Algérie

Blida Tourisme : le décollage tarde encore



Considéré, à juste titre d'ailleurs, comme l'industrie salvatrice des pays pauvres du tiers-monde, le tourisme en Algérie demeure à l'état embryonnaire malgré les énormes potentialités que recèle le pays. En effet, contrairement à nos voisins immédiats qui drainent un nombre considérable de touristes, l'Algérie n'en a reçu qu'un million 400 mille, dont un million d'Algériens. Comparé à la Tunisie avec plus de 6 millions ou au Maroc qui a accueilli presque autant, notre pays demeure à la traîne. Pourtant, partout dans le monde, le tourisme est devenu une industrie au sens propre du mot, dont une grande partie en France, qui est considérée comme le leader européen en la matière et pour laquelle le tourisme est la première source de revenus, devant l'industrie lourde et l'agriculture. Un autre exemple qui peut nous inciter à réfléchir davantage, c'est celui de la Malaisie qui a enregistré plus de 15 milliards US de revenus générés par le tourisme en 2007, soit près de la moitié de nos revenus pétroliers. C'est dire que pour nos autres Algériens, l'après-pétrole devrait se conjuguer en termes de tourisme et de nombre de lits, et ceci en essayant de remonter la pente, car l'Algérie se trouve à la 93ème place sur 124 pays en matière de concurrences touristiques. Les moyens d'y parvenir, les stratégies à adopter et la dynamique recommandée pour ce faire, ont amené le département de sociologie et démographie de la Faculté des sciences sociales de l'université Saad Dahlab de Blida à organiser un séminaire de deux jours, les 11 et 12 juin qui a réuni des spécialistes du ministère de l'Aménagement du territoire et du Tourisme ainsi que de plusieurs universités algériennes. Avant de lancer les débats, les séminaristes ont commencé par définir le tourisme et sa relation avec la sociologie et les autres sciences humaines et ont posé la problématique du tourisme en Algérie ! Comment, un pays possédant des atouts uniques au monde, comme le véritable livre d'histoire qui se trouve au Tassili N'ajer et qui retrace la vie de l'homme depuis plusieurs milliers d'années et, comme l'a si bien décrit le directeur de la Culture de la wilaya de Blida : «quand on voit les ustensiles et les outils parfaitement conservés et à leur place naturelle, nous avons l'impression que les habitants de ces contrées viennent juste de partir vers une destination proche et revenir dans une heure». Mais, et fort heureusement, le gouvernement a su se rendre compte, il y quelques années, de l'importance de ce secteur et a planché sur les stratégies à adopter à court, moyen et long terme, et est sorti, entre autres, avec un véritable programme/action qui devrait doter l'Algérie de structures hôtelières et touristiques aux normes internationales, atteindre le nombre de 75.000 lits pour pouvoir accueillir les huit millions de touristes prévus à partir de 2020.. Ce programme, le SDAT2025 a été présenté en détail par M. Mellouk, cadre au ministère de l'Aménagement du territoire et du Tourisme, et qui constitue le cadre stratégique de référence pour la politique touristique de l'Algérie à travers lequel, l'Etat affichera sa stratégie touristique à court (2009), moyen (2015) et long terme (2025). Pour commencer, l'Etat a dégagé les grandes tendances mondiales pour le tourisme, a défini les attentes de la clientèle nationale et internationale et enfin, mis en évidence les enjeux et les potentialités touristiques de l'Algérie, et ceci après que le tourisme se soit imposé comme impératif économique et non plus comme simple choix de gouvernants. Ainsi, et pour faire réussir le SDAT2025 et permettre à l'Algérie de sortir du marasme dans lequel elle se trouve depuis de longues années, plusieurs projets ont été identifiés et sont destinés à être prioritaires dans toutes les actions. Il s'agit de l'investissement touristique national, des hôtels de chaînes avec un nombre de lits avoisinant les 30 000 lits et enfin, une vingtaine de villages touristiques d'excellence (VTE) ainsi que de nouvelles plateformes intégrées dédidées à l'expansion touristique. Pour les villages touristiques d'excellence, ils se situeront un peu partout à travers le territoire national et seront dotés de toutes les commodités de standing international. Les parcs écologiques et touristiques sont au nombre de 5 : Dounya Parc Annaba, Constantine, Alger, Oran et les Parcs Oasiens. La relance touristique verra aussi le lancement de 80 projets touristiques dans 6 pôles touristiques d'excellence, ce qui se traduira par