Merbouni, Merrakchi, R'Mili, Ouled Slama,
des lieux qui donnent toujours froid au dos rien que d'entendre leurs noms.
Tous ces quartiers, collés les uns aux autres, sont situés dans la commune
d'Ouled Slama, sur le piémont, 12.000 âmes y vivent, avec, comme particularité,
d'être originaire de l'une des 48 wilayas du pays. Vous entendez parler aussi
bien chaoui que kabyle ou dialecte arabe de toutes les régions de l'Algérie.
Des constructions collées les unes aux autres, des villas inachevées, des
maisons basses et des carcasses d'habitations abandonnées. Les sentiers qui
serpentent au milieu de ces constructions sont en terre battue, des terrains
vagues surgissent çà et là et, le plus étonnant, il n'y a presque pas un arbre
que nous pouvons voir. A première vue, on se croirait dans un village retiré
des steppes ou aux portes du désert. Pourtant, nous sommes au coeur de la
Mitidja, dans une région qui était, il n'y a pas longtemps, verdoyante durant
toute l'année. Les jeunes, pour la plupart, se rendent très tôt le matin au
marché de gros de Bougara pour y travailler jusqu'à midi et revenir. Quelques
habitants ont ouvert des commerces, généralement des cafés ou des épiceries.
Des enfants et des hommes colportent à longueur de journée des jerricans d'eau,
rapportés de quelques fontaines publiques implantées dans un terrain devenu
marécageux à force d'être mouillé. Dans ce décor du siècle dernier, la
délinquance en tout genre a trouvé un terrain fertile, et, la drogue, les
boissons alcoolisées, les agressions, les vols par effraction, les viols, les
kidnappings et même les assassinats sont monnaie courante. Dès le crépuscule,
les ruelles deviennent dangereuses et les locaux servant du vin ou d'autres
produits interdits reçoivent une clientèle assez nombreuse. Les jeunes filles
ne peuvent circuler seules et, dès la tombée de la nuit, elles restent
cloîtrées chez elles. Pourtant, les services de la gendarmerie ne ménagent
aucun effort pour sécuriser les lieux. Le téléphone portable, la difficulté
d'emprunter les ruelles défoncées et étroites, la grande étendue des quartiers
qui s'entremêlent font qu'il leur est presque impossible de jouer la carte de
la surprise, seule garante d'arrestation en flagrant délit surtout dans les
affaires de drogue. Donc, et voulant donner un grand coup de pied dans cette
fourmilière, le commandant de la compagnie de gendarmerie de L'Arba, dont
dépend la brigade de Bougara, a décidé de lancer plusieurs opérations pour
mettre fin à tout cela. La première du genre - qui a d'ailleurs été menée
simultanément à travers toute la wilaya de blida - a eu lieu jeudi en début de
soirée, et nous l'avons accompagné dans cette sortie qui a vu l'utilisation
d'une quinzaine de véhicules et de près de soixante gendarmes des brigades de
Bougara et Blida, épaulés par leurs camarades de l'escadron d'intervention,
très aguerris pour ce genre d'opérations-choc. Après un briefing au niveau du
bureau du commandant de compagnie, nous nous dirigeâmes vers Bougara puis nous
nous scindâmes en trois groupes. La brigade de sécurité routière (BSR) eut pour
mission de dresser des barrages un peu partout et de fouiller tous les
véhicules suspects.
Chacun des trois groupes se dirigea vers les quartiers ciblés en
empruntant une issue différente et celui que nous accompagnions démarra de
Bougara et se dirigea par des ruelles sinueuses vers le lieu de convergence, le
quartier Hamoul. Au détour d'une rue sombre, nous découvrîmes des jeunes assis
en groupes çà et là, un café avec quelques clients à l'intérieur et d'autres
qui sortaient d'une mosquée après la prière du Maghreb.
