Algérie

Bouteflika est-il sorti de la zone de turbulences '



De tous les chefs d’Etat arabes confrontés à la colère de la rue et en dehors du roi du Maroc qui compte sur son titre de commandeur des croyants pour sauver sa tête et le trône, Bouteflika aura été l’un des rares présidents à avoir négocié avantageusement la crise de confiance qui ébranle les régimes arabes les uns après les autres. Après les émeutes de janvier dernier qui s’étaient répandues à travers de nombreuses wilayas du pays et les marches de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNDC) empêchées, chaque fois, par les forces de sécurité, réduisant ce mouvement à une existence symbolique pour ne pas dire virtuelle, les choses semblent être rentrées dans la normalité. Quand on analyse la gestion quotidienne des affaires du pays depuis le «printemps arabe», rien n’indique que le pouvoir en Algérie est ébranlé dans ses certitudes. Décodé, le message qui est délivré par les autorités algériennes se borne à convaincre à l’intérieur, mais surtout à l’extérieur qu’il n’y a pas de crise de confiance entre le pouvoir, à sa tête le président Bouteflika, et le peuple. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, n’a-t-il pas tenté, lors de la conférence de presse qu’il a donnée dimanche à l’issue de la réunion de la tripartite (gouvernement-patronat-UGTA), d’expliquer sans convaincre que les réformes annoncées par le président Bouteflika relèvent d’une décision politique prise en toute souveraineté, loin de toute pression extérieure ' Quand bien même on pourrait accorder le bénéfice du doute à une telle thèse reprise en chœur dans les déclarations des hauts responsables du pays, on ne peut pas ne pas s’interroger pourquoi le pouvoir n’a-t-il pas jugé indispensable d’engager les réformes plus tôt ' Le fait est qu’aujourd’hui presque personne ne réclame le départ du système et de Bouteflika en écho à la rue arabe qui a déjà eu raison de certains régimes qui sont tombés comme un fruit pourri. Lassitude ' Défaitisme ' Absence ou faiblesse de l’opposition, atomisée et divisée ' Rançon des mesures populistes tous azimuts édictées par le pouvoir, particulièrement en direction des jeunes dont on cherche à absorber la colère pour prévenir tout risque de dérapage ' Il y a de tout cela à la fois. Seules les grèves qui n’épargnent aucun secteur d’activité et dont la prévalence, l’intensité mais surtout le contexte politique dans lequel elles surviennent sont là pour rappeler l’existence d’un malaise dont on refuse, avec obstination, à chercher les causes dans la mauvaise gouvernance du pays. Pour le pouvoir, le meilleur allié pour rebondir et affronter le défi de la légitimité posé au régime algérien dans le sillage des révolutions arabe ce n’est pas le peuple dont on pense à tort ou à raison qu’il n’est pas structurellement sujet à attraper le virus de la démocratie à l’image de ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte. Mais c’est bien le soutien extérieur. Les cartons rouges brandis par certaines capitales occidentales et les Américains appelant le pouvoir en Algérie à faire preuve de retenue et à ne pas recourir à la violence contre les manifestants n’ont pas tardé à céder la place à une certaine connivence avec ce même pouvoir au nom de la realpolitik. Ironie de l’histoire : au milieu de la fournaise régionale, l’Algérie apparaît pour les investisseurs et les partenaires étrangers comme le pays le plus stable de la région. C’est ce qui explique ce regain d’intérêt pour le marché algérien de la part des Français, des Américains, des Espagnols… L’ambassadeur de Grande-Bretagne à Alger s’est même empressé de se féliciter des consultations sur les réformes politiques alors que la démarche est loin de faire consensus en Algérie. Si la situation apparaît, jusqu’à nouvel ordre, plus ou moins maîtrisée au plan politique, le front social, en revanche, semble échapper à tout contrôle comme l’attestent ces grèves éclatant un peu partout et que l’on ne compte plus. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a tenté de minimiser la portée de ces revendications socio-professionnelles en mettant cela sur le compte d’un effet de mode, de suivisme lié à la conjoncture politique. Dans la majeure partie des cas, les pouvoirs publics finissent par accéder aux revendications exprimées. On règle un conflit social, dix autres surgissent. Bouteflika se trouve ainsi piégé par le mécontentement social de plus en plus grandissant qui éclipse le débat sur les réformes politiques confiné à des cercles restreints. Le pouvoir peut-il mener ces deux batailles en même temps ' L’annonce des réformes politiques est censée susciter une dynamique politique et populaire, accorder un état de grâce au pouvoir. Elle a produit l’effet contraire : un embrasement du front social et un engouement mitigé au projet de réformes tel que décliné.


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