BORDJ-BOU-ARRÉRIDJEl Ksour, un lieu de mémoire qui se meurt

Publié le 16.09.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie
Par Layachi Salah Eddine

Si le tourisme, qui tarde à prendre son envol dans notre pays, venait à se développer dans la wilaya de Bordj-Bou-Arréridj, quelles en seraient les attractions ?

C’est d’abord, et sans conteste, le village d’El Ksour qui se trouve à 22 km du chef-lieu de wilaya,qui serait la vedette même si d’autres lieux comme le village d’El Achir et le Hammam El Biban ne sont pas non plus dénués de charme.
Donc, à tout seigneur, tout honneur, qu’est-ce que le village d’El Ksour a de si particulier à offrir au touriste étranger ou national, pour mériter l’intérêt d’un curieux à la recherche du passé et amoureux des vieilles pierres ?

D’abord son âge. Un village millénaire a forcément un message d’une grande importance et originalité à délivrer de la part des habitants qui ont foulé son sol pendant des siècles, aux visiteurs du XXIe siècle.

Ensuite, ses constructions ayant conservé leurs édifices intacts ne peuvent que combler d’aise le touriste-érudit qui veut revivre les évènements et faits historiques de notre pays et servir comme ce fut le cas bien souvent, de décors pour des tournages de films.

La partie archéologique avec des constructions encore visibles et que l’on peut admirer présente l’aspect fortifié des constructions du début de la conquête arabe qui ont résisté au temps, aux déprédations et ont pu compter, heureusement, sur l’esprit précautionneux des générations qui se sont succédé pour la préservation des lieux.

À l’intérieur du village, 94 habitations originelles parfaitement conservées «dans leur jus» sont enserrées dans les ruelles étroites comme cela se faisait dans les temps médiévaux.
Evidemment, les mosquées ne sont pas en reste. La plupart sont multiséculaires notamment le djamaâ Labiodh construit en 1680 et le djamaâ Sidi M’barek Ezzahar construit en 1695. La plus récente semble être la mosquée El Guebli.

Aux alentours immédiats du village, une zaouia (centre islamique de rayonnement spirituel) fut construite dans le village de Tazrout en 1785 et la seconde dans le village de El Akanine, en 1902.

Ces lieux de culte rappellent par leur type architectural, la proximité de la Kalaa des Béni Hammad et sa célèbre tour encore debout et défiant les siècles

Le village est entouré d’une muraille qui comporte quatre portes à l’instar des villes fortifiées. Ce sont : Bab El Guebli qui est l’entrée principale, puis les trois autres : Bab Skif Edhaouia, Bab Essour, Bab El Djedid

Les tribus qui ont habité les lieux, quoique bédouines au départ, se sont sédentarisées et ont laissé leur empreinte indélébile sur le village.

Il y a eu les Sanhadjas, immense tribu berbère qui a donné des dynasties prestigieuses quasiment à tout le Maghreb. Cette tribu occupa divers villages voisins aux noms indéniablement berbères comme Tazrout, Tifrent, Tihamamine, Tella, Toumiat, Telmbela et Tiansrine.

Les tribus arabes hilaliennes chassées par le khalife de l’époque sont arrivées vers le XIe siècle et ont fusionné avec la population locale.

La Direction du tourisme et de l’artisanat de la wilaya de Bordj-Bou-Arréridj confirme que la Casbah d’El Ksour figure en bonne place dans les circuits touristiques de la wilaya, mais les citoyens ne voient pas les retombées de ce statut favorable.
Pourquoi avons-nous perdu le sens de nos valeurs ? Nous manque-t-il des dimensions d’âme plus subtiles en mesure d’appréhender l’importance de ce site millénaire prestigieux pour nous réapproprier ce lieu de mémoire constitutif de notre identité ?

De leur côté, les autorités locales œuvrent pour le classement de ce village sur la liste du patrimoine matériel et immatériel de l’Humanité par l’Unesco, une revendication constante des habitants qui veulent préserver l’authenticité de cet héritage culturel afin de pouvoir compter sur les moyens des organisations internationales en cas de nécessité de restauration ou de réhabilitation des lieux.
Layachi Salah Eddine