la création de 5.986 lits et plus de 8.000 emplois. En outre, et dernièrement, 111 investisseurs nationaux ont manifesté leur intention de s'impliquer dans le tourisme et mettront sur le marché une capacité supplémentaire de 11.000 lits et créeront près de 16.000 emplois. Cinq hôtels 5 étoiles seront aussi réalisés dans ce cadre, et viendront renforcer ceux déjà existants. Mais, et c'est là qu'interviennent les séminaristes, d'autres actions devront être entreprises impérativement avant, pendant et après le lancement de tous ces projets très ambitieux qui donneront à la destination Algérie une autre dimension. La première de ces actions, citée d'ailleurs dans le SDAT2025, a trait au management, à la publicité et à la présentation et la représentation de la destination Algérie au niveau de toutes les places touristiques mondiales. Les médias ont un rôle déterminant à jouer, surtout pour la tranquillisation des touristes potentiels sur le plan sécuritaire, car, après les douloureux événements que nous avons vécus durant de longues années, l'insécurité et la peur des attentats ont fait fuir tous ceux qui voulaient connaître l'Algérie et ses immenses potentialités touristiques. Ensuite, et d'après la plupart des intervenants, le facteur humain est primordial et le manque d'écoles hôtelières supérieures en Algérie (il n'y en a que deux) ne permet pas de répondre de manière efficiente à la demande croissante en matière de main-d'oeuvre qualifiée et spécialisée en hôtellerie. D'ailleurs, l'un des séminaristes a raconté une anecdote qui donne une idée précise sur le professionnalisme des personnels hôteliers et sur l'urgence d'une formation rigoureuse de ces employés. «J'étais au niveau de la cafétéria d'un grand hôtel 5 étoiles à Alger, en compagnie du conseiller du ministère du Tourisme d'un pays arabe et nous voulions commander des boissons. Le conseiller leva la main pour appeler le garçon comme cela se fait partout, mais ce dernier, de loin, lui répondit qu'il devait attendre et lui dit qu'est-ce que vous voulez pourquoi êtes-vous pressé, attendez un peu et je viendrai vous servir tout cela accompagné d'un mouvement impoli de la main», a rapporté le séminariste. C'est dire la profonde mutation relationnelle et comportementale que doivent subir les mentalités chez nous. En outre, plusieurs rapports d'expertise internationaux estiment que le secteur touristique en Algérie se débat toujours dans des difficultés multiples comme le manque de professionnalisme, le nombre de lits proposés très en deçà de ce qu'il devrait être - 81 000 chez nous contre 230.000 en Tunisie et 150.000 au Maroc -, la lourdeur administrative et les contraintes d'ordre législatif et organisationnel du secteur qui ont empêché les investisseurs nationaux ou étrangers de s'engager et ceci, jusqu'en 2001 quand, grâce à l'influence personnelle du Président Bouteflika ainsi qu'à la révision des lois en vigueur qui donnent dorénavant de grandes facilités au secteur en matière de foncier, d'imposition et de financement, les Emiratis, les Saoudiens et les Koweïtiens ont investi dans des projets touristiques d'excellence et qui seront d'un apport décisif pour la réussite du SDAT2025 et l'aboutissement des prévisions qui tablent sur plus de deux millions de touristes étrangers en Algérie à l'horizon 2020. Enfin, le tourisme intra-muros doit aussi être encouragé par des actions de sensibilisation, d'explication et surtout en imposant des règles de conduites strictes à tous les opérateurs touristiques d'un côté, et de l'autre, garantir la sécurité des biens et des personnes contre toute atteinte et, surtout adapter les prix pratiqués aux réalités car, que ce soit pour le touriste algérien ou étranger, l'équation prix/qualité est déterminante dans le choix de sa destination. En effet, la Tunisie, par exemple, attire près de deux millions de touristes algériens chaque année, grâce justement à des prix attractifs et à une qualité de services sans reproche. Un touriste algérien dépenserait près de 50.000 DA pour un séjour d'une semaine en Algérie, alors qu'il ne lui faudrait que la moitié ou moins pour la même période en Tunisie. Et pourtant, nous pouvons dire que la destination Algérie est très prisée par les touristes étrangers ou algériens, mais il suffit de lui insuffler ce professionnalisme, cette capacité d'adaptation, cette qualité de services et toutes ces petites choses qui font la différence entre deux destinations touristiques, nonobstant toute autre considération.


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