Algérie

Blida Un Aïd comme les autres !



Dimanche, lundi, mardi, les trois derniers jours avant l'Aïd ont été marqués par une circulation automobile très intense dans toutes les directions. Que ce soit à Blida, Alger, Boumerdès ou Tipaza, il fallait avoir des nerfs d'acier pour supporter les longues attentes, l'avancée à petits pas de milliers de voitures, les sorties dangereuses de voitures de n'importe où, et surtout de savoir que vous n'alliez jamais arriver à l'heure, quoi que vous fassiez. Les très nombreux vendeurs de moutons au bord des routes et leurs encore plus nombreux clients ne faisaient qu'envenimer les choses avec leur stationnement au petit bonheur la chance, leurs arrêts subits devant les troupeaux ou encore les marchandages sans descendre de voiture. Il a fallu plus de trois heures pour parcourir les 17 kilomètres qui relient El-Harrach à L'Arba, près de deux heures pour arriver à Rouiba en partant d'Alger (c'est d'habitude un quart d'heure). A Ouled Yaïch dans la wilaya de Blida, il était vraiment très difficile d'avancer en voiture, quelque direction que l'on prenait. Et c'était le même spectacle dans les quatre wilayas du Centre: des moutons de toutes les tailles et de tous les prix parqués sur les rebords des routes et autoroutes, dans des garages ou dans des prés verdoyants. Les éventuels clients, motorisés surtout, s'arrêtaient sans tenir compte d'aucun civisme, dans une cacophonie faite de klaxons rageurs d'automobilistes pressés, de cris des vendeurs, de bêlements apeurés des bêtes, entrecoupés parfois d'une sirène d'ambulance qui réclame le passage. Conséquence de cette circulation impossible, les bus se sont soit arrêtés, soit ne regagnent plus les agences ni les arrêts, bloquant ainsi des dizaines de milliers de voyageurs, hommes, femmes, enfants, les bras chargés de nombreux achats, ne sachant plus comment faire pour regagner leurs chez-soi. Les quais étaient noirs de monde à Blida, à Boumati, à Alger, les arrêts intermédiaires ne désemplissaient pas. Certaines vieilles personnes s'asseyaient à même le sol malgré la boue et le froid, les plus jeunes allaient au-devant des rares bus encore en activité, et même les taxis se faisaient désirer. Plusieurs personnes nous ont raconté être rentrées très tard chez elles, au prix de grandes fatigues et de longues marches. D'ailleurs, il y avait tellement de voitures sur les routes que les gens s'étonnaient et se demandaient la raison de cette circulation démente, aggravée par l'état lamentable des routes et des rues, des stationnements n'importe comment, des multiples barrages de police et de gendarmerie et surtout par l'incivisme et l'égoïsme des usagers. Par ailleurs, c'est un spectacle qui se répète chaque année, un peu partout, se terminant heureusement dans la plupart des cas par le retour au bercail de l'animal qui s'est sauvé, à la grande joie des enfants et soulagement des parents. En effet, pour des raisons évidentes, les moutons que nos concitoyens achètent pour l'Aïd ont tous tendance à se sauver car ils se retrouvent subitement dans un autre endroit que celui auquel ils se sont habitués, en plus du stress de la solitude. Il suffit donc que la corde soit attachée négligemment ou que la bête réussit à s'en défaire pour que les nouveaux propriétaires voient plusieurs milliers de dinars prendre la poudre d'escampette et une course-poursuite à laquelle prennent part tous les membres de la famille est alors engagée. Les voisins et les passants se mettent aussi de la partie et le pauvre mouton ne sait plus où donner de la tête et, épuisé et angoissé, il finit par se rendre et regagner, penaud, sa nouvelle et éphémère demeure. Mais si la plupart finissent par récupérer leur bien, il y en a qui ne le retrouvent jamais alors que d'autres le retrouvent mort, parce qu'ayant sauté du balcon où il a été attaché ou s'étant fait renverser par une voiture, alors que d'autres meurent en sautant dans un précipice ou d'une hauteur quelconque. Cette année, des statistiques non confirmées font état de la perte d'une dizaine de moutons à travers la wilaya de Blida alors que le nombre des bêtes mortes ne dépasserait pas les deux. Concernant l'hygiène, «ils nettoient ghir ouïne ichouf Ahmed», c'est une expression populaire qu'une vieille femme a lancée devant le spectacle d'une montagne de détritus qui date de trois jours, dans un quartier un peu retiré de la ville de L'Arba. En effet, déjà deux jours avant l'Aïd, les éboueurs n'étaient pas passés, laissant les sacs-poubelle éventrés par les chiens, les chats et les rongeurs, et leur contenu répandu sur le sol. Pourtant, au centre-ville et dans les quartiers huppés, déjà durant l'après-midi du premier jour de l'Aïd, le camion de ramassage des ordures est passé, laissant ces endroits propres, alors que dans d'autres, c'est un spectacle désolant qui s'offre aussi bien aux habitants qu'aux milliers de parents qui viennent leur rendre visite. C'est le même topo que nous retrouvons dans toutes les villes, les ordures sont enlevées des quartiers du centre au détriment de ceux limitrophes, et même les routes, les trottoirs, les égouts sont mieux entretenus. Espérons seulement que nos nouveaux élus ne fassent pas la même chose. La veille de l'Aïd, tous les marchés de toutes les villes du centre du pays étaient noirs de monde. Il y avait beaucoup plus de femmes et d'enfants que d'hommes et les commerçants faisaient des affaires en or. En effet, les étals, pourtant bien achalandés à l'approche de l'Aïd, ont disparu en un clin d'oeil et les derniers arrivés ne trouvaient rien à acheter. Les robes pour femmes, les costumes et les salopettes pour enfants, les souliers de toutes les pointures pour tous les goûts, les jupes et les pantalons, les produits pour les gâteaux, malgré le relèvement récent et conséquent de leurs prix, les ustensiles de cuisine en tous genres et aussi les épices, les fruits, les légumes et pratiquement tout ce qui se vend a été acheté, que disons-nous, arraché des mains des vendeurs par des citoyens qui payaient sans même demander les prix. Vers 18 heures, il n'y avait plus rien. Ni pain, ni légumes, ni fruits, ni autre chose. La plupart des magasins avaient baissé rideau bien avant la fin de la journée, ce qui nous rappela un peu les premiers jours du Ramadhan. Une véritable razzia a été opérée sur tout ce qu'il y avait dans les marchés. Et dire que beaucoup d'Algériens sont pauvres !


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