Algérie

"Bouchouareb avait élaboré un cahier des charges en violation avec la loi"



Lors des audiences, les deux ex-locataires du palais docteur Saâdane Ouyahia et Sellal, ainsi que des ministres, qui étaient en charge de l'Industrie et des Transports, se rejetaient les responsabilités.L'épais et non moins épineux dossier de l'homme d'affaires Mahieddine Tahkout a été rejugé hier par la cour d'Alger et dans lequel un paquet de ministres étaient impliqués. Ouyahia, Sellal, Bouchouareb, Yousfi, Ghoul ainsi que de nombreux cadres d'entreprises publiques et autres responsables de la haute administration. Tous sont accusés de "dilapidation de biens publics", de "mauvaise utilisation de fonction" et d'"abus de fonction". Après avoir auditionné des dizaines d'accusés, vient le tour de l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal. Accusé d'avoir favorisé Mahieddine Tahkout, il lancera un pavé dans la mare. "L'ancien ministre Abdesselam Bouchouareb avait élaboré un cahier des charges en violation avec la loi", a-t-il accusé. "Je n'ai rien à voir dans ce dossier", a encore ajouté l'ancien Premier ministre, calmement.
Quant à l'autre ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, il s'est defendu de toute responsabilité dans le dossier "Tahkout". "Lorsque le dossier Tahkout a été traité, je n'étais même pas Premier ministre", a-t-il plaidé depuis la prison d'Abadla par visioconférence. Durant toute l'après-midi, plusieurs responsables d'administrations et établissements publics se sont succédé à la barre. Tous ont géré dans une période où l'homme d'affaires traitait avec beaucoup de départements ministériels, tant il touchait à tout. C'est ainsi que Youcef Yousfi, ancien ministre de l'Industrie, a dû s'expliquer sur l'autorisation de créer une usine de montage automobile à Mahieddine Tahkout. L'ancien membre du gouvernement a nié avoir élaboré un cahier des charges pour favoriser le patron emprisonné à Babar (Khenchela). "Je ne laisse pas dire que j'ai favorisé Mahieddine Tahkout. Je ne le connaissais même pas et la première fois où je l'ai vu, c'est en prison", a-t-il insisté. Il révélera qu'il avait même refusé de recevoir le sulfureux investisseur. Au juge qui lui rappelle que Tahkout n'avait même pas respecté le cahier des charges, Yousfi s'est défaussé sur l'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, qui avait "demandé d'accorder aux constructeurs une année de sursis" pour être en règle avec la loi qui exigeait entre autres que les constructeurs devaient impérativement impliquer la maison-mère dans le projet. Cela n'a jamais été fait par le représentant de Hyundai.
Après le transport et l'automobile, Mahieddine Tahkout voulait élargir son champ d'action. Il avait obtenu deux lots de terrain à Skikda d'une superficie globale de 50 000 m2. Sauf que l'un des terrains était situé hors de la Zone d'expansion touristique. Un fait qui n'a pas empêché quasiment tous les responsables locaux à donner leur accord. Pour l'ancien wali de Skikda, il ne s'agit pas de favoritisme. Mais les responsables s'étaient rendu compte des réserves a posteriori. Il usera de la même argumentation lorsque la question concernant l'attribution d'une assiette de terrain dans la zone portuaire de Skikda au profit de Tahkout pour l'édification d'un terminal cimentier. Mais là encore, les responsables se sont rendu compte que l'assiette dépendait en réalité de la zone industrielle et pas de l'entreprise portuaire qui avait donné l'autorisation. Appelé à la barre, le ministre des Transports de l'époque Amar Ghoul s'est défendu de tout favoritisme et jette la balle à son secrétaire général qui avait agi par habitude. "Tant qu'il n'y a pas d'empêchement légal, le secrétaire général pouvait signer sans problème", explique-t-il. À la juge qui lui rappelle que c'était lui le ministre, donc premier responsable, il répond qu'à ce moment, il était "très occupé" par autre chose, comme la grève à l'aéroport.
Autre secteur, autre scandale
Le marché conclu entre l'Entreprise de transport urbain et suburbain d'Alger (Etusa) suscite toujours des interrogations. Les anciens dirigeants de l'entreprise appelés à la barre ont nié tout favoritisme. Abdelkader Benmiloud, ex-dirigeant de la compagnie, rappelle que c'est l'ancien wali de la capitale Abdelkader Zoukh qui avait suggéré la méthode de l'affrètement attendant que l'entreprise puisse recevoir ses commandes de la SNVI. Puis, "aucune entreprise au monde ne possède sa flotte dans son intégralité. En outre, si nos bus coûtent 36 000 DA, ceux de Tahkout nous revenaient à 19 000 DA", a, de son côté, expliqué Karim Yacine, un autre ancien DG. Aux questions du procureur qui demande des explications sur le fait qu'il n'y avait qu'un seul soumissionnaire pour un marché public et que Tahkout s'était même permis d'exiger la révision des prix à cause de la hausse des prix des carburants, les deux responsables ont tenté de se justifier par le fait que Mahieddine Tahkout était le seul soumissionnaire.
Dans l'autre dossier lié au transport universitaire, les différents responsables de l'Office national des ?uvres universitaires (Onou) ont nié l'existence d'un cahier des charges fait sur mesure pour Tahkout. Pourtant, la juge a rappelé que des responsables décentralisés de l'Onou ont accusé leurs responsables hiérarchiques de les avoir sanctionnés pour avoir refusé d'accorder des marchés à l'homme d'affaires. En plus de sa complexité, le procès s'est transformé en un procès de la famille Tahkout. "Je suis victime du nom de la famille Tahkout", a indiqué Nacer, le frère de Mahieddine, qui conclut l'audition de quatre de ses frères et de son neveu Billel. Ils ont tous nié avoir joué un rôle dans les scandales de l'entreprise familiale.
La défense a demandé la relaxe. Amine Kraouda, avocat d'Ahmed Ouyahia, a dénoncé le fait que son client ne puisse même pas "rencontrer ses avocats" et qu'il soit "jugé plusieurs fois pour les mêmes accusations". En début de soirée, le procureur a requis l'aggravation des peines pour Ouyahia, Sellal, Ghoul, Tahkout et son frère. Pour rappel, la cour d'Alger avait condamné Mahieddine Tahkout à 14 ans de prison ferme.

Ali Boukhlef


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