie mondiale, basée grandement sur la croissance ?

La planète Terre est soumise à un changement climatique, tel que confirmé par les rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) constatant la vulnérabilité des écosystèmes et des populations ainsi que la hausse des températures de 2,3° à 3,5° d’ici 2035. Dans un tel contexte de préoccupations croissantes concernant le réchauffement climatique, la transition énergétique devient inéluctable, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre associées (GES), à la façon de produire et de consommer de l’énergie grâce à diverses formes de décarbonisation et à augmenter la part des énergies renouvelables dans la demande énergétique. La croissance économique est indispensable pour la satisfaction des besoins de base des populations, mais peut être obtenue selon des leviers qui sauvegardent l’environnement. La transition énergétique est essentielle dans les stratégies de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique. Au demeurant, il importe de dissocier la croissance économique de l’augmentation de l’exploitation des ressources naturelles en vue de réduire l’impact environnemental, tout en optimisant les coûts.

Qu’en est-il de la transition énergétique dans notre pays et les objectifs tracés ?

Les questions d’énergie et d’environnement constituent des enjeux majeurs pour l’Algérie, car étant déjà un pays fournisseur de pétrole et de gaz naturel, mais aussi vulnérable aux effets du changement climatique. En effet, l’accroissement considérable de la consommation énergétique, particulièrement en gaz naturel, et les gaspillages d’énergie, imposent une amélioration du mix énergétique et de l’efficacité énergétique, à même d’utiliser rationnellement les ressources rares du pays, de préserver les écosystèmes et la biodiversité, de réduire les émissions d’oxyde de carbone et enfin d’accéder au développement durable.

Quels sont les moyens que l’État mobilise pour la réussite de ce défi ?

L’Algérie s’engage dans une nouvelle ère énergétique durable. L’objectif assigné est de produire 40% des besoins en électricité à partir des énergies renouvelables d’ici 2035, grâce à la réalisation d’une capacité de 15 000 mégawatts. Actuellement, cette part est équivalente à 600 mégawatts selon le Cerife, soit à peine 2%, ce qui montre l’ampleur du défi. S’agissant de l’efficacité énergétique, un programme ambitieux est lancé par l’Aprue et qui touche le secteur du bâtiment, qui représente près de 47% de la consommation finale d’énergie, l’objectif étant d’améliorer la performance énergétique de tout le parc immobilier national. Le second secteur est celui de la motricité, avec plus de 28% de la consommation finale d’énergie. Il est question de réduire les émissions de CO2 et d’améliorer la qualité de l’air dans les zones urbaines, en favorisant la conversion des véhicules au GPL ainsi que l’adoption des technologies innovantes. Le troisième secteur concerné est l’industrie, grâce à l’acquisition et à la mise en œuvre de process industriels et d’équipements à haute performance énergétique, pour arriver, à l’horizon 2040, à une industrie bas carbone. Enfin, la généralisation des luminaires LED ou des systèmes solaires photovoltaïques dans l’éclairage public des collectivités locales.

Estimez-vous ce défi réalisable ?

La transition énergétique n’est pas du seul ressort de l’État, mais cela intéresse également les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens. Il s’agit essentiellement de développer des synergies de mutualisation et de substitution des ressources, en plus du développement d’activités innovantes, et ce dans une démarche collective et volontaire. Au-delà des efforts financiers et des investissements à consentir dans le développement de nouvelles sources d’énergie renouvelable, la dimension technologique s’avèrera déterminante pour réussir la transition des énergies fossiles à des énergies décarbonées, tout en conciliant le développement durable avec une gestion rationnelle des ressources naturelles.

Quel sera le rôle du gaz naturel dans la transition énergétique ?

Incontestablement, le gaz naturel sera la première source d’énergie dans la transition énergétique, et ce de par ses propriétés de combustion propre, sa contribution à l’amélioration de la qualité de l’air et à la réduction des émissions de CO2 ainsi qu’à la sécurité alimentaire mondiale en liaison avec la production des fertilisants. Ceci est d’autant plus vrai que même si les sources d’énergie renouvelables sont en plein essor, notamment dans le secteur de l’électricité, elles ne sont pas encore suffisamment matures pour répondre à la demande énergétique croissante au niveau mondial, tel que cela ressort dans un rapport du Gecf. Aussi, l’Algérie, qui reste un pays gazier, compte consolider son mix énergétique à partir du gaz naturel.
Kamel BOUDJADI



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