Sidi MOHAMMED, plus connu sous le nom d'EL-QALA'Y (de la Qalâa de Tlemcen) (1).
Ce savant jurisconsulte, cet homme vertueux et ami de Dieu, a été l'un des disciples les plus remarquables du cheikh, l'imam, le contemplatif sidi Mohammed ben Youçof Es-Senoùsi. Que Dieu nous fasse profiter de ses bénédictions et nous inonde de ses lumières !
On peut dire de lui qu'il fut un habile jurisconsulte, un fidèle observateur de la Sonna ou loi traditionnelle, un théologien versé dans la science de l'unitarisme et un soufi. Du reste, il suivait exactement la pratique des hommes vertueux des temps passés quand il s'agissait de cacher certains cas qui réclamaient le secret, de garder ceux qui étaient trop intimes. Auteur de prodiges et d'actes de droiture, il se faisait encore remarquer par le zèle qu'il déployait contre l'hérésie et par les efforts qu'il faisait pour maintenir l'orthodoxie. Glaive toujours dégainé sur la tète des novateurs et des gens qui suivent leurs mauvaises passions, c'est à cause de lui et par lui que Dieu répandit ses bénédictions sur l'humanité ; c'est lui qu'il éleva au-dessus de tous les mortels ; c'est de lui qu'il daigna se servir pour ouvrir à ses créatures la mine de la science, pour leur allumer le flambeau de l'intelligence, leur faire connaître l'alchimie du bonheur et les faire jouir du trésor de l'instruction.
Le cheikh Mohammed El-Qala'y a apparu à son siècle comme
le prince des savants les plus illustres ; comme le pontife des, pontifes de la religion comme le dernier des hommes de génie et de grand talent ; comme un homme aussi brillant, par son savoir, qu'une pleine lune, possédant au suprême degré les sciences rationnelles et les sciences traditionnelles, et joignant dans son esprit à la connaissance de la vérité absolue celle de la loi positive ; comme le plus accompli des connaisseurs ; comme l'auteur de raisonnements nouveaux et admirables, de merveilleuses découvertes, de recherches curieuses et de nombreux et précieux renseignements.
C'était un homme chez qui chacun se plaisait à reconnaître le
savoir uni à la piété et à la bonne conduite ; un professeur illustre et intelligent ; un modèle à suivre ; enfin, un savant dont les siècles ne produiront jamais le pareil.
Il fut, en effet, l'un des hommes les plus éminents et d'une
valeur scientifique incomparable, si l'on considère la connaissance qu'il avait de toutes les branches de la loi positive. Nombreuses furent ses vertus et ses belles qualités, innombrables
furent ses miracles.
On lui doit plus de cinquante questions qu'on appelle les Qala'yennes et dont tout le monde retira le plus grand profit; elles avaient été adressées par lui aux savants de la ville de Fez, et furent toutes résolues par Ahmed ben Yahia El-Ouenchericy.
Il était favorisé du don des miracles et exaucé dans ses prières.
Un homme vint le trouver et lui dit : « Voudriez-vous, sidi, m'indiquer une parcelle de terrain constituée fondation pieuse en faveur des pauvres, dans laquelle je pourrai planter des arbres pour jouir de leurs fruits ? — Va-t-en ! lui répondit le cheikh, je n'approuve pas ton projet. » L'homme s'éloigna ; mais le cheikh, s'étant ravisé, le rappela et lui dit : « Achète donc un terrain et plantes-y des arbres. — Je n'ai pas d'argent, lui répondit le malheureux. — Tends.les mains vers le ciel, répliqua le cheikh ; je vais prier le Très-Ilaut pour qu'il te donne de quoi acheter ce terrain. » L'homme obéit, et après que le cheikh eut imploré Dieu en sa faveur, il s'en retourna chez lui. Cet homme était meunier à El-Qala'a; il possédait des boeufs, et vis-à-vis de sa demeure se trouvait un verger qui ne lui appartenait pas et dans lequel les boeufs pénétraient. Au propriétaire qui se plaignait journellement des dégâts commis par ces animaux, il répondait invariablement : « Que voulez-vous que j'y fasse ? Je n'y peux rien. » Or, en revenant de chez le cheikh, il rencontra le maître du verger, qui, comme d'habitude, se plaignit des boeufs : « Tu sais, lui dit celui-ci, que tes bêtes me causent préjudice ; tu devrais bien m'acheter ce jardin. — Je n'ai pas d'argent à te donner, dit le meunier. — Je l'accorde terme et délai, répliqua l'autre. » Il accepta cette offre et acheta le jardin pour la somme de soixante dinars. Notre meunier avait trois boeufs qu'il engraissait. Peu de jours après, on entra dans le mois de janvier. Or, c'était la coutume des gens du pays d'acheter un boeuf gras dans ce mois. Les habitants de Safsif ayant cherché à se procurer un boeuf gras, on leur fit savoir que le meunier d'El-Qala'a en possédait trois. Ils vinrent donc trouver celui-ci et lui achetèrent un de ses animaux pour la somme de vingt dinars. Puis ils emmenèrent la bête, la recouvrirent d'une housse et la promenèrent au son des instruments de musique. Ayant entendu parler de cela, les gens d'Ouzidan (2) et ceux d'Hennaya se rendirent à El.Qala'a, achetèrent le second et le troisième boeuf au prix de vingt dinars chacun, et, comme les habitants de Safsif, les recouvrirent d'une housse et les promenèrent au son des fifres et des tambourins. Quant au meunier, dès qu'il eut réuni les soixante dinars, il s'empressa d'aller les porter au maître du verger. C'est à la bénédiction et aux prières de sidi Mohammed E1-Qala'y que cet homme dut tout cela.
La date de la mort de sidi Mohammed El Qala'y est inscrite sur son tombeau, lequel se trouve dans la chapelle où repose Es-Senousi.
Notes1El-Qala'a est au sud de Tlemcen. C'est là que se trouve la majeure partie des moulins de la localité. La force motrice est fournie par l'eau de la source dite : Ain-Fouwara (source jaillissante), qui est située à l'extrémité Est du plateau de Lalla-Setti.
2Ouzidan se trouve à 8 kilomètre nord-est de Tlemcen. C'est uu hameau indigène remarquable par ses jardins, ses eaux vives et surtout par ses cavernes.
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Posté Le : 10/09/2008
Posté par : nassima-v
Source : Ouvrage "El Bostan" d'Ibn Maryam, trad par F. Provenzali