Algérie

Blida Profession : taxi clandestin



Il est arrivé à chacun de nous de seretrouver dans un endroit isolé, en plein jour ou à la tombée de la nuit, etattendre vainement qu'un bus arrive, surtout si c'est un vendredi. Arrivé à ce point, la première chose àfaire est, bien entendu, de chercher un taxi, mais là aussi, il n'est pastoujours évident d'en trouver.  Nous commençons alors par perdre patience et à nous dire «pourquoime suis-je laissé avoir de la sorte ?». Mais, après quelque temps, nous nousretrouvons devant quelqu'un qui nous propose ses services pour nous emmener,contre une somme qu'il qualifie de dérisoire, là où nous voulons. Bien sûr,nous sautons sur l'occasion à la grande joie de celui qui nous a proposé savoiture. Nous le suivons jusqu'à la ruelle où il a garé son véhicule et nousmontons avec lui pendant qu'il inspecte les alentours d'un air inquiet. Il n'ya aucun policier ni gendarme en vue, il reprend confiance et nous partons. Cette personne est ce que nous appelons un clandestin. Nous leretrouvons, lui et ses congénères, partout où il y a des gens à transporter.Dans les grandes villes, dans les petits villages, au nord, au sud, à l'est ouà l'ouest, en pleine campagne ou dans les quartiers résidentiels, nous lesretrouvons, qui guettent le client tout en ayant un oeil sur les alentours aucas où des policiers viendraient dans les parages. Les taxis clandestinsexistent depuis la nuit des temps et ont rendu d'énormes services aux gens. AAlger par exemple, ils sont nombreux à se rendre à la gare routière duCaroubier, ils se garent le long du trottoir et attendent. «Taxi, voulez-vousun taxi ?», se présentent-ils devant les voyageurs qui sortent du grand portailde la gare routière, exténués, alourdis de valises et de paquets divers. C'estpresque avec joie, mais en tous les cas avec un grand soulagement, qu'ils selaissent emmener vers la voiture, résignés à payer cher plutôt que detrimballer tous ces bagages, sous un soleil de plomb ou sous une pluiebattante. Le prix de la course est vite annoncé, mais après que les bagageseurent été empilés dans la malle ou sur le toit: «Où allez-vous, monsieur (oumadame) ?» demande le clandestin d'un ton condescendant. «S'il vous plaît,emmenez-moi aux Tagarins. C'est combien ?». Notre bonhomme fait la moue, sembleréfléchir et répond, comme s'il venait de faire un grand cadeau à son client:«bon, pour vous, ce sera 600 dinars». Le client essaie de rouspéter mais le«taxieur» sans papiers le coupe : «écoutez, je vous ai fait un bon prix, ouvous êtes d'accord, ou vous reprenez vos affaires et voyez ailleurs.D'ailleurs, faites vite avant que la police arrive». Bien sûr, il n'y a aucunchoix à faire et le pauvre voyageur ne peut que se taire et ravaler sa hargnecontre ce suceur de sang. Généralement, dans les grandes villes, c'est lescénario classique utilisé par ceux qui veulent travailler avec leurs voituressans autorisation. Ailleurs, ils sont plutôt le palliatif toléré afin de combler unvide gênant par rapport aux citoyens. Ainsi, il n'y a qu'à se rendre du côté deChébli en direction de Bouinan pour s'en rendre compte. A 15 dinars la place,les taxis clandestins sont presque comme des bus, avec arrêts fixes etfacultatifs, et même avec emplacement réservé tenant lieu de station. Maisdepuis quelque temps, certains de ces conducteurs ont acheté des microbus etont remplacé dans une certaine mesure les taxis clandestins. Ailleurs aussi,nous retrouvons ces taxis qui n'en sont pas, puisque sans aucune autorisation,mais la plupart des citoyens questionnés affirment que c'est un mal nécessaireet qu'il faut les laisser travailler. Certains affirment que grâce à eux, ilsarrivent chez eux à temps et que le prix de la course n'est pas très élevé :«nous payons, entre Bab Edzaïr et l'agence Guessab (Blida), 10 dinars dans lesbus qui viennent bondés, les voyageurs collés les uns aux autres, alors qu'avecces clandestins le prix est de 15 dinars. Je préfère donc payer cinq dinars enplus et venir à l'aise», nous a déclaré Abderrahmane, un fonctionnaire d'unecinquantaine d'années travaillant à Blida-centre et demeurant à Ouled Yaïch.Cet avis est presque partout repris par les citoyens que nous avonsquestionnés, même si certains estiment qu'on devrait soit les interdire soitles régulariser. D'autres encore se demandent pourquoi, sauf en de très raresoccasions, les taxis clandestins sont vieux, déglingués, poussiéreux, sales etrepoussants. En effet, la majorité de ces «taxis» présentent un aspectrepoussant, avec des sièges éventrés et maculés de graisse noire sur lesquelsnous nous asseyons malgré nous.  Ducôté de ces personnes qui proposent de vous transporter vers toutes lesdirections pour des prix moins élevés que les taxis, nous avons eu d'autresréponses et entendu d'autres considérations. Ali S. était fellah et travaillaitson lot de terrain situé sur les hauteurs. Avec l'insécurité des années 90, ila tout abandonné et est resté sans travail. Ayant réussi à emprunter un peud'argent, il a acheté un R4 datant de 1985 et a commencé à «travailler avec».C'est son unique gagne-pain et il fait généralement entre 800 et 1.500 dinarspar jour. «Je ne sais rien faire d'autre et je dois subvenir aux besoins de mafemme et de mes 7 enfants», s'est-il justifié, croyant avoir affaire à des contrôleurs.Mais pour Aziz, propriétaire d'une 504 menaçant ruine, il s'agit surtoutd'arrondir les fins de mois difficiles et de «faire participer la voiture à sonpropre entretien», nous a-t-il affirmé d'un air malicieux. En effet, Aziztravaille comme agent de sécurité dans une entreprise privée et touche 15.000dinars par mois mais qui «ne dure qu'une semaine» tient-il à préciser. Enfin,et surtout dans les quartiers populaires et les petites villes, cespropriétaires de taxis clandestins ont su établir des liens solides etfidéliser une clientèle peut-être pas riche, mais qui paie ses dettes. Nous lesretrouvons dans des endroits bien connus de tous, attendant le client comme lestaxis autorisés dans leur station mais proposent des prix bien plus bas pour unemême course.


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