Algérie


Après trois jours de tensions ponctués par des pics de violence qui n'ont rien à voir avec la noblesse du combat initial pour lequel les étudiants, les lycéens et les collégiens et même les citoyens étaient sortis dans la rue, à savoir réclamer un meilleur sort pour la langue amazighe, cette langue ancestrale pour laquelle des générations entières de militants se sont sacrifiées pendant des lustres pour la voir enfin hissée au rang de langue nationale et officielle, la ville de Bouira a retrouvé une certaine quiétude durant la journée de jeudi, en attendant d'autres communes berbérophones qui connaissent toujours, du moins jusqu'à hier vendredi, une situation des plus tendues où les citoyens continuent à parler d'une certaine déception concernant la place de tamazight, surtout après l'euphorie qui avait suivi la consécration de tamazight comme langue nationale et officielle en 2016.Aussi, lorsqu'il y a de cela deux semaines, les réseaux sociaux commençaient à relayer cette information faisant état du refus des partis de la coalition d'un amendement introduit par une députée du PT dans la loi de finances 2018, pour permettre à tamazight d'avoir plus de moyens financiers pour sa promotion et sa généralisation à travers tout le territoire national, ce fut tout naturellement et d'une manière spontanée que des milliers d'étudiants, de lycéens et de simples citoyens ont réinvesti la rue pour exiger une meilleure prise en charge pour tamazight.
Aussi, à Bouira, à voir les marches organisées d'abord durant la journée de dimanche par des milliers de lycéens dans les daïras de M'chédallah, Haïzer et Bechloul pour réclamer la généralisation de l'enseignement de tamazight et son obligation dans les établissements scolaires de la République, à voir les milliers d'étudiants qui ont déferlé le mardi dans les principaux boulevards du chef-lieu de wilaya, pour crier haut et fort leur ras-le-bol face à aux tergiversations du pouvoir quant à la promotion de la langue amazighe — pouvoir traité de tous les noms lors de cette marche s'il fallait le rappeler —, l'on ne pouvait que se féliciter du degré de mobilisation pour la langue amazighe que certains avaient vite enterrée.
Cependant, il était dit que ces marches réussies devaient être gâchées par certains énergumènes, puisque la marche historique réussie par les étudiants à Bouira s'est terminée par des échauffourées qui ont éclaté à l'intérieur du campus universitaire entre les étudiants qui avaient marché pour tamazight et d'autres étudiants qui étaient là et qui ne se sentaient pas concernés par l'événement. Des étudiants, enfants d'un même pays, vivant les mêmes joies et les mêmes peines, et sûrement plus de peines que de joies, se sont affrontés en se causant mutuellement des blessures et en semant la haine en créant des communautés différentes. Et comme le malheur ne vient jamais seul, ce qui s'était passé à l'intérieur du campus universitaire de Bouira allait déborder pour atteindre certains quartiers de la ville de Bouira dont la population, qu'elle soit arabophone ou kabyle, a toujours vécu dans une paix et harmonie totales. Et les réseaux sociaux aidant, des informations qui n'avaient rien à voir avec la réalité allaient être amplifiées pour chauffer à blanc des jeunes inconscients qui allaient le lendemain, soit le mercredi, et même durant la soirée de mardi, et le surlendemain, jeudi, se former en bandes organisées dans les quartiers principalement ceux des cités 140 et 1 100 logements, pour soi-disant défendre leurs cités contre d'éventuels assauts des Kabyles. Pendant toute la journée de mercredi, ces bandes organisées étaient là , visibles, dont certains, selon des témoignages, sont des enfants, et armées de toutes sortes d'objets dont des couteaux, des gourdins et même des sabres, en train de guetter les moindres mouvements suspects pour donner l'assaut. Pendant cette journée de mercredi, alors que les jeunes lycéens étaient déjà sortis dans la rue, de l'autre côté de la ville dans les deux quartiers cités plus haut, des bandes étaient chauffées à blanc avec certaines rumeurs faisant état de l'arrivée de renforts de Kabyles depuis les autres communes berbérophones. C'est ainsi que nous avons eu des témoignages de jeunes Kabyles qui étaient passés par ces deux quartiers à bord de leurs véhicules, qui ont échappé de justesse à ces jeunes surexcités. Jeudi, la situation était toujours électrique avec le même décor du côté de ces deux quartiers.
Et dans la ville, alors que les policiers ont, enfin, agi intelligemment en se positionnant dès les premières heures de la matinée, devant les portails des lycées et autres collèges pour empêcher les élèves de sortir dans la rue, les étudiants de l'université Akli-Mohand-Oulhadj se sont réunis et ont créé un comité de crise qui est sorti avec une déclaration, dans laquelle il a dénoncé la décision unilatérale du recteur de fermer les portes de l'université. Outre cette décision, durant la journée de jeudi, alors que dans la ville de Bouira, une certaine tension était toujours perceptible, dans les autres daïras qui ont connu les événements ces derniers jours, une certaine anarchie prévalait encore avec certains établissements scolaires, CEM et lycées, fermés, d'autres ouverts, des tentatives de jeunes de rejoindre la ville de Bouira pour marcher surtout depuis Haïzer qui est la plus proche de Bouira, et à Ahl-Ksar, des jeunes se sont déplacés jusque sur le pont qui surplombe l'autoroute Est-Ouest et là , ils ont procédé à la fermeture de l'autoroute pendant plus d'une heure, créant un embouteillage monstre et un désagrément à des centaines d'usagers surtout en cette journée de fin de semaine. La réouverture de l'autoroute ne s'est faite qu'après l'intervention des éléments de la gendarmerie qui est restée sur les lieux, alors que les jeunes, moins d'une cinquantaine selon les témoignages, avaient depuis longtemps quitté les lieux. Cela étant, hier, la situation était toujours tendue surtout du côté de Haïzer et Semmache dans la commune d'El-Adjiba, deux endroits que devait emprunter au choix, le ministre de la Jeunesse et des Sports pour rejoindre la station climatique et de loisirs Tikjda où il devait inspecter certains projets relevant de son secteur et donner le coup d'envoi officiel de la saison hivernale en allumant le feu de la cheminée au niveau du restaurant du CNSLT de Tikjda. La présence de policiers sur la RN33 à la sortie est de Haïzer a vite alerté des dizaines de jeunes qui ont cru à une provocation en commençant par leur jeter des pierres avant de voir la situation dégénérer avec l'arrivée des renforts d'émeutiers et la fermeture complète de la route.
Du côté de Semmache, au niveau du carrefour de la Crête Rouge, la situation n'avait pas pris la même tournure qu'à Haïzer, mais la présence des gendarmes a, là aussi, vite ameuté des dizaines de jeunes qui guettaient le moindre signal pour passer à l'action. Aussi, et pour éviter toute escalade de tension, le wali, et en présence de M. El-Hadi Ould Ali, bien que le ministre voulait vraiment aller à Tikjda, a décidé d'annuler ce déplacement, en réduisant la visite du ministre à quelques points prévus dans le programme, dans la ville de Bouira. Cela étant, notons que pendant toutes ces journées, même à l'échelle locale, des appels au calme tant du côté des responsables que du côté des sages des quartiers, tant arabophones que kabyles, tant ils vivent ensemble depuis des décennies, se sont multipliés. Même dans les réseaux sociaux, des élus, des personnalités politiques, culturelles et même de simples citoyens ont multiplié les appels à la raison.


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