MOHAMMED BEN ABOU ABDALLAH BEN AMR ET-TEMIMY (1)
Cet homme magnanime et instruit jouissait d'une grande considération. Il fut chambellan du sultan Abou Inan et mourut en l'année 756(1355), à Bougie, dont il était le gouverneur. Ses restes mortels furent transportés à Tlemcen et déposés dans la chapelle qui se trouve sur le chemin d'El-Eubbed.
Note
1 C'est le fils de Mohammed ben `Amr Et-Temimy dont la biographie se trouve plus loin, page 326.
TOMBEAU DU CID MOHAMMED IBN ABI AMER
Aux portes de Tlemcen, du côté du Midi, s'étend un vaste champ couvert de tombeaux. C'est là Mok'bara ou nécropole consacrée, depuis plusieurs siècles, à la sépulture des musulmans. En suivant le chemin qui traverse cette vallée des morts et qui monte, par une pente rapide, au village si pittoresque d'El-Eubbed, on peut apercevoir, en la cherchant bien, une petite kobba qui se cache modestement à l'ombre d'un vieux minaret, seul reste encore debout d'une mosquée en ruines. L'intérieur de cette kobba est fort délabré ; aucun vestige d'ornement ; pas d'ex-voto ni d'offrandes suspendus à la muraille ; les parois sont nues. Il semble que l'oubli pèse de tout son poids sur ce' monument.
« Et cependant, là reposent les restes de deux personnages célèbres, qui jouèrent un rôle considérable dans les affaires de leur temps, et qui ont laissé une page dans l'histoire. Une pierre tumulaire en marbre onyx git sur le sol ; on y lit l'épitaphe suivante :
« C'est ici la sépulture du cheikh Al-fakih, l'Imam, le savant, le très savant, élite des docteurs, colonne des jurisconsultes, mufti des musulmans, le pivot des connaissances, l'esprit sagace qui les avait approfondies, le cadi, chef de la justice, Abou Abdallah Mohammed, fils du cheikh Al-fakih, l'iman, l'unique, l'incomparable, l'exemple et le modèle à suivre dans les voies de la science, le très docte Ahmed, fils du cheikh Al-fakih, l'imam, le savant,
« Honneur et diadème de la science, le cadi Abou'l- Hacen Ali ben Abi Amer Et-Temimi. Que Dieu le revête du vêtement de sa protection ; qu'il fasse descendre sur lui les gràces de son pardon, et qu'il le gratifie de ses bienfaits ! Glorifié soit son nom, car il n'y a de Dieu que lui ! — Il est décédé dans la matinée du jeudi dix-sept de Dhou'l-hidja de l'année sept cent quarante-cinq (745.) »
« Cette date correspond au 20 avril do l'année 1316 de notre ère. Depuis huit ans, Tlemcen était au pouvoir des Emirs Mérinides; Abou'l-Hacen Ali était le sultan régnant.
Mohammed Ibn Abi Amer appartenait à une famille originaire d'El-Mehdia, et ses ancêtres faisaient partie de la milice fournie au gouvernement de l'Ifrikia par les Arabes Témirnides de ce pays. Son père et son grand-père avaient exercé à Tunis, sous le gouvernement Hafside, la charge de cadi, et ils s'étaient acquis la réputation de légistes d'un grand savoir. C'est dans cette ville que Mohammed Ibn Abi Amer fit son éducation et qu'il s'instruisit, à l'école des maîtres les plus renommés, des sciences koraniques et de la jurisprudence. Lors du bouleversement de l'empire Hafside, il quitta la capitale pour chercher ailleurs les moyens de vivre. Jeté par les vicissitudes de la fortune dans la ville deCollo, il s'y fit tellement remarquer par sa capacité, qu'il fut nommé régisseur du port, à l'époque où Ibn Ghamr dirigeait l'administration de Bougie. De Collo, il passa à Teddelès (Dellis) avec les mêmes fonctions. Il était dans cette ville lorsqu'elle retomba au pouvoir du sultan abdelouadite Abou Hammou Ier (711 . 1311-12). Ce prince ordonna à son premier mufti, Abou Zeïd Ibn El-Imam, d'aller recevoir la soumission des habitants et d'exiger l'envoi de leurs notables à la cour. Mohammed Ibn Ali Amer fut au nombre des otages ; et, une fois à Tlemcen, il résolut d'y fixer définitivement son séjour. Ses connaissances étendues en jurisprudence lui valurent d'être appelé aux fonctions de premier cadi, qu'il eut l'habileté de conserver longtemps, aussi bien sous le gouvernement abdelouadite que sous la domination mérinide. Mais à la fin, les cheikhs de la ville le dénoncèrent comme un magistrat prévaricateur. Aboul' Hacen Ali, pour leur donner satisfaction, le destitua ; mais, comme au fond il était convaincu de sa probité, et que son immense savoir n'était pas contestable, il le dédommagea de la perte de ses fonctions, en lui confiant l'éducation de sort fils Abou-Einan Fares. Mohammed Ibn Abi Amer se distingua encore dans cette position élevée; mais la mort qui vint le surprendre, au mois de Dou'l-hidja (745), ne lui permit pas de jouir longtemps de ses nouveaux honneurs.
