Algérie

Boudeurs et boudoir



Sur la Radio nationale, Chaîne III, lundi dernier, en milieu de journée, une émission passionnante sur le thème : « Pourquoi les Algériens boudent-ils leurs musées ' » Bonne question, bien formulée. La précision du « leurs », notamment, qui nous rappelle que certains de nos compatriotes ' une infinitésimale minorité 'ont visité le Louvres, le Prado, le British Museum ou l'Ermitage, mais n'ont jamais mis les pieds au musée du Hamma, à celui du Bardo ou encore au Musée Zabana d'Oran. Il est vrai qu'ils ne sont pas aussi prestigieux que les précités, véritables institutions mondiales. Pas aussi bien organisés. Pas aussi achalandés. Pas aussi etc. Mais bon, ils renferment cependant quelques merveilles qui méritent le détour et que leur envient même les plus grandes collections au monde.Pourquoi boudent-ils donc les musées ' Il y a la réponse nihiliste, toujours prête à l'emploi : ils boudent les impôts ; ils boudent les horaires de travail ; ils boudent les règlements et le code de la route ; ils boudent leur belle-mère et leur voisin... Ils seraient des boudeurs acharnés, voire professionnels. Trop facile. Car, comment expliquer qu'ils boudent plus certaines choses que d'autres et, en l'occurrence, qu'ils boudent plus les musées que d'autres lieux culturels ' Les concerts de musique par exemple, tous genres confondus, de l'andalou au free-jazz, font le plein. Est-ce à dire que les Algériens préfèrent le son au silence, l'expression au patrimoine ' Autant de questions qui nécessiteraient de s'enfermer dans un boudoir pour méditer'C'est qu'il n'est pas simple d'y répondre. On peut avancer tant d'hypothèses. Le fait que les Algériens aient connu les musées avec la colonisation et qu'à l'indépendance, bien peu d'entre eux y avaient pénétré. Le fait que nos musées, pendant longtemps, se sont refermés sur eux-mêmes ce qui, à contrario, les a peut-être sauvés des destructions terroristes. Le fait que la promotion de leurs collections, meilleure depuis quelques années, reste bien timide. Le fait que les médias, et la télévision notamment, ne les aient pas plus aidés. Le fait que l'école ne se soit jamais vraiment impliquée dans leur popularisation car, partout dans le monde, c'est surtout elle qui, par les manuels scolaires, les visites organisées, la participation aux journées du patrimoine, forme les futures générations de visiteurs.Entrer dans un musée est un acte si complexe qui met en branle une société toute entière, charriant son histoire, ses habitudes, ses qualités et ses tares. La faiblesse de fréquentation des musées peut être considérée comme relevant de leur propre fait, de ce qu'ils font ou ne font pas. Mais elle demeure aussi un indicateur précis du niveau d'évolution d'un pays. Aussi, si la vie culturelle a repris en Algérie, avec encore peu d''uvres marquantes mais un certain enthousiasme ' bienvenu après le silence mortel des années 90 ', nous ne pouvons plus faire l'économie de questions essentielles pour l'élévation réelle du niveau culturel. Parmi celles-ci, l'enjeu du livre et de la lecture publique en est un et celui des musées un autre.


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