Nous descendîmes des voitures et les gendarmes se dirigèrent vers
les groupes de jeunes dont certains s'étaient déjà levés et essayaient de
s'enfuir sans en avoir l'air. Après la fouille d'usage, corporelle et des
lieux, quelques-uns furent embarqués car étant suspects, et l'avenir nous donna
raison car il y en avait, parmi eux, un jeune qui faisait l'objet d'un mandat
d'arrêt. Nous continuâmes notre chemin à pied, sur le rebord escarpé d'une
rivière au lit sec. La nuit était tombée sans que nous nous en rendions compte
et les ombres se découpaient, irréelles, sur le fond clair du ciel. Alors que
nous voyions à peine où nous mettions les pieds et que nous faisions tout pour
éviter une chute, nous vîmes plusieurs gendarmes démarrer une course-poursuite
sans que nous voyons de qui il s'agissait. Quelques instants plus tard, nous
rejoignîmes ceux qui nous avaient précédés et nous vîmes avec eux 3 jeunes qui
s'étaient sauvés à la vue des agents de l'ordre. Ils les firent monter dans le
fourgon et nous remontâmes dans les voitures pour suivre le cours de la
rivière. Une angoisse sourde s'insinua dans notre esprit au vu des arbres
touffus qui nous entouraient, alors que, de temps en temps, on entendait des
bruits suspects provenir du maquis, faisant dresser les sourcils de tous,
l'arme pointée et prête à tirer, les oreilles dressées et le cerveau
travaillant à toute allure. En cours de route, nous ne pouvions nous empêcher
de nous rappeler ces lieux inhospitaliers qui, il y a à peine quelques années,
étaient de véritables coupe-gorges, au sens propre du mot. En effet, les
groupes du GIA ont semé la terreur et tous les habitants juraient que les
fosses communes dans lesquelles les terroristes enterraient leurs malheureuses
victimes existaient toujours, même si des dizaines d'entre elles ont déjà été
découvertes avec leur macabre contenu. Nous nous arrêtâmes dans une clairière
et nous apprêtions à faire demi-tour car, nous nous étions éloignés de
plusieurs kilomètres de toute forme de vie humaine, quand deux Toyota qui nous précédaient
s'élancèrent, tous feux éteints, suivis par plusieurs gendarmes qui couraient
au milieu de la rivière. Le chef de brigade de Bougara nous informa qu'il y
avait une voiture garée à quelque deux cents mètres de l'endroit où nous nous
trouvions, mais nous avions beau écarquiller les yeux, nous ne pûmes rien voir
jusqu'à ce que les deux véhicules qui nous avaient précédés éclairèrent de
leurs phares une voiture de marque Renault Express blanche. Nous sûmes que les
occupants de la voiture étaient en train de consommer du vin et de la bière.
Les
gendarmes reviennent avec quatre personnes ainsi que le chauffeur de la
voiture. Nous passons devant une villa au-dessous de laquelle il y avait un
magasin avec deux rideaux baissés : c'est un café qui travaille sans aucune
autorisation et qui baisse rideau dès que les gendarmes viennent par ici. On
nous informa que c'est là que tous les délinquants et bandits du coin se
retrouvent. Nous repartons vers un autre endroit connu pour abriter des buveurs
invétérés et des consommateurs de drogue, à la sortie sud de Bougara, sur la
route d'El-Aïssaouia. Des citoyens nous affirmèrent que ceux qui se trouvaient
ici avaient été avertis de l'approche des gendarmes et qu'ils se sont sauvés
aussitôt. Au même moment, nous avons appris qu'un accident mortel de la
circulation avait eu lieu sur la RN 29 à L'Arba. Le chef de brigade de cette
ville, accompagné de quelques véhicules, dut nous quitter pour aller entamer
son enquête et éloigner les badauds qui s'étaient agglutinés autour des deux
véhicules accidentés. Notre prochaine destination fut un autre quartier qui
avait fait parler de lui mais qui a été nettoyé par le travail incessant des
groupes de choc de la Gendarmerie nationale. Il s'agit de Bélaouadi, dans la
commune de L'Arba et qui est situé à quelques trois kilomètres du chef-lieu
communal, sur la route menant vers Baraki.
Ainsi, nous nous rendons compte du travail colossal qui est fait
par les hommes en vert qui ont réussi même la gageure à se faire aimer et
respecter par les citoyens auxquels ils ont rendus la paix et la sérénité au
prix de leur vie, de leur repos et de leur santé.
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Posté Le : 27/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Tahar Mansour
Source : www.lequotidien-oran.com