Algérie

Boshra M. Abou Cherrar : « Notre chance de durée »



Boshra Mohamed Abou Cherrar (1) n'a jamais égaré une parcelle de son attention au sein de la nature humaine, sur autre chose que l'homme palestinien. Je l'ai toujours vue, pour ma part, supérieurement étrangère à ce qu'un tempérament poétique peut éprouver s'il s'accorde au rythme des saisons, au mouvement des sèves et des fleurs. Dans le bourgeon gonflé de l'oranger, Boshra M. Abou Cherrar percevait déjà la feuille tombante et la vanité de tant de pulpes mortelles : Ghaza, jardin fleuri au printemps, est constamment menacée par l'hiver destructeur des bombes israéliennes. Les personnages de B. M. Abou Cherrar ont le front tourné non vers la terre, mais vers les cieux. Ce qui fait que l'homme a, à ses yeux, une valeur incomparable, c'est qu'il est la seule créature qui, dans l'écoulement du temps, soit capable de se survivre : « Personne, ni rien, n'échappe à la poussière. Les israéliens ne sont pas protégés contre'la destruction ! »Détruire c'est se détruire aussi, semble nous dire Boshra M. Abou-Cherrar dans ses Allumettes (2). Pour les Palestiniens, les allumettes s'efforcent d'illuminer le temple de la mémoire. Pour les Israéliens les bombes illuminent' la destruction, le chaos.Les personnages de Boshra M. Abou Cherrar, son père, sa mère, ses s'urs, ses voisins, « héros malgré eux » sont si exigeants quant aux valeurs humaines. La personnalité de « bon père de famille » conserve un accent d'austérité presque piétiste. Quand il invoque Dieu, ce qu'il fait plus encore qu'il n'était alors d'usage dans ses actes publics, ce n'est pas seulement au démiurge des philosophes qu'il s'adresse. Les prières du père, qui s'accentueront devant les épreuves sanglantes de la guerre, sont aussi des recueillements pour son fils martyr Madjed(3). Ce père si généreux, si sensible croit aussi que l'histoire a un sens. D'où, dans une large mesure, le relativisme, l'accommodation aux circonstances, la résignation à l'inévitable. Dès son enfance, l'idée de progrès chez ce père, presque exemplaire, est liée à celle de mise en valeur systématique de ses terres. Pour ses enfants, il sait tempérer l'austérité de son caractère par ses bonnes histoires.Il a le sens du trait, de la distinction claire et probante qui confond l'interlocuteur. Quant à la mère (sa femme), les enfants ont toujours décelé en elle une envahissante mélancolie ou plutôt une nostalgie récurrente. Depuis la mort de son fils chéri, sa vie n'est que tristesse. Cette perte cruelle l'a marquée à jamais. En écrivant sur Ghaza, son pays natal, Boshra M. Abou Cherrar est allée au c'ur même de notre être pour y trouver ce qui assure notre chance de durée. (1) Native de Ghaza, B. M. Abou-Cherrar est avocate à Alexandrie (Egypte). (2) Editions Nadi-El Kissa, Alexandrie 2003. (3) Il s'agit de Madjed Abou Cherrar, jeune écrivain tué par les Israéliens.


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