Présentation 1962. Indépendance de l'Algérie. Lilas et Ali entrent au collège où ils apprennent avec stupeur qu'il est désormais interdit d'utiliser le crayon rouge. En effet : puisque le papier reste blanc et l'encre bleue, les corrections se feront donc en vert. Il n'est pas question de maintenir le " bleu blanc rouge ", drapeau honni de la colonisation ! Dans l'euphorie de la liberté retrouvée, l'avenir est à portée de mains, plein de promesses et d'espoirs.
1992. Le FIS gagne les élections dans une Algérie plongée dans " l'ombre de la grande désillusion ", écrit Maïssa Bey. " La peur. L'humiliation. Ces mots viennent de s'introduire une fois de plus dans nos vies. Jusqu'à l'intérieur de nos maisons. La peur est là. La peur qui met des couleurs d'orage et des traînées de brume dans les yeux d'une petite fille qui ne comprend pas pourquoi les adultes ne parlent pas le même langage.
Pourquoi ce qui est permis par les uns est interdit par les autres. " A travers le récit alterné de ses deux héros, Maïssa Bey remonte ici l'Histoire, avec ses découvertes et ses héritages - et la terrible mission d'être la première génération libérée du joug colonial. Comment faire coexister modernité et traditions ? Tel est le nouveau défi que s'est donné Maïssa Bey, cette superbe romancière qui, livre après livre, (re)construit son pays, celui hérité de ses parents, celui qu'elle transmettra à ses enfants.
Extrait Dès qu'il a posé son cartable sur le bureau, il a dit: à partir d'aujourd'hui, je ne veux plus voir personne souligner les mots ou les phrases avec un stylo rouge ! Ni sur les cahiers, ni sur les copies. D'abord, j'ai pensé que le rouge était sa couleur. Je veux dire, la couleur du professeur. Une couleur réservée exclusivement à tous les professeurs. Pour les corrections et les commentaires. Les bien, très bien, passable, mal, médiocre, les points d'exclamation, d'interrogation, les zéros soulignés, les bonnes et les mauvaises notes entourées ou non d'un certain nombre de cercles pour que les parents les voient bien.
Il a ajouté: maintenant vous ne soulignerez plus qu'en vert. Avec un stylo vert. J'ai levé le doigt. Il m'a autorisé à parler. J'ai demandé pourquoi. Pourquoi on ne devait plus utiliser le rouge. Alors il est monté sur l'estrade. Il a expliqué. J'avais tout faux. Il nous a dit que, si on écrivait avec un stylo bleu sur la feuille blanche et qu'on soulignait en rouge, ça ferait bleu blanc rouge. Les couleurs de la France. Celles du drapeau français. Il a dit qu'on était libres maintenant. Libres depuis quatre mois.
Après cent trente-deux ans de colonisation. Sept ans et demi de guerre. Un million et demi de martyrs. Et il a écrit tous les chiffres au tableau. Avec de la craie rouge. Il a dit qu'on devait maintenant oublier la France. Le drapeau français. Et La Marseillaise. Mais moi, je me souviens encore des paroles. à l'école du village, on la chantait tous les matins. En saluant le drapeau. Le drapeau français, bien sûr. Mais on avait, entre nous, changé quelques mots. Par exemple, au lieu de dire «Le jour de gloire est arrivé», nous, on disait «La soupe est prête, venez manger». Sur le même air. Mais doucement. Personne ne comprenait ce qu'on chantait. C'était notre façon à nous de résister.
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Posté Le : 01/08/2007
Posté par : nassima-v
Source : www.dzlit.free.fr