Algérie - PATRIMOINE

BISKRA UNE CITÉ DE PAIX ET DE POÈTES



BISKRA UNE CITÉ DE PAIX ET DE POÈTES
Riche de son histoire, de son patrimoine et de ses palmeraies, Biskra, à l’instar des villes algériennes, ne se développe pas comme elle devrait, mais elle demeure un lieu paisible, où il fait bon vivre. Plaque tournante reliant le Nord au Sud et disposant d’un fort potentiel touristique, la “capitale des Zibans” s’étend et s’agrandit, en même temps qu’elle laisse de côté certains aspects de son passé.

Biskra est une ville de paix. J’y suis né, j’y ai grandi et j’y vis encore ; c’est donc en m’appuyant sur ma propre expérience que je peux avancer une telle affirmation. C’est aussi grâce à ma passion pour l’histoire, mes explorations dans les différents recoins de la wilaya et mes recherches personnelles que j’ai pu arriver à un tel constat. Indéniablement, Biskra est une ville accueillante où il fait bon vivre. La sécurité y règne et ses habitants sont chaleureux, ouverts d’esprit et solidaires.

On n’a jamais vraiment connu la guerre, dans le sens d’attentats quotidiens et de terreur, aussi bien durant la guerre de Libération nationale que durant la décennie 1990. Mais durant ces deux parenthèses historiques (colonisation, terrorisme) ô combien douloureuses, le combat pour la vie a été continuel et le rôle des Biskris pour l’indépendance a été essentiel. Je pense notamment au colonel Mohamed Chaâbani, à Mohamed Khider (originaire de Biskra et dont l’université et l’aéroport portent le nom), ou encore le colonel Si El-Haouès, dont la maison familiale à M’chounène a été transformée en musée. Si je remonte encore plus loin dans l’histoire, il est important de rappeler que c’est dans cette wilaya, et précisément à Sidi Okba, qu’a trouvé la mort Okba Ibn Nafi’ ; elle aura été un champ de bataille dans une guerre pour l’identité. C’est à Biskra, à Tahouda (Sidi Okba), que se trouve le palais de Dihya, même si de nos jours le site s’est malheureusement dégradé. Impossible de raconter Biskra sans évoquer Sidi Khaled, ville de poètes et d’intellectuels par excellence (le parolier Mohamed Angar, par exemple, y est originaire), et sans revenir sur l’une des plus belles histoires d’amour algériennes et universelles, celle entre Hiziya et Sayyed. Cette belle et malheureuse passion amoureuse a été immortalisée dans un poème de légende de Mohamed Ben Guitoune (de Sidi Khaled), interprété notamment par le grand Abdelhamid Ababsa (qui a grandi à Biskra). Je dois également souligner le fait que le poète et réformateur Mohamed Laïd Al Khalifa a vécu ici, comme tant d’autres artistes, écrivains et intellectuels qui sont tombés sous le charme de la “reine des Zibans”. Ce que j’avance ici sont certes des informations qu’on peut trouver sur internet, mais il m’est nécessaire de les condenser et de les rappeler pour souligner l’attrait et le patrimoine de ma ville. On retrouve des traces de ce passé dans son architecture, dans ses vestiges et dans chaque coin et recoin, pour peu qu’on s’y intéresse.

Fort potentiel touristique
Les marques du passé, qui se traduisent notamment par le patrimoine matériel, font de Biskra un territoire avec un grand potentiel touristique, même s’il n’est malheureusement pas mis en valeur. Ce n’est que maintenant que l’on commence à (re)construire des hôtels, alors que dans les années 1970, et comme me l’ont affirmé les “anciens” de la ville, les hôtels ne pouvaient pas contenir tous les touristes qui y affluaient, de telle sorte qu’on demandait aux habitants d’ouvrir leurs maisons pour les recevoir. Cela s’est dégradé avec le temps, notamment durant les années 1990. Outre les magnifiques palmeraies qui s’étalent à perte de vue et qui pourraient aussi être exploitées touristiquement (par exemple, inclure dans les circuits touristiques des visites dans des palmeraies), il y a eu, au cours des dernières années, un gros investissement qui s’est traduit par la construction d’une ville aquatique immense, à côté de laquelle se dressaient trois jardins thématiques. Mais ce lieu qui attirait beaucoup de monde (même des wilayas limitrophes, comme Batna ou El-Oued) est actuellement fermé. Ce bien existe, mais il est à l’arrêt et risque de se dégrader, et ce serait bien dommage ! Toujours sur cette idée du potentiel touristique, je me dois de souligner que la “Porte du désert” comprend un aéroport international, un grand réseau routier et ferroviaire, des stations thermales réputées (Hammam Salihine, Hammam El-Hadjeb, complexe Sidi Yahia). Il faut dire que le tourisme interne s’est beaucoup développé ces dernières années et qu’il existe une dynamique touristique intéressante à encourager, que ce soit à travers des excursions organisées par l’Onat ou par des privés.

