Le général, la plume et l'épée Il le précise d'emblée : « Je n'ai aucune querelle à régler. Je n'ai plus aucune rancune à assouvir » Cependant, à la lecture des bonnes feuilles de l'ouvrage du général Nezzar publiées par Le Matin, je n'ai pu m'empêcher d'écarquiller les yeux me demandant si sur-le-champ le procureur de Benchicou, Dilem et les autres n'allait pas se précipiter « d'auto-saisissement » en mandant la force publique contre « l'outrage fait au Président ». Vous en riez et je vous comprends ! Il faut dire que la charge est d'un tel vitriol que les caricatures de Dilem ou de Hic, la chronique la plus coléreuse de Benchicou, la dérision de Laâlem ou de Chahinez en deviennent des coups de canif, que dis-je un langage de bons fils de famille.
C'est un pamphlet presque célinien, pas très loin de la verve du Voyage au bout de la nuit conduit à la hussarde, la feuille blanche tel le champ de bataille, ce brûlot semble n'engager que son auteur bien sûr, mais j'aurais peine à croire que l'ex-général major, ministre de la Défense, membre du HCE et chef d'état-major ne s'exprime ici en porte-voix au moins d'une bonne partie de la grande muette. Le signataire conduit, en effet, sa plume comme il doit savoir manier l'épée. Il traque, il démasque, il fustige, il fouaille, il stigmatise, il cingle, il juge Bouteflika, l'homme et son bilan (tel est le titre de l'ouvrage) avec une telle témérité, une telle jubilation de mots et d'expressions que même Marx est parodié (« Hommes de mon pays unissez-vous »), le dictionnaire déversé (« périgée » « fardage », etc.), les bons proverbes de chez nous mobilisés, les clichés de l'adversaire moqués. Il nous rapporte les détails, fait des aveux, nous informe sur les coulisses du Pouvoir, évente les turpitudes, les simagrées, les hypocrisies, les ruses, les complots avec une telle précision que nous savons tout des arcanes, des palais, des meubles précieux, du luxe, du fric, de la famille, des amis, des fantasmes, des bassesses de l'homme et du Président. Soit. Mais tout cela, à quelques détails près, est connu par toutes les coiffeuses et les garçons de café dans les hammams et les taxis.
Le dire publiquement et d'un si haut lieu concourt certainement - quelles que soient les intentions de l'auteur - à rendre le système qui nous gouverne plus transparent. Il nous fait mesurer combien l'Etat de décrépitude du régime est plus avancé encore qu'on ne le croit. Mais lorsque le général écrit au détour d'une phrase « Boudiaf assassiné par un cinglé » ou alors lorsqu'il explique que la cooptation de Présidents n'avait pour but que de protéger « les acquis démocratiques de l'Algérie », là, je souris.
Ce livre est symptomatique, au-delà même de son propos, de la fin du règne qui ne finit pas de se terminer. Il suffit de lire et d'écouter acteurs et observateurs. Tous se prononcent pour la « fin du système ». Le grand problème est que chacun donne à ce mot la signification qui lui convient. Dans ces quelques bonnes feuilles, le général donne la sienne. Cependant, si par son action, son bilan et sa conception du pouvoir, Bouteflika a lui-même prouvé qu'il serait dangereux pour le pays qu'il accède à un second mandat, les extraits de l'ouvrage de Nezzar nous révèlent en creux, et à l'insu de l'auteur, les arcanes d'un système dont il faut sortir pour consacrer réellement la démocratie et les libertés. En finir avec les faiseurs du système qui n'a en réalité produit que les thuriféraires, les porteurs d'encensoir, les opportunistes de toutes franges, les claquettes de régime, les carpettes de toujours, les à-plat-ventristes patentés, les flagorneurs que décrit dans son langage le livre d'un des anciens (?) chefs du système.
nakabou kamel
crezy - kadab - constantine, Algérie
07/03/2014 - 182224
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Posté Le : 25/10/2003
Posté par : nassima-v
Source : www.dzlit.free.fr