Sans vaine réthorique, une jeune femme parle pendant une heure. Et pendant tout ce temps, on est obligé de lui prêter l?oreille. Ses mots sont ceux de tous les Algériens qui s?expriment en tamazight. Ils sont justes, et le monde qu?ils peignent est d?un réalisme saisissant ; c?est celui des jeunes chômeurs et des harraga, c?est aussi celui du népotisme, de la paupérisation et de l?intégrisme devant lesquels, les dirigeants, élus compris, restent impuissants, car corrompus ou incompétents. Cette femme n?a-t-elle, elle-même, rien à faire donc ? Seule dans son bungalow auquel on accède par une échelle, elle attend que l?eau arrive pour laver le linge. Et en attendant, elle parle. II lui arrive aussi de chanter et de danser et quoi qu?elle fasse, cette femme qu?on croirait sortie d?un roman de Paul Guth ? elle est mannequin et karateka hors du théâtre ? est toujours dans le ton, jamais le public ne s?est autant marré. Jamais il n?a applaudi à une soirée avec autant de ferveur et de conviction. II en aurait redemandé, mais Ferhane Razika, qui joue dans ce long monologue taillé sur-mesure pour elle par la brillante Hamida Aït El Hadj, est, apprenons-nous ce soir, nominée pour le Fennec pour son second rôle dans Hal ou Ahoual (le temps et les temps). II était prévu d?ailleurs qu?elle rejouerait la pièce le jour suivant, mais le public, compréhensif, a bien pris la chose et souhaité à la jeune actrice, qui s?est déjà produite dans la même pièce à Tamanrasset et à Alger avec le même succès fou, de décrocher ce prix convoité par tous les artistes de renom. Convaincue d?avoir déniché la perle rare, Hamida est toute fière de sa jeune trouvaille qu?elle a décidé de prendre sous sa protection pour assurer sa carrière. Redevenant professionnelle, la réalisatrice et metteur en scène nous livre la clef de la réussite de ce monologue : la simplicité, le choix des mots. Satire sociale d?une vigueur insoupçonnée, la pièce, nous assure Hamida, fustige en premier lieu les Etats-Unis et le FMI, qui imposent leur loi partout dans le monde, faisant le malheur de tant de peuples. C?est pourquoi, nous confie-t-elle, la pièce débute par de la musique occidentale et se termine de la même manière. Une manière de tourner en dérision non pas cette culture qui est universelle, mais ceux qui s?en servent à des fins politiques impérialistes. Considérant, d?autre part, la bêtise comme un ennemi redoutable, la réalisatrice lui livre dans ce long et savoureux monologue un combat sans merci. En revanche, se plaisant de plus en plus à Bouira ? le directeur de la culture ne nous confiait pas ce soir qu?elle allait nous revenir lundi prochain pour une représentation ? elle rend un hommage appuyé au public bouiri qu?elle trouve cultivé, chaleureux et connaisseur. Au reste, on apprendra beaucoup plus sur cette artiste sans frontières, en se référant avec profit à l?article biographique que notre cons?ur Nacima C. lui consacre dans cette édition. II faut signaler que peu avant la représentation de ce magnifique monologue, la direction de la culture a pris l?initiative d?honorer à cette soirée qui se passait jeudi à la salle Errich notre confrère de La Dépêche de Kabylie, prix Apulée cette année pour son roman en tamazight, Bururu.
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Posté Le : 02/03/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali D.
Source : www.elwatan.com