Le tourisme cultuel pourrait également y faire florès, avec le nombre important de lieux de culte (comme la mosquée Sidi Okba et la zaouïa Tidjania) et de mausolées, à l’exemple de Sidi Zarzour, dont la légende raconte qu’il a bâti sa maison en plein oued et que ce dernier s’est séparé en deux en arrivant au niveau de sa qobba. Un tourisme culturel pourrait y prospérer aussi, compte tenu de la richesse de ses musiques et des identités plurielles qui le pratiquent. Je pense particulièrement ici au Diwane, dont le premier carnaval de cette confrérie remonte à 1953, d’après certaines sources. Une waâda, par exemple, qui s’organiserait autour des deux confréries Diwane Merzoug et Diwane Zemala, pourrait attirer de nombreux adeptes, artistes et curieux ou amoureux du genre qui a connu une grande vitalité la dernière décennie. Cependant, des initiatives personnelles existent, même si elles demeurent insuffisantes. La société civile pourrait et devrait être plus présente. Quant aux politiques de développement, elles ont plutôt échoués parce que l’État a fait parfois de mauvais choix.

Penser la ville
Biskra (chef-lieu, centre-ville) est une ancienne ville où on trouve des bâtisses qui remontent à l’ère ottomane et coloniale. Elle a toujours été pensée comme une petite ville, elle a donc commencé à s’agrandir par la périphérie. En fait, nous avons la nouvelle ville qui s’est construite tout autour de la vieille ville (qui demeure le centre névralgique de la wilaya, avec les administrations et tout ce qui relève de l’officiel). De ce fait, au-delà du centre-ville, ce n’est pas très intéressant de s’aventurer puisqu’il n’y a que des habitations et peu, voire aucun espace de loisirs ou de détente. À titre d’exemple, au niveau du chef-lieu, nous comptons trois jardins publics, dont deux sont un héritage colonial ; donc l’Algérie indépendante n’a ouvert qu’un seul jardin.

Je pense, pour ma part, que l’architecture de la ville de Biskra, à l’instar de toutes les villes algériennes, est la victime directe du socialisme. On nous importait des plans (d’Égypte ou de Cuba), et on a tout nationalisé, uniformisé, ce qui a défiguré le tissu urbain de Biskra et lui a fait perdre son cachet, à base de matériaux de terre, même si des constructions existent encore.

Ce cachet, on le retrouve notamment dans le “vieux Biskra” et dans la localité de Chetma. D’ailleurs, la “dechra” de Chetma, où a été tourné le téléfilm Carnaval fi dechra, a bénéficié d’une aide de l’Unesco pour une partie de sa réhabilitation. Malgré son potentiel, son histoire, sa palmeraie, elle est tout de même abandonnée (moins d’eau, moins de travail sur la palmeraie), et je crois qu’elle disparaîtra dans quelques années, s’il n’y a pas de prise de conscience et une prise en charge effective.
Sur les choix, je peux également signaler qu’on a voulu donner à Biskra un cachet agricole, et c’est une ville qui a bénéficié de beaucoup d’aides dans le domaine de l’agriculture, mais on réalise, à présent, que ce n’est pas ce qui sied à l’identité de la ville.

Bien que l’agriculture prospère, nous avons été dépassés par El-Oued, parce qu’il me semble que la vraie vocation de Biskra est le tourisme. Un tourisme équitable et écologique, proche de la nature et de l’humain.
Je crois, enfin, que pour (re)lancer le tourisme, il faut des investisseurs, une multitude d’initiatives individuelles et une société civile forte pour défendre son patrimoine et le promouvoir. Un vœu pieux qui pourrait se réaliser avec davantage de sensibilisation et un délestage des idées reçues et de la tentation folklorique.



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