Algérie - Yelas

Biographie de Yelas



Biographie de Yelas
Il est né au siècle dernier, à Tarihant, « un petit village perché sur les montagnes, non loin de la mer ». Issu d’un milieu modeste où il fallait travailler pour y arriver, pour s’en sortir. Alors, le petit Kabyle s’est mis au labeur, réussissant un parcours scolaire exemplaire. Mais pourtant, il va vite se balader sur les chemins buissonniers, à l’école de la vraie vie, celle qui le guide à prendre une guitare comme fidèle conseillère, sa langue berbère comme champ d’investigation. Dès 1984, il créé un premier groupe au lycée, où se croisent des reprises de Bob Dylan et Jacques Brel, Paul Simon et Idir. C’est le début d’une belle aventure qui prendra plus de quinze ans avant de le conduire enfin à l’enregistrement de ce premier disque. Entre-temps, le jeune Saïd s’est choisi un surnom qui en dit long sur ses intentions : Yelas, soit « Toujours présent ». Entre-temps, il a participé au Printemps Berbère, s’est engagé plus avant dans la reconnaissance des droits de son peuple, de ses origines. Entre-temps, il est parti en France, où il vit désormais.

A la manière des bluesmen ou des folk singers, Yelas compose seul à la guitare, « comme ça me chante », comme il dit, sur l’instant et non sur commande. « Sans ma guitare, je me sens nu. Avec elle, j’ai voyagé dans toute l’Europe, du Nord au Sud. Je suis même allé aux Etats-Unis, au Canada. » C’est ainsi que le jeune homme a, malgré un an de conservatoire en Algérie (section guitare classique) et des études supérieures de commerce, préféré improviser sa vie au gré des rencontres. Yelas a joué dans le métro ou dans les rues, sur les places publiques ou dans les cafés, pour trois fois rien, pour le plaisir aussi… celui de partager en direct. Aujourd’hui comme hier, il s’inscrit sur la scène, le terrain de tous les jeux et enjeux. D’où son appréhension au moment de passer de l’autre côté du miroir, dans la froideur d’une cabine d’enregistrement. « Le studio, ce n’est pas facile. Rien à voir avec la pratique de la scène. Mais c’est là où tu vois que tu te professionnalise. »

« Ma musique, elle ressemble à mes musiciens, rencontrés par le bouche-à-oreille, tout comme elle raconte ma vie. » Nomade en l’âme, le Kabyle ne refuse pas la dénomination world music. Bien au contraire. Simplement, il a sa propre vision, définie comme suit : « Fusionner avec toutes les couleurs du monde, sans perdre son âme, sans oublier son port d’attache. » C’est pourquoi il cherche dans ces sept partenaires – en rien sept mercenaires – des musiciens « capables d’être à l’aise sur un grand nombre de répertoires ». Des cosmopolites comme lui, le polyglotte qui parle quatre langues. Il s’avoue tout aussi bien influencé par les musiques grecques ou hispaniques que par la grande tradition des songwritters américains. C’est avec de tels bagages qu’il sillonne son champ naturel, la musique de Kabylie, qu’il remue dans tous les sens du terme. « Pour défendre notre identité culturelle berbère, pour la liberté et pour continuer la lutte. C’est un engagement permanent. » Ne demandez pas à cet autre porte-parole des sans voix, ceux d’une Algérie condamnée à se taire, de jouer pour le gouvernement….

Voilà ce que raconte Yelas en paroles et musique. Il y chante dans sa langue, celle de ses origines, « celle qui se prête plus que d’autres à la mélodie par la richesse de ses sonorités ». Il a le verbe haut, comme la verve chaude. Mais surtout un style unique, singulièrement multiple, à la croisée de toutes les leçons retenues lors de ses périples. Le flamenco y danse avec naturel, la musique celtique s’y glisse sans forcer, le mouvement du bassin méditerranéen s’y prolonge jusque sur les rivages d’une Amérique en version latine… Difficile de qualifier et classer la musique de Yelas. C’est sans aucun doute le plus écho à cet esprit ouvert, épris de liberté. Mais au-delà des notes, des tempos rapides ou des ballades plus apaisées, il y a des mots, qui prennent d’autant mieux leur bon sens.

A commencer par le titre emblématique d’une démarche. « Ifili, cela signifie le filet. Mais le vrai sens, c’est le piège. A savoir la situation actuelle de l’Algérie. Nous sommes obligés de partir pour trouver la liberté ! », s’enflamme ce fils de la terre qui reste attaché à ses racines, même si ses souliers de vent l’ont porté aux quatre coins de la planète. Dans le même sens s’inscrit Ggan-Kem, « c’est-à-dire l’exode des kabyles qui fuient l’oppression socio-politique ». Ce n’est pas hasard aussi si le disque commence par un hommage aux victimes du terrorisme, « à commencer par Matoub Lounès et tous ceux tombés lors du Printemps berbère ». Tafsuyt poursuit dans la même voie, « pour ne pas oublier les victimes du premier printemps berbère, au début 80, à la suite duquel il y eut une vaste répression ». De l’ordre du symbole, Furulu est aussi un hommage, empruntant son titre à un personnage de roman. « Je salue le système éducatif ancien, instauré juste après l’indépendance et battu en brèche vingt ans plus tard. C’est un hommage indirect à la francophonie et à tous ceux qui ont voulu construire une Algérie instruite. » Plus loin, Debout ! lance « un appel à l’Algérie, qui doit prendre conscience de nos différences identitaires ». Comme autant de trésors malheureusement inexploités. Ce que prédit Tannumi, « soit l’espoir qui accompagne toute lutte. C’est malgré tout une joie, parce qu’au bout, il y a la liberté ! »

Ne pas oublier de faire la fête… Ne pas oublier Tizgrit, « le village en bord de littoral, où j’étais au lycée. » Là où tout a commencé, comme le rappellent avec un soupçon de nostalgie les quelques vers couchés sur le papier musique. Le temps de l’adolescence, sans doute encore celui d’une certaine insouciance. C’est peut-être pourquoi Yelas termine son premier album avec deux chansons moins chargées de sens, plus propices à danser et faire la fête. Avec La fille au violon, « une chanson d’amour tout simplement », et Huzz-Imanim, « une invitation se bouger, à faire la fête ». Deux thèmes qui montre que Yelas est bien plus qu’un simple chanteur à textes, bien mieux qu’un chantre d’un raï qui déraille trop souvent.


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