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Bolivie: le défi autonomiste de la province de Santa Cruz au président Evo Morales


Par référendum tenu le 4 mai, Santa Cruz - la plus riche province de Bolivie - a opté pour un statut autonome malgré l´opposition du Président Evo Morales, impuissant à freiner le mécontentement provincial contre le centralisme régnant dans la capitale, La Paz, située à 4.000 mètres d´altitude au coeur des Andes. Historiquement unitaire depuis son indépendance, l´Etat bolivien est dépassé par les exigences de la plupart de ses provinces, appelées «départements», qui opposent leur poids économique - surtout énergétique - à la bureaucratie de la capitale et ses tendances indigénistes croissantes, un ferment de confrontations ethniques potentielles. Au lendemain du référendum qui tint en haleine non seulement la Bolivie mais également les pays voisins, il fut annoncé que 85 % des suffrages exprimés approuveraient le projet autonomiste proposé par le préfet qui gouverne la province, Ruben Costas, et un grand nombre de sociétés civiles locales. D´une superficie de 370.621 km², soit 34 % du territoire national bolivien, la province rebelle compte 2,4 millions d´habitants, soit le quart de la population bolivienne. Avec sa production agroalimentaire, forestière et ses puits de pétrole et de gaz, elle est la plus nantie du pays. Son produit intérieur brut per capita atteint 1.300 dollars, dépassant la moyenne nationale. Située à l´est du pays, sur des terres tropicales, Santa Cruz constitue avec les départements de Tarija, Panda et Beni une sorte de demi-lune territoriale face aux cinq autres provinces principalement andines aux ressources plus limitées. Courant juin, Tarija, Pando et Beni auront leurs consultations populaires qui devraient confirmer la tendance à l´autonomie selon toute probabilité, mettant ainsi en jeu toute la production d´hydrocarbures concentrée dan ces régions. Bien entendu, ces consultations sont dénoncées par le pouvoir central avec, à sa tête, le chef de l´Etat. Il est le premier Indien aymara à occuper la présidence du pays depuis janvier 2006, après une brillante élection nationale puisqu´il fut voté par 54 % des citoyens. Avec 37 groupes ethniques, principalement aymaras et quechuas, la Bolivie compte le plus grand pourcentage de population amérindienne. Avec des moyens économiques limités, une exportation de gaz strictement destinée à deux pays voisins, le Brésil et l´Argentine, Evo Morales déçoit ses plus fervents partisans et ses opposants à bout de souffle politique. Après une première étape de contrôle des hydrocarbures, au début de son mandat, il décide le premier mai, à la veille du référendum de Santa Cruz, de nouvelles mesures de nationalisation, par décrets, qui touchent les intérêts de Repsol-YPF (hispano-argentine), de British Petrolium et de l´anglo-hollandaise Shell... «Aujourd´hui, en ce premier mai 2008, nous faisons l´histoire; nous consolidons la nationalisation des hydrocarbures», dira-t-il à la multitude réunie à l´occasion de la fête du Travail. L´entreprise des télécommunications, administrée par des Italiens, est également mise sous contrôle des pouvoirs publics après vaines tentatives de négociation remontant à janvier 2007. La constitution bolivienne de 1967 ne prévoit aucune figure de révision en vue d´une quelconque autonomie régionale. Très centraliste et unitaire, elle permet à Evo Morales de dénoncer le caractère inconstitutionnel, donc illégal, de la démarche de Santa Cruz. De surcroît ces derniers mois, une assemblée constituante nationale peaufinait une révision de la charte renforçant son caractère unitaire et ouvrant la porte à une réélection du président Aymara qui a accentué le caractère indigène, dit-on, de l´administration du pays. Cette tendance ne pouvait qu´exaspérer les tenants du pouvoir économique à Santa Cruz inquiets également de l´accroissement de la population andine sur les riches plaines tropicales. Le pouvoir central parlait de réforme agraire au détriment, bien entendu, des grands propriétaires terriens. Dans la logique de leur victoire électorale, les autonomistes proposent la constitution d´une assemblée législative départementale, un gouvernement local responsable du droit de propriété sur la terre, la réglementation des droits de redistribution et l´administration des terres fiscales. Bien entendu, les ressources du sous-sol sont également en jeu. Tout ceci reste lié à des négociations avec La Paz... A la veille du référendum de Santa Cruz, les forces armées, qui ont toujours joué un rôle déterminant dans l´histoire de la Bolivie, ponctuée de nombreux coups d´état, appuient le pouvoir central, déclarant illégale la démarche de Santa Cruz. Le Conseil suprême de la défense nationale (Cosena) publia un communiqué en ce sens. Par ailleurs, l´Organisation des Etats américains (OEA) exprima sa préoccupation, «sa solidarité et son soutien au peuple de Bolivie, au gouvernement constitutionnel dirigé par le Président Evo Morales Ayma, à l´institution démocratique et aux autorités élues par le peuple bolivien». Elle rejeta toute tentative de rupture de l´ordre constitutionnel et de l´intégrité territoriale du pays. Dante Caputo, ex-ministre argentin des relations extérieures dans les années 80, un brillant diplomate, fut chargé, en sa qualité de secrétaire des affaires politiques de l´OEA, de dresser des ponts entre Evo Morales et les contestataires de Santa Cruz. Par la voix de son organisation régionale, toute l´Amérique rejeta toute tentative de sécession de la part des riches provinces boliviennes. Reste la voie qui mènerait à une forme de fédéralisme qui permettrait de mieux associer les provinces aux décisions du pouvoir central. Encore faut-il que la constitution soit révisée en touchant à son essence unitaire, en s´inspirant éventuellement du modèle institutionnel fédéral qui prévaut chez les deux grands voisins, l´Argentine et le Brésil, où l´on souhaite que l´ordre règne au pied des Andes.
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