« Il laissait après lui un fils également appelé Mohammed, qui, ayant été élevé avec le fils du sultan, devint l'ami et le confident de ce prince. Abou Einan Fares étant monté sur le trône en 752 (1351) fit avancer rapidement de grade en grade le compagnon de son enfance, et le porta aux plus hauts emplois.
« L'historien Ibn Khaldoun, à qui nous empruntons ces détails, énumère complaisamment les titres d'honneur dont était revêtu ce favori de la fortune. « Le paraphe impérial, le commandement de l'armée, les fonctions de chambellan, l'office d'ambassadeur, la direction des bureaux de la guerre, les finances, l'intendance du palais, le gouvernement de la maison royale, rien ne manque à l'ambition de l'ami du sultan. Tous les regards se portèrent vers lui ; les hommes les plus éminents, les princes du sang, les chefs de tribus, les chérifs, les docteurs de la loi s'empressèrent de briguer sa protection, et les administrateurs des provinces lui envoyèrent l'argent des contribuables afin de gagner sa faveur (1). »
« Cette haute fortune avait excité la jalousie des vizirs et des grands de l'empire qui n'attendaient que le moment favorable pour le renverser. Cette occasion se présenta à l'époque où Ibn Abi Amer fut envoyé, à la tète d'une armée considérable, pour combattre les Bougiotes révoltés (Hg. Cha'ban 754 = J.-C. septembre 1353). Ses ennemis profitèrent de son éloignement pour le perdre dans l'esprit du sultan ; et quand il fut de retour, victorieux de cette expédition, il trouva le prince, son ancien ami, fort refroidi à son égard. Bientôt une disgrâce s'ensuivit, et Ibn Abi Amer fut exilé dans le gouvernement de Bougie. C'est là qu'il mourut vers le commencement de 756 (janvier 1355), « emportant, dit l'historien, les regrets des habitants, dont il avait gagné l'amour par une administration juste et paternelle. »
« Le sultan envoya ses propres chevaux et mulets pour ramener en Maghreb la famille et les enfants de son ancien ami. Le corps du défunt fut apporté à Tlemcen et déposé dans le cimetière où l'on avait enterré son père. Abou Zeïyan, fils du sultan Abou Einan, à la tète d'un détachement de troupes mérinides, rendit au chambellan les derniers devoirs.
« Ainsi vécurent ces deux personnages, l'un magistrat savant, l'autre brillant homme de cour, dont la sépulture, aujourd'hui délaissée, se confondrait avec les tombes les plus vulgaires, si une épitaphe, gravée sur le marbre, n'indiquait, d'une manière précise, la place où leur dépouille mortelle repose depuis cinq cents ans. La pierre tumulaire du chambellan (el-hadjib), s'est perdue; on doit le regretter. Les descendants d'Ibn Abi Amer, du favori d'Abou-Einan, du vainqueur de Bougie, du vizir qui avait amassé de si grandes richesses, vivent aujourd'hui à Tlemcen, dans une position précaire, voisine de la misère. Si Mohammed ben Abi Amer, dernier rejeton de cette famille illustre, s'est constitué le gardien du tombeau de ses ancêtres ; c'est à lui que nous devons d'avoir pu le visiter et recueillir l'intéressante inscription qu'on a lue plus haut. » (Revue africaine, 3e année, n' 14, décembre 1858 : Les Inscriptions arabes de Tlemcen, par C. Brosselard).
Posté Le : 07/09/2008
Posté par : nassima-v
Source : Ouvrage "El Bostan" d'Ibn Maryam, trad par F. Provenzali