Bordj Bou Arréridj.. Une tradition concurrencée par les marches

Les habitants sortent dans les champs comme pour accueillir ce nouveau venu. Ils mettent leurs plus beaux habits et préparent même des gâteaux succulents à l'occasion.Un nouveau venu, les marches populaires, a provoqué un changement du comportement des habitants vis-à-vis de ce patrimoine. La venue du printemps ne passe pas inaperçue dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj. Cette venue qui apporte des changements certains à la nature avec l'apparition du soleil mais aussi des fleurs et même des feuilles à certains arbres est appréciée par la population. Cette dernière célèbre depuis la nuit des temps cet événement en lui consacrant une fête appelée justement Chaw Rbiaa ou début du printemps. Les habitants sortent dans les champs comme pour accueillir ce nouveau venu. Ils mettent leurs plus beaux habits et préparent même des gâteaux succulents à l'occasion. On ne peut pas imaginer cette fête sans ces gâteaux, essentiellement cette préparation à base de semoule et de dattes appelée «mbardja».
Cette préparation suffit d'ailleurs pour annoncer le printemps. Les éléments naturels sont oubliés pour ce facteur important. Il suffit de voir les gens se presser pour acheter les ingrédients pour savoir que cet événement est pour bientôt. Les commerçants, qui le savent, prévoient à l'avance les stocks nécessaires de pâte de dattes appelée «ghars» qu'ils ne manquent pas d'exposer sur la devanture de leurs boutiques. Comme les couffins conçus spécialement pour l'occasion doivent contenir également une grande variété de bonbons nommés aussi bonbons du printemps, ils se chargent d'en ramener, pour le grand plaisir des enfants. Chacun de ces derniers aura son couffin avec son lot de bonbons, de mbardja et d'oranges auxquels on peut ajouter des jus et de la limonade.
Bien sûr, les mères qui les préparent se font une obligation de ranger les nouveaux avant le grand départ. Avant, celui-ci se faisait la même journée, habituellement le premier vendredi du mois de mars. Les gens se réunissaient même dans un seul endroit. Il s'agit pour les habitants du chef-lieu du site de Bouergued. Ce dernier avait la particularité de se trouver en dehors de la ville et surtout d'être couvert d'herbes et d'arbres. Ils se dirigeaient par groupes à cet endroit qui se trouve à la sortie est de la ville avant de choisir chacun un coin pour s'asseoir. C'était un pique-nique général qui était organisé sans qu'il soit décidé par une quelconque autorité officielle.
Les habitudes ont changé, le principe est resté
La ville se vidait de ses résidents pour ces moments qui étaient jalonnés de jeux, de rires et de discussions. Comme les denrées alimentaires ne manquaient pas, les gens prenaient leurs déjeuners sur place même si ce dernier était sucré, une fois n'est pas coutume. En fin de journée, le même bal reprend pour le retour avec le déplacement des familles vers leurs domiciles. Mais l'agrandissement de la ville et l'utilisation du site pour l'implantation de plusieurs projets a poussé les habitants à se disperser pour aller dans d'autres endroits, même si la sortie nord couverte par les herbes reste la préférée. Ils ne sortent plus la même journée. Ils choisissent la période qui les arrange, même si c'est généralement le vendredi et le samedi. Cette année reste une exception. L'attrait de Chaw Rbiaa est toujours aussi fort.
Mais un nouveau venu, inattendu celui-là, a provoqué un changement de comportement des habitants. Les marches populaires qui sont organisées les vendredis après-midi, soit en même temps que les sorties pour fêter le printemps, ont provoqué une diminution de ces dernières. Non seulement les gens ont peur de ce qui pourrait se passer durant ces manifestations politiques, mais ils tiennent à ne pas rater ces rendez-vous historiques. Cet événement est même relégué à une seconde position. Ce qui ne veut pas dire qu'il a disparu. Il attend des jours meilleurs, voilà tout. Cette coutume qui a toujours accompagné les Bordjiens, et qui pourrait être classée dans le patrimoine immatériel de la région pourrait même devenir un produit touristique, pour peu qu'il soit promu et exploité.