Algérie

Boulot-dodo



Boulot-dodo
«La journée bien commencée semble toujours bientôt passée.» Proverbe français«Tu ne crois pas qu'on va s'amuser à surveiller les petits lascars qui se livrent à ce genre de broutilles! Il y a déjà fort à faire avec les berbéristes, les communistes, les ibadites... Enfin tous ceux qui empêchent l'Algérie d'être d'une couleur uniforme», avait répondu mon ami Lounès à ma longue tirade sur le logement. Je ne fis pas cas de son trait d'humour, sachant qu'il fallait prendre tout ce qu'il dit au second degré. Je poursuivis dans le même ton pour lui montrer que je n'étais pas obsédé par le problème du logement malgré les quarante-neuf ans que j'ai passés pour régler cette épineuse question. «J'ai fait cette digression sur le logement pour te montrer que tous les problèmes se tiennent. Enfin ceux qui affectent le pauvre citoyen qui n'est pas né sous une bonne étoile. Enseignement, logement, santé, justice et transports sont les points cardinaux qui indiquent si une société marche bien ou non. Moi, c'est celle du transport qui m'intéresse le plus parce qu'elle est la plus visible. Imagine-toi un pauvre bougre qui habite dans une de ces cités dortoirs qui ceinturent la capitale et qui loge dans un HLM où toutes ses nuits sont blanches à cause d'un voisinage hétéroclite, source de toutes les nuisances possibles: celui qui a squatté la cave et qui est taxi clandestin rentre au milieu de la nuit en claquant la porte de fer qui ferme le coin d'espace vert qu'il a occupé magistralement, mettant les locataires divisés devant le fait accompli. Et souvent, des gens sans tact viennent le chercher au milieu de la nuit pour une course urgente: ils l'appellent en vociférant son prénom ou en tapant sur la porte de fer. Le tapage ne semble pas déranger les locataires qui font les morts. Ne parlons pas des énergumènes qui jouent au ballon dans l'allée voisine par temps clair. Quant aux voisins du dessous et du dessus, il vaut mieux ne pas en parler. Et quand il arrive enfin à fermer les yeux, Morphée ne le garde pas longtemps dans ses bras moelleux pour la bonne raison que l'appel à la prière de la mosquée voisine fait vibrer les vitres. Résultat: c'est un bonhomme aux yeux cernés qui va, après avoir avalé un café en toute vitesse, se pointer à la station de bus où stationnent déjà deux bus, tous feux éteints. Le premier bus a déjà ouvert ses portes et des usagers à la mine pâle sont calés dans des sièges exigus, avec pour toute lumière celle de l'éclairage public qui tente de passer à travers les vitres poussiéreuses. Et l'attente va durer le temps qu'il faudra, avec pour ponctuation les toussotements et les crachotements répétés des gens qui se lèvent tôt. A cette heure, le receveur n'a pas besoin d'encourager les usagers à monter dans cette épave bringuebalante: la température extérieure et l'environnement hostile de la cité déserte suffisent. Puis après une éternité, le chauffeur monte enfin et met le moteur en branle. Le bus se met à cliqueter de tous ses mécanismes disjoints mais personne ne bronche car le bus est encore à moitié vide. Tout le monde sait qu'il ne démarrera que plein. Je te raconte tout cela dans le détail, parce que c'est une scène que j'ai vécue des milliers de fois avant et après l'arrivée du tramway. La mise en service de ce nouveau moyen de transport n'arrange que ceux qui vivent et travaillent à proximité de son itinéraire fantaisiste: l'absence de correspondance et du fameux abonnement mensuel pousse les gens à rester fidèles aux vieux cars qui les emmènent pour un prix modique jusqu'à Alger-Centre. Qui oserait mettre 300 dinars dans le trajet aller-retour quotidien entre le dodo et le boulot'»




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