Algérie

Bouteflika-Gaïd Salah, une alliance pour un scrutin


Deux hommes-clés marquent cette rentrée politique : le président de la République et le vice-ministre de la Défense nationale. Le premier «renoue» avec les entretiens avec les chefs d'Etat ? une conversation téléphonique avec Emmanuel Macron et, lundi prochain, une rencontre avec la chancelière Merkel à Alger, après un report de sa visite de plusieurs mois.Bouteflika veut ainsi contrer la critique la plus acerbe de l'opposition sur son incapacité à travailler avec ses homologues étrangers et signifier qu'il reste encore «valide» et en mesure de gouverner. Le message est adressé également à l'opinion publique qui s'interroge lourdement sur la fiabilité des appels de certains partis et de personnalités politiques au président de la République pour qu'il brigue un 5e mandat en avril prochain.
On est là dans une des stratégies de Bouteflika pour les élections à venir. Une autre consiste à reculer l'annonce de la décision de participation à la dernière minute dans le but de brouiller les cartes des adversaires au scrutin. Le chef de l'Etat se contentera, d'ici là, de donner des indices, une technique déjà expérimentée à la veille du 4e mandat. Mais, surtout, il laissera le gros du travail aux «sous-traitants» de la politique et de la société civile, tant au sein de l'Etat que des formations politiques et des associations. Ils seront nombreux et bien outillés pour peser au maximum sur l'opinion publique.
L'autre personnalité montante est le général-major Gaïd Salah qui occupe l'espace médiatique quasi quotidiennement par ses sorties sur «le terrain». Imperturbable, droit dans ses bottes et dans sa tenue militaire, il vérifie par le détail l'état de solidité technique des troupes, qu'il dit destinées «exclusivement» à la défense des frontières et à la lutte contre le terrorisme armé interne sévissant encore dans le pays. Il se garde bien d'évoquer les questions de politique intérieure, mais il a tenu à dire qu'il est sous l'autorité du président Bouteflika et qu'il lui voue une fidélité sans faille.
Le message est clair : il n'a aucune intention ni prétention à lui disputer le poste de président de la République, encore moins à lui barrer la route pour un 5e mandat. Il lui a offert comme gage le dégommage de tous les anciens généraux des postes névralgiques de l'ANP, qu'il explique par un «souci d'alternance». En réalité, ce qui a joué, c'est le critère de fidélité absolue à sa personne, et donc à celle du chef de l'Etat. Il semble donc qu'entre les deux hommes règne une entente parfaite, chacun ayant besoin de l'autre. Bouteflika peut ainsi aller vers le 5e mandat sans «souci aucun» du côté des militaires, ce qui n'est pas rien, compte tenu du fait qu'il a toujours craint ? et surtout détesté ? les officiers supérieurs, soupçonnés de lui avoir barré la route de la succession à Boumediène et d'avoir eu l'intention d'en faire un «demi-président», lorsqu'ils l'ont sollicité, début 1990, pour diriger l'Etat. En quatre mandats, Bouteflika a éliminé l'ensemble des anciennes figures de la hiérarchie militaire, y compris le général-major Toufik, qui a pourtant joué un rôle-clé dans son retour au pouvoir politique. En étant à ses côtés dans toutes les étapes de sa maladie, Gaïd Salah a su échapper à son courroux.
Il s'est gardé également de toute critique de ses mandats présidentiels. Il apparaît donc que la pérennité du système sera assurée tant que ce duo conservera toute sa solidité. Mais il arrivera peut-être un moment où la santé de Bouteflika se dégradera à un point où il sera contraint de lâcher prise, et cela avant ou après le 5e mandat. Privé de son protecteur politique, Gaïd Salah sera fragilisé face aux nouvelles forces politiques et sociales qui surgiront à la faveur de la nouvelle donne de l'après-Bouteflika, même avec un chef d'Etat ou un Président du «système».
Comme tout nouveau chef d'Etat, celui-ci sera tenté de procéder à des réformes qui balayeront les anciennes pratiques et les anciens dirigeants, y compris au sein de l'armée. C'est ce qu'a fait Chadli après la mort de Boumediène et Bouteflika après la démission de Zeroual. La politique s'encombre rarement de l'amitié, elle privilégie les alliances et les intérêts qui, par définition, sont ponctuels et sujets à caution.
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