Algérie

Bouregâa : "Votre justice n'est pas indépendante"



Le collectif de défense n'a pas été consulté préalablement sur la position du moudjahid, mais l'a respectée.Lakhdar Bouregâa, ancien chef de l'ALN pendant la Guerre de Libération nationale, en détention préventive à la prison d'El-Harrach depuis le 30 juin dernier, a comparu, hier, devant le juge d'instruction près le tribunal de Bir-Mourad-Raïs, pour une audition de fond. Stoïque, il a catégoriquement refusé de répondre aux questions du magistrat. "Je ne vous réponds pas car votre justice n'est pas indépendante et votre gouvernement illégitime. Je ne trahis pas le hirak", a asséné l'ancien maquisard.
Selon Zoubida Assoul, une parmi les avocats constitués bénévolement pour sa défense, il ne s'était guère concerté préalablement avec le collectif, qui n'a pas été informé, par ailleurs, de la programmation de l'audition de fond par le tribunal. "Nous avons été surpris par sa déclaration. Nous avons demandé une consultation avec lui", nous a-t-elle affirmé. Egalement déstabilisé par cette attitude inattendue de l'octogénaire, le juge d'instruction a accordé une pause de dix minutes, durant laquelle, les avocats ont tenté de comprendre les visées de la démarche.
"M. Bouregâa nous a dit que c'était une question de principe. Il rejette tout ce qui vient du gouvernement illégitime, y compris son procès", a poursuivi notre interlocutrice. Il s'est échiné aussi à focaliser l'attention sur les détenus du hirak, quelque 80 manifestants mis sous mandat de dépôt pour port de l'emblème amazigh, une pancarte revendicatrice ou pour un activisme dans le mouvement populaire, en exigeant leur libération.
"Il ne reconnaît pas les chefs d'inculpation retenus contre lui", a corroboré Me Noureddine Benissad. Accusé "de participation, en temps de paix, à une entreprise de démoralisation de l'armée ayant pour objectif de nuire à la défense nationale et à un corps constitué", à cause d'une déclaration faite le 26 juin dernier au siège national du RCD lors d'une activité du Pacte de l'alternance démocratique, Lakhdar Bouregâa estime, selon ses avocats, qu'il est poursuivi et incarcéré pour ses positions politiques, alors que la Constitution garantit la liberté d'opinion et d'expression.
"Nous respectons la décision de notre mandant", a déclaré Me Benissad, qui, autant que sa cons?ur, a révélé que le refus du moudjahid de répondre au magistrat et de signer le PV d'audition n'aura pas d'impact sur la suite de la procédure judiciaire. "Le juge d'instruction peut émettre une ordonnance de non-lieu et le remettre en liberté, ou bien déférer le dossier devant le tribunal correctionnel", a supposé Me Assoul. Quelle que soit la décision du magistrat, le plus vieux détenu politique du pays a été renvoyé, hier après-midi, dans sa cellule au centre pénitentiaire d'El-Harrach.
"Nous introduirons une demande de mise en liberté au plus tard au début de la semaine prochaine, le temps de nous concerter sur le cas", a informé Me Benissad. La déclaration de Lakhdar Bouregâa, devant le juge d'instruction, est devenue culte en quelques heures sur les réseaux sociaux. Des internautes ont mis en exergue son degré de maturité et son courage. D'autres puisent dans son engagement sans faille dans la révolution citoyenne contre le régime et pour la libération des détenus d'opinion les ressources nécessaires pour continuer le combat vaille que vaille.
"Le moudjahid Bouregâa, même depuis la prison et le tribunal, continue de nous donner du courage et de la force. Notre devoir est de continuer", a écrit Nas Sim. "Un lion reste un lion, même s'il est pris par des hyènes", a commenté Farès B. "Lakhdar Bouregâa doit sortir vivant de prison. Nous ne voulons pas qu'il soit un martyr de la révolution du 22 février", a incité Ramdane Youssef Tazibt, cadre dirigeant du Parti des travailleurs (PT), sur son compte des réseaux sociaux.

Souhila Hammadi


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