Haddouch Ben Tiret El-ABD-EL-OUADY
Il dut sa vocation religieuse au cheikh sidi El-Hadj ben Amir El-Abd-el-Ouady quil servit jusquà ce quil finit par devenir lui-même lun des amis de Dieu. Il avait le pouvoir de se rendre en un clin dil, et sans nêtre vu de personne, dans les régions les plus lointaines. Voici, à ce propos, ce que ma raconté une personne digne de foi, qui nest autre que sidi Mohammed El-Maqqary (1), frère consanguin de sidi Saïd El-Maqqary : « Je me rencontrai, dit-il, avec sidi Haddouch ben Tiret, dans la rue dEs-Semat (2). Après lui avoir baisé la main, je marrêtai avec lui pendant quil appelait sur moi les bénédictions célestes. Il tenait à la main un panier et deux plateaux en feuilles de palmier nain quil cherchait à vendre. Sur ces entrefaites survinrent deux ou trois pèlerins de retour de La Mecque. « Cest lui, disait lun de ses compagnons, en parlant du cheikh. Non, répondait lautre, ce nest pas lui » Ils finirent cependant par être unanimes à le reconnaître. Lorsque le cheikh les eut entendus, il se mit à fuir en disant : « Ce nest pas moi ! » et, gravissant lescalier de la porte dEl Kessaria, il laissa le panier et les deux plateaux dans la main dun homme qui les lui marchandait. « Où donc lavez-vous connu ? Dis-je alors aux pèlerins. A la Mecque, où il faisait tous les jours ses prières avec nous, me répondirent-ils »
Voici ce qui mest arrivé à lépoque où nous rentrâmes à Tlemcen après que les chrétiens eurent abandonné cette ville : nous ne possédions alors aucune maison, et, pendant quelque temps, nous logeâmes tantôt dans une maison que nous avions prise à loyer, tantôt dans les demeures constituées fondations pieuses. « Si nous achetions une maison ? Dis-je un jour à mon père et à mes frères. Tlemcen sera certainement reprise par les chrétiens, me répondirent-ils. Va chez sidi Haddouch ben Tiret, me dit ensuite mon père, et consulte-le là-dessus ; sil tordonne dacheter, nous le ferons (car sidi Haddouch était notre ami et notre seigneur), sinon nous nous en abstiendrons. » je me rendis donc chez le cheikh et le trouvai qui nettoyait de lorge dans une masure située en face de sa maison, sur lemplacement des silos, à côté de la mosquée dEr-Rouïa (3). Je le saluai et lui baisai la main ; après quoi il appela les bénédictions célestes sur moi, sur mon père et sur mes frères, car nous étions ses serviteurs religieux. Ensuite, madressant le premier la parole, il me dit : « Je vous dirai quétant, en ce même endroit, occupé un certain jour à nettoyer de lorge, je reçus la visite dAbderrahman ben Roqia et de son fils aîné, le jurisconsulte sidi Mohammed. « Sidi Haddouch, me dit ce dernier, nous voudrions acheter une maison, car sachez que nous logeons dans une habitation pour laquelle nous avons payé des loyers qui, si nous les avions mis de côté, nous permettraient dacheter deux ou trois maisons. Or, craignant que les chrétiens ne reviennent une seconde fois à Tlemcen, nous venons vous consulter à ce sujet. achetez une maison, leur répondis-je, les chrétiens nentreront dans Tlemcen quune seule fois. » Mais, sidi, mécriai-je, après avoir écouté son récit, cest précisément pour cela que je suis venu vous voir : Que nous ordonnez-vous de faire à ce sujet ? A ces mots, le cheikh se mit à rire et me dit : « Achetez une maison, ce sera tout profit pour vous ; vous navez rien à craindre »
Sidi Haddouch fit dinnombrables miracles, mais il était peu connu.
Notes1 Cest le père de lauteur de Nefh et-Tib, Ahmed El-Maqqary
2 Cette rue se trouvait à gauche dEl-Kessaria ; elle traversait lemplacement du marché couvert actuel.
3 Mosquée dEr-Rouya : « la petite mosquée dEr-Rouya, située dans cette partie de la ville de Tlemcen qui sappelait autrefois le quartier des archers (ÍÇÑÉ ÇáÑãÇÉ) est de date fort ancienne ; mais elle a subi une restauration, ou plutôt une reconstitution presque totale, vers la fin de ce dernier siècle, époque où lancien édifice menaçait ruine. Cest ce monument restauré que nous connaissons. Son vaisseau est petit, il consiste simplement en une coupole flanquée de deux travées : les murs sont nus et sans ornement. Le minaret trapu et fort délabré, est sans doute un reste de construction primitive. Dans son ensemble, et par son caractère architectural, cet édifice ressemble plus à un mausolée quà une mosquée proprement dite ; et dans le fait, il était destiné à abriter le tombeau vénéré dune sainte.
« Cette sainte est Lalla Er-Rouya. Elle vivait il y a trois ou quatre siècles, et si lon en croit la tradition, elle était douée dune grande puissance surnaturelle ; car elle expliquait les dangers, prédisait lavenir, et guérissait toutes sortes de maux. Un reste de cette vertu miraculeuse est resté attