El-Bayadh - Rogassa

Bordj Khneg Azir : Un Trésor Oublié de la Steppe Algérienne



Bordj Khneg Azir : Un Trésor Oublié de la Steppe Algérienne

Au cœur de la vaste steppe de Rogassa, dans la wilaya d’El Bayadh, repose un site presque effacé de la mémoire collective : Bordj Khneg Azir (Fort des Gorges du Romarin), également connu sous le nom de Bordj Jnan Ezoubir. Tout a commencé par un croquis mystérieux, trouvé dans le petit musée de la zaouia Cheikhia d’El Abiodh Sidi Chikh. Ce dessin, aussi simple que fascinant, dévoilait un fort majestueux avec de hauts murs et quatre tours imposantes. Il suffisait de ce fragment d’histoire pour éveiller notre curiosité. Nous étions décidés à partir sur les traces de ce monument oublié.

Après avoir repéré l’endroit grâce à Google Maps, nous constatâmes que le fort semblait enfoui sous le sable. Il était difficile d’imaginer ce qu’il en restait, mais cela ne faisait qu’attiser notre envie d’en savoir plus. Nous avons alors contacté Aziz, un habitant de la zaouia des Mouahdines, recommandé par des connaissances comme étant le meilleur guide pour ce genre d’expédition. Vendredi, à l’aube, nous avons pris la route depuis Tlemcen. Cinq heures plus tard, nous rencontrions Aziz après la prière d’El Joumoua. Avec son vieux 4x4, il nous conduisit à travers les pistes arides et sinueuses de la région, longeant l’Oued des Mouahdines, dont les eaux semblaient remonter le fil du temps.

Après une vingtaine de kilomètres de pistes, tantôt douces, tantôt rocailleuses, nous atteignîmes une colline qui surplombait l’Oued. C’est là que le Bordj se révéla à nous, ou plutôt ce qu’il en restait : deux tours à peine visibles, défiant encore les éléments, et un four central dont seul le toit brisé émergeait. Le reste du fort semblait avoir disparu, avalé par la terre. Aziz, en voyant notre étonnement, nous expliqua alors ce qui s’était passé.

En 2003, un barrage avait été construit à proximité par l'ancien ministre Amar Ghoul. Conçu pour retenir les eaux, ce projet avait malheureusement été mal exécuté en raison d’un budget détourné, n’aboutissant qu’à une retenue d’eau fragile. Lors des premières grandes crues, le barrage avait cédé, entraînant avec lui une immense masse de vase qui ensevelit le Bordj.

Sur une ancienne carte que nous détenions figurait, à proximité, un monument aux morts érigé en mémoire des 70 soldats français tombés lors de la bataille de Bouhattab. Ce combat, d’une rare violence, opposa l’armée coloniale française aux valeureux résistants algériens, parmi lesquels 400 membres des Ouled Sidi Cheikh trouvèrent la mort, sacrifiant leur vie pour défendre leur terre et leur liberté. Aujourd’hui, ce monument, tout comme le Bordj, a disparu, enseveli sous la vase. 

Alors que nous prenions des photos des vestiges, un jeune garçon apparut au loin, monté sur son cheval et suivi d’un chien. Intrigué par notre présence, il avait été envoyé par son père, propriétaire d’une ferme voisine, pour s’assurer que nous n’étions pas des Haffarines el knouz, ces chercheurs de trésors qui pillent souvent les lieux historiques. Une fois rassuré, il rebroussa chemin, et nous restâmes seuls face à ce site presque spectral.

Le soleil commençait à décliner, et il était temps de repartir. Aziz nous proposa un itinéraire de retour plus long, mais moins chaotique, traversant une mosaïque de fermes isolées éparpillées dans la steppe. Le paysage, baigné par les couleurs incandescentes du coucher de soleil, nous offrit une vision d’une beauté à couper le souffle. Le ciel, en feu, semblait saluer notre départ, tandis que la steppe s’étendait à perte de vue, infinie et silencieuse.

Ce voyage, bien plus qu’une simple exploration, fut une immersion dans l’histoire de Bordj Khneg Azir, qui malgré sa quasi-disparition, demeure un témoin d’un passé chargé de mémoire et de récits enfouis, que seuls les curieux et les passionnés peuvent encore espérer déterrer.




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