Algérie

Bouteflika n'a pas parlé de la révision de la Constitution Les technocrates des finances et les fabricants de limonade


Les devins ont tort même s'ils disent vrai ! C'est ce que l'on pense au sujet des « prévisions » insistantes publiées dans la presse sur l'annonce, à l'occasion du 5 Juillet, d'une révision de la Constitution. Aucune allusion directe à une question très présente dans les journaux, mais le Président a tancé les fabricants de limonade et mis à l'index les « technocrates » des finances qui bloqueraient la « décision politique ». A l'évidence, le système de fonctionnement du système algérien est périlleux pour les prévisionnistes de la météo politique. Le fait est que l'on ne sait pas davantage, après ce discours, si révision de la Constitution il y aura ou non et si le Président songe à un troisième mandat. Il faudra, sur la révision constitutionnelle, se contenter des assurances répétées de Abdelaziz Belkhadem. Mais le discours présidentiel n'a pas totalement occulté les questions politiques et il semble même répondre aux constats exprimés ça et là sur l'impasse politique en Algérie. De ce fait, la retentissante abstention du 17 mai dernier a été bien présente et le Président semble en prendre acte en estimant que la stabilité étant assurée, il est temps de répondre aux « attentes légitimes » en imprimant un « nouvel élan à la construction du projet national ». Quels sont les contours de ce projet national qui devraient prendre en charge les aspirations d'une « société ouverte » sur le monde extérieur et surtout comment réaliser ce « libre débat » et cette « participation citoyenne » ? On n'en sait pas beaucoup, mais le Président dit qu'elle ne sera ni de « façade », ni une « transposition artificielle de mécanismes déconnectés des réalités propres du pays ».  En somme, on reste dans la démocratie « spécifique », si souvent synonyme de « on n'est pas prêt ». Il faudra donc attendre les contours du nouvel « élan » pour voir quelles lectures on fait de la très réelle désaffection à l'égard du système politique et institutionnel en place. Il reste que le Président semble, lui aussi, accorder une certaine importance à la révision de la loi électorale qui est devenue une panacée pour expliquer l'abstention électorale. Une manière d'apporter son appui aux partis de l'alliance qui ont immédiatement sauté sur la loi électorale comme l'explication idoine.  En annonçant des aménagements visant à « rationaliser » les règles de la représentation citoyenne, il partage la lecture des chefs de partis de l'alliance: le système politique est bon, il s'agit juste de l'améliorer en éliminant les sigles en trop du paysage. Si telle est la lecture dominante, l'élan nouveau risque de ne pas porter très loin.  C'est sans doute dans le domaine économique où le Président est le plus polémique. Les critiques contre les opérateurs nationaux qui parasitent l'économie en n'investissant pas dans les secteurs stratégiques sont étonnantes. Outre qu'un investissement dans le « stratégique » ne se fait pas par des injonctions mais éventuellement par des incitations, il est assez surprenant de leur reprocher de fabriquer de la limonade et de la semoule. Ce n'est certes pas de la grande industrie, mais pourquoi reprocher à des opérateurs d'investir ces créneaux du moment qu'ils répondent à des besoins et à une demande ? S'ils ne font pas de la limonade et de la semoule, on en importera sûrement. Après tout, le commerce extérieur a été ouvert... Les critiques du Président contre les « technocrates » du ministère des Finances qui, selon lui, ont pris en otage « la décision politique » en reportant « année sur année des écritures de montants qui datent de 62 », mériteraient, à tout le moins, des clarifications. La dette « interne », résultat des avances du Trésor - sur injonction politique - à l'économie (industrie, mais n'oublions pas l'agriculture - autogestion...), se rembourse de deux manières possibles: par la vente d'une partie correspondante du patrimoine public ou par l'affectation des excédents budgétaires.  Les technocrates n'ont pas la capacité de s'opposer à une décision de politique publique décidée par le gouvernement, mais ils sont tenus d'appliquer la loi et de se conformer aux normes légales de la comptabilité publique. Or, la comptabilité publique ne connaît pas l'annulation des engagements publics sur l'économie; c'est une mesure léonine où l'on verrait l'Etat renier sa propre signature. Outre le mauvais effet que cela peut avoir sur les prêteurs privés réels ou potentiels, si une décision de cette nature était prise, on en mesurera les effets sur les banques publiques ayant avancé des concours financiers à l'économie sur injonction gouvernementale. Si la Banque nationale d'Algérie prenait à sa charge, à titre d'exemple, tous les crédits consentis à la Sonacome et qu'elle les passe par pertes et profits, cela n'augure rien de bon pour ses comptes. Or, ces crédits ont été consentis sur injonction politique et aussi bien les banques que les entreprises bénéficiaient de facto de la garantie de l'Etat. La solution qui respecte le système de la comptabilité publique serait que le gouvernement ordonne la cession d'une partie du patrimoine public dans le but déclaré de rembourser la dette interne ou bien décide d'affecter les excédents budgétaires réalisés au cours des exercices précédents (et mécaniquement placés chez la Banque centrale) à cette fin précise. Le Trésor public rembourserait ses créanciers et la dette serait ainsi soldée. Et les technocrates n'auraient pas ce pouvoir de contrer la décision que leur prête le Président.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)