Algérie - Revue de Presse

Blida : 18 heures avec des policiers sur le terrain



22 juillet 1962 - 22 juillet 2008 ! La police algérienne fête ses 46 ans au service des citoyens et de l'Etat. Toute une vie humaine faite d'abnégation, de sacrifice, de présence inconditionnelle à tout moment, en prenant d'énormes risques sans jamais dire non, assurant la quiétude et la tranquillité partout et en tout temps.

Et justement pour connaître un peu les conditions dans lesquelles notre police travaille, un groupe de représentants de la presse nationale au niveau de la wilaya de Blida a décidé de les suivre durant toute la journée d'avant-hier dimanche et plus de la moitié de la nuit.

Ce que nous avons vu et vécu a laissé une marque indélébile de la difficulté grandissante qu'ont les policiers à remplir cette noble et délicate mission de maintien de l'ordre pour protéger les biens et les personnes, prévenir les risques et lutter contre la grande criminalité qui prend de plus en plus d'ampleur dans notre pays. Rendez-vous a donc été pris au niveau du siège de la sûreté de wilaya, où nous avons été accueillis par les responsables de la cellule de communication. Une conférence de presse a été animée par M. Lakhdar Toumi Rachid, le chef de la sûreté de la wilaya de Blida, en compagnie des différents responsables des services la composant. Après avoir passé en revue l'histoire de la police algérienne, les différents moyens mis à sa disposition pour assurer sa mission, les étapes par lesquelles elle est passée, un bilan comparatif des deux dernières années et celui du 1er semestre 2008 a été présenté, qui fait ressortir une baisse sensible de la criminalité au niveau de la wilaya, résultat de la professionnalisation tous azimuts de la police algérienne.

Après le déjeuner, nous avons pris place à bord de plusieurs véhicules banalisés flambant neufs de la police. Direction, la sûreté de daïra de Ouled Yaïche. Arrivés devant le siège de cette dernière et alors que nous nous apprêtions à descendre, nous apprîmes qu'une agression suivie de vol venait d'être commise dans le magasin d'un photographe à la cité des 360 logements. Nous reprîmes la route sur les chapeaux de roues et nous nous sommes dirigés vers les lieux de l'agression. A l'intérieur, le vendeur, encore sous le choc, avait déjà raconté sa mésaventure aux inspecteurs que nous avons trouvés à pied d'oeuvre. Il affirma qu'il avait reçu la visite de deux jeunes habillés de manière identique qui voulaient être photographiés. Mais ils lui demandèrent de changer le fond de la photo (un rideau accroché au mur): et alors qu'il s'apprêtait à le faire, l'un d'eux le prit à la gorge avec son avant-bras - nous apprenons qu'ils appellent cette technique «el-yabsa» (la dure). Il se débattit, manquant de peu d'être étranglé, alors que le deuxième faisait main basse sur trois caméras vidéo et un appareil photo numérique, pendant qu'un troisième complice fermait la porte et mettait l'écriteau «fermé». Le jeune photographe réussit à se dégager et cria au voleur ! Les agresseurs paniquèrent, mais prirent leur butin et s'en allèrent.

A l'arrivée de la police, le photographe n'avait pas encore repris totalement ses esprits. Il portait une longue entaille sur la joue. Mais ceci ne l'empêcha pas de remettre une photo des deux agresseurs qu'ils avaient faite il y a une semaine, quand ils étaient venus probablement pour inspecter les lieux et préparer leur coup. Cette photo permit aux policiers d'identifier une demi-heure plus tard les agresseurs, qui sont activement recherchés.

Nous nous sommes ensuite rendus à la gare routière mitoyenne du marché Guessab, qui draine un monde fou durant toute la journée, ce qui constitue un terrain de chasse très intéressant pour les voleurs et qui rend obligatoire une présence permanente de la police. Les policiers qui nous accompagnaient se sont dirigés vers les quais d'embarquement et, quelques minutes après, ils ramenèrent un groupe de jeunes qui n'avaient pas leurs papiers d'identité sur eux. Tous affirment qu'ils les ont oubliés à la maison. Il y avait même un mineur demeurant dans la wilaya de Médéa qui affirma qu'il attendait son grand frère qui s'était rendu à... la plage ! Il faut beaucoup de tact aux policiers pour expliquer à ces jeunes qu'ils sont obligés de les transférer vers le commissariat tout proche de la 3ème SU afin qu'ils les «pointent», ce qui veut dire dans le jargon de la police «voir s'il ne sont pas recherchés ou fichés chez les services de sécurité».

