De notre envoyé spécial à Sétif, Kamel Amarni
«A partir d'aujourd'hui, ma génération est finie.» C'est Abdelaziz Bouteflika qui parle. «Cinquante ans après l'indépendance, le rôle des moudjahidine, qui ont libéré le pays, est fini.» Il le répétera à trois reprises.
Comme prévu donc, Bouteflika a choisi une date symbolique, le 8 Mai, et un lieu qui s'y prête tout autant, Sétif, pour effectuer une ultime tentative de sauver «son» élection législative. La médiocrité effarante de la campagne électorale, qui s'est achevée, fera, en effet, que seul un «électrochoc» pourrait sauver la face à Bouteflika menacé, à travers l'élection de demain, d'un désaveu spectaculaire. Et l'homme jettera toute son énergie, au prix d'un effort laborieux, pour haranguer la nation. Et comme conseillé par son entourage immédiat, Bouteflika choisira la formule du «discoursmeeting », prononcé dans une salle devant une foule de partisans. Ce qui lui permettra de nombreuses digressions qui lui donneront l'occasion d'interpeller directement les Algériens. «Comme j'ai eu à vous le dire auparavant, nous, c'est fini ! (tab djnanna, ndlr).» Des voix fusent alors de la salle omnisports de Sétif. «Non ! ouahda rabaâ ! (quatrième mandat) » Ce à quoi Bouteflika répliquera par un dicton en arabe qui veut dire, en gros, «longue vie à celui qui connaît ses limites». En d'autres termes, il signifie qu'il n'ira pas au-delà de son actuel mandat. Mais il ne veut pas sortir par la petite porte. «Je vous ai déjà interpellés à partir d'Arzew (le 23 février dernier, ndlr) et à travers plusieurs de mes messages à propos de ces élections décisives et qui ne ressemblent en rien aux précédents rendez-vous électoraux. A chaque fois que je l'ai fait, ce n'est pas tant pour vous expliquer le programme de tel ou tel parti. Cela même si ma sensibilité politique à moi est de notoriété publique», s'écriera, dans une autre digression, celui qui est, par ailleurs, président du FLN. «Si je le fais, c'est pour appeler le peuple algérien, jeunes et moins jeunes, toutes catégories sociales et toutes tendances confondues, à créer un sursaut patriotique comme sait très bien le faire le peuple algérien à chaque fois que la conjoncture l'exige, en participant massivement au scrutin du 10 mai.» Toute la préoccupation de Bouteflika est, en fait, résumée dans cette idée : le taux de participation, il le perçoit comme un véritable référendum pour ses réformes, et donc pour sa crédibilité même. A l'intérieur, mais surtout à l'extérieur du pays. A plusieurs reprises, d'ailleurs, Bouteflika a insisté dans son discours de ce mardi, sur le risque d'une ingérence étrangère, qui ne relève plus, depuis janvier 2011, du domaine du discours populiste. «Par fidélité aux moudjahidine, à tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour libérer le pays, à tous ceux aussi qui ont donné leur vie pour faire face au terrorisme, à leur tête les éléments de l'ANP (...) de vous mobiliser en masse, filles et fils de l'Algérie pour réussir les élections du 10 mai. Pour déjouer tous les complots de l'étranger qui se trament contre notre pays.» Usant toujours du même style direct dans lequel il excelle, Bouteflika utilisera son discours de quarante minutes pour frapper fort.
«Notre génération a failli»
«Nous venons d'enterrer le premier président de l'Algérie indépendante, le président Ben Bella. Et ce n'est qu'ici que j'ai appris que la majorité d'entre vous ne le connaissaient même pas ! Oui ! Qui est Krim, Abane, Zighoud, Ben Boulaïd ' C'est inadmissible de ne pas connaître ces grands dirigeants. Bon, vous connaissez peut-être Ben Boulaïd, parce que nous avons réalisé un film sur lui. Mais c'est grave de ne pas connaître Amirouche, Si El Haouès et tous les autres. Tout cela n'est pas de votre faute, mais bel et bien de celle de notre génération qui n'a pas su faire connaître l'Histoire de ce pays aux jeunes générations.» Rarement un haut responsable à ce niveau-là n'a eu à faire un mea-culpa aussi net, au nom du régime quant à l'injustice qui a frappé l'Histoire de l'Algérie combattante et de ceux qui en étaient les principaux dirigeants. Ceci étant, Bouteflika revient à la charge et proclame «la fin de mission de la génération qui a libéré le pays». Il enchaîne en direction des jeunes générations «préparez- vous à prendre le relais. Nous, c'est fini». Mais ne disait-il pas la même chose, en 2005 déjà, lorsqu'il proclama, son deuxième mandat à peine entamé : «La légitimité révolutionnaire, c'est fini ! C'est fini ! C'est fini !» ' Cela fait déjà sept ans au cours desquels il avait même révisé la Constitution pour s'ouvrir la voie à un troisième mandat...
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Posté Le : 09/05/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : K A
Source : www.lesoirdalgerie.com