Mucat (prononcer : Mouhcette), de son vrai nom Fadhma Amazit-Hamidchi, est originaire d’Ifigha en Haute Kabylie. Elle s’installe en France en 1982 où elle intègre aussitôt l’atelier et la troupe de théâtre du grand dramaturge Muhand U Yehya (Abdallah Mohia). Linguiste de formation, elle fera ses armes dans cet espace de création et de recherche, où elle contribuera à l’adaptation en kabyle de centaines de textes du théâtre et de la littérature universels.
En 2003, elle coécrit avec Mohand Lounaci « Le kabyle de poche » (Editions Assimil), un petit dictionnaire « manuel de survie » français-kabyle reprenant les expressions du quotidien et les rudiments de la langue. Trois ans plus tard, elle autoproduit un album de chansons enfantines intitulé « Timectuhin nni », co-écrit avec Ameziane Kezzar. Cet opus connaît un succès fulgurant en France comme en Algérie. En 2009, elle met en ligne « Lghaci », une magnifique adaptation de « La foule » d’Edith Piaf qui, d’emblée, lui attire une multitude de fans et l’installe confortablement dans un statut d’artiste novatrice, audacieuse et… très spéciale !
Mucat n’a pas peur de prendre de risques, tant au niveau de l’écriture que de la musique. Son amour pour la langue kabyle lui fait entreprendre des recherches poussées et des aventures linguistiques qui, pour pittoresques qu’elles soient, demeurent toujours dans le respect et la sublimation d’une langue dont elle refuse la minoration au profit d’un « tamazight » sans racines.
C’est ainsi qu’elle s’imposera et se fera respecter dans le milieu artistique, elle subjuguera les milliers de personnes présentes au dernier Festival de Djoua, un événement unique et malheureusement éteint qui se déroulait au sommet de Yemma Djoua à Béjaïa. En chantant « Lghaci » et « Cikula ugirru » (d’après «Mustral gagnant » de Renaud), elle charme ces jeunes mélomanes assoiffés de renouveau et de fraîcheur.
Son premier opus, dont la date de sortie n’est pas encore connue, portera le titre évocateur de « Inu » (« J’assume »). On y retrouvera les deux adaptations citées plus haut, ainsi qu’une autre, « Agni », revisitant « Sur la place » de Jacques Brel,
« Abughrayri » d’après « L’hymne à l’amour de Piaf, mais aussi, et surtout, six compositions originales dans tous les sens du terme. En effet, grâce à sa connaissance fine de la langue, Mucat écrit des chansons déroutantes sans être élitistes. Dans un kabyle à la fois simple et raffiné, elle joue avec les mots, compose des couplets en fragmentation, magnifie la musicalité des vocables et crée ainsi un univers poétique tout à fait inédit. Côté musique, ce sera un mélange d’ingéniosité et de grâce, avec un grain de folie qui ne manquera pas de donner un coup de jeune à la musique kabyle actuelle : rock, jazz, pop, funk, tous revus à la sauce traditionnelle mais sans qu’il s’agisse de ce qu’on appelle de manière galvaudée « la fusion ». La complicité entre textes et mélodies est telle qu’on dira sans risque d’exagération que le travail de Mucat est unique, en ce sens qu’on perçoit très vite la complexité et l’hardiesse de la tâche sous couvert de légèreté et de malice. Dans une harmonie insoupçonnée, on retrouvera donc l’atmosphère familière de nos villages, de nos fêtes et veillées rituelles, côtoyant l’univers débridé des sonorités occidentales. Lesquelles, faut-il le répéter, sont parfaitement « kabylisées ».
Cet album verra également le jour grâce à la collaboration dévouée de musiciens de talents. A leur tête, Khireddine Kati, un virtuose du mandole et du banjo, mais aussi un as des arrangements, voire de la réinvention des airs ancestraux ; le guitariste Malik Kerrouche, mordu de flamenco et fils spirituel de Django Reinhardt et de Paco De Lucia ; le percussionniste Ammar Chaoui, déjà membre essentiel de « Gnawa Diffusion », connu pour sa maitrise parfaite de nombreux instruments de percussion et pour son jeu endiablé ; le bassiste Hicham Takaoute, intuitif et faiseur de miracles-groove ; Dimitri Fonseka au clavier, doué d’une faculté d’adaptation à tous les genres musicaux ; et enfin, Madjid Mohia, qui n’est autre que le fils de Muhand U Yehia, un pianiste hors-pair qui vient tout droit du milieu classique où il accompagne les vedettes de l’opéra dans le monde…
« Inu » va sans doute être l’événement musical de l’année 2014. L’enregistrement étant bientôt terminé, on pourra espérer sa sortie d’ici deux mois au plus tard.
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Posté Le : 22/09/2014
Posté par : Slash