Après la gare routière, c'est vers la commune de Béni-Méred que nous nous sommes dirigés, où l'on nous apprit qu'un lieu de débauche clandestin avait été découvert au niveau de la ZI.A. Sur place, nous découvrîmes que le lieu n'était qu'une villa à l'état de carcasse dont la propriétaire se trouve en France et qu'un jeune avait squattée. Après avoir changé la serrure de la porte d'entrée, il en avait fait sa propriété privée. Il mit quelques briques les unes sur les autres pour donner l'impression d'une chambre. Puis juste en face d'une autre pièce dont il tapissa les murs de photos de femmes nues, il entreprit de les louer à des couples illégitimes. D'ailleurs, les policiers arrêtèrent deux couples qui s'y trouvaient.

La virée suivante nous mena au centre-ville de Blida, qui se solda par quelques contrôles d'identité sans suite. A partir de 21 heures, le décor changea. Il fait nuit et le très populaire quartier de Diar El-Bahri à Béni Méred est plongé dans la pénombre malgré quelques lampadaires encore en fonction. Nous apprîmes par la suite que les jeunes délinquants cassaient les lampes à coups de pierre pour opérer en toute quiétude. Arrivés au bas d'un immeuble, les policiers interpellèrent deux personnes qui consommaient des boissons alcoolisées sur la chaussée, assis dans une voiture. Ils demandèrent aux deux amis de libation de se rendre au commissariat, où un PV fut dressé.

Dans un coin retiré et sombre, plusieurs jeunes étaient assis et fumaient tout en discutant. A l'arrivée des policiers, un geste de l'un des jeunes fut remarqué par un inspecteur en civil qui était sur les lieux avant les autres. Une recherche sommaire faite sur place permit la découverte de deux morceaux de kif traité qu'ils avaient jetés à la vue des policiers. Chacun des deux compères niait avoir jeté cette drogue ni qu'elle lui appartenait. Ils furent menottés. L'un d'eux se mit à pleurer et à gémir, prétextant que sa mère était malade et qu'elle risquait de voir son état empirer. Insensibles à ce «cinéma», ils les embarquèrent dans une voiture de la police appelée par radio. Avant de «décrocher», nous fîmes un dernier tour à travers des allées sombres entre les bâtiments.

Ces opérations sont régulièrement menées par les policiers qui doivent toujours faire preuve de tact et éviter autant que possible les frictions avec des gens pas toujours normaux.

Nous nous sommes dirigés ensuite vers un autre quartier chaud de la ville: il s'agit de Bouarfa. Nous nous sommes rendus directement vers un endroit situé sur les bords de l'oued, un petit quartier fait de masures. Durant la journée, nous y trouvons des artisans, des électriciens auto et une épicerie, en plus de quelque habitations misérables. Mais la nuit, le décor change et nous avons l'impression d'être dans une ruelle du Bronx des années 20. A notre arrivée, quelques-uns des occupants des lieux essayèrent de s'échapper, qui en voiture, qui en moto, qui même à pied. Ils seront vite arrêtés par les policiers venus en nombre important. A l'intérieur d'une échoppe, il y avait plusieurs personnes qui consommaient des boissons alcoolisées et d'autres qui en sortaient après en avoir acheté. Le tenancier se mit à gesticuler et prétendit que cet alcool était destiné à sa propre consommation. Mais les clients qui sortaient de chez lui avec une grande quantité de bouteilles de bière, du whisky, du vin... prouvaient qu'il vendait des boissons alcoolisées sans autorisation.

Un peu plus loin, une R4 était garée. A l'intérieur se trouvaient un homme, une fille d'environ 13 ans et une femme fortement maquillée et habillée de façon vulgaire. Les deux adultes étaient manifestement ivres et avaient des difficultés pour s'exprimer. Nous apprenons que les agressions, même contre les policiers, étaient monnaie courante dans ces lieux de débauche. La femme prétendit qu'elle était venue acheter, à 22 h, des biscuits, alors qu'elle affirmait habiter à Bab Edzaïr, à quelque... deux à trois kilomètres de là. Celle qu'elle prétendait être sa propre fille pleurait et tremblait comme une feuille en se serrant contre sa mère. Mais, quelques minutes après, et mettant à profit un moment d'inattention des policiers occupés à saisir les boissons alcoolisées et à contrôler tous ceux qui se trouvaient dans les parages, les deux femmes prirent leurs jambes à leur cou et disparurent dans l'obscurité. Quelques policiers se lancèrent à leur poursuite mais elles demeurèrent introuvables, ayant certainement été cachées par des voisins.

Après quelques tours en ville, nous décrochâmes un peu après minuit, exténués mais très heureux d'avoir découvert cet autre aspect de la ville de Blida «by night», qui nous a fait toucher du doigt le travail stressant de ces hommes qui ne dorment pas, qui ne se reposent pas, qui risquent leur vie afin que nous puissions vivre dans la quiétude. Nous avons aussi remarqué que les policiers étaient toujours obligés de se comporter très dignement et de manière correcte, même avec certains citoyens - et ils sont nombreux - qui refusent d'obtempérer, qui se mettent à crier et qui affirment être victimes de harcèlement, de hogra.







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