Algérie

Bouderies et répugnances



Mes collègues du supplément économique m'inquiètent vraiment. Leur édition de lundi dernier présentait ce titre à la une : «Les partis politiques boudent les questions économiques».Donc, cinquante-cinq signes, espaces compris, qui s'étalaient «cinq colonnes à la une», comme on dit dans le jargon de la presse, soit sur toute la largeur. Et de plus en deux lignes ! Ma tension est aussitôt montée sur une courbe vaguement sinusoïdale, mais résolument ascendante, qui ressemblait étrangement aux cours des fruits et légumes, vendredi matin, sur les cageots de mon dealer alimentaire préféré, car il me fait toujours l'honneur de penser que je suis richissime. Oui, je me suis sérieusement inquiété, car j'ai imaginé quel titre je pourrais mettre à la une d'Arts & Lettres, s'agissant des partis et des questions culturelles. D'abord, pour le format du titre. Il faudrait peut-être agrandir celui du journal. Trop compliqué, impossible. Je vois d'ici la tête d'Omar Belhouchet si je m'avisais à le lui demander. Option annulée. Ensuite, au niveau du contenu car, enfin, c'est ce qui compte. «Bouder» '
Les collègues l'ont déjà utilisé, cela ferait plagiat. J'ai pointé la flèche sur «leur» verbe et cliqué sur le bouton droit de la souris. Puis, je l'ai glissée voluptueusement sur la liste apparue sous l'onglet «synonymes». Le progrès technique, c'est quelque chose. Heureux ceux qui n'ont pas connu les dictionnaires de synonymes que l'on ne trouvait jamais quand on en avait besoin. Donc, sont apparus les verbes suivants : rechigner, renâcler, résister, répugner, tiquer et rouspéter. Six propositions quand même. Et, franchement, tout de suite, la troisième m'a sauté aux yeux. J'ai fait un essai car lorsqu'on visualise, on voit mieux, n'est-ce-pas ' Et cela a donné : «Les questions culturelles répugnent les partis politiques». Bien. En plus, cela donnait cinquante-sept signes, espaces compris, soit deux de plus que celui des «suppléconomistes» du journal. Satisfait de moi, je suis allé dîner des substances que mon dealer alimentaire avait bien voulu me fourguer. Mais, si l'adage affirme que «qui dort dîne», j'ai découvert que «qui dîne s'éveille». Et, une fois rassasié, je suis vite retourné à l'ordinateur. Non, finalement, ce titre n'allait pas du tout, car je me suis dit que si ces gens boudaient les questions économiques, les questions culturelles, pour rester poli, ils s'en moquaient tout simplement.
Et là, au lieu de m'emporter contre eux, j'ai bizarrement éprouvé une grande peine à leur égard. Car, enfin, s'ils ignorent l'importance de la «chose culturelle» dans le monde entier et surtout dans notre pays ; s'ils ignorent que la culture peut générer des industries qui emploient des dizaines de milliers de personnes et engendrent des chiffres d'affaires colossaux, comment peuvent-ils faire de la politique ' Ils ne parlent jamais de culture ou alors très rarement et, dans ce rarement, ils se contentent de très vagues principes. Mais ? suis-je naïf parfois ?, comment se pourrait-il autrement sans culture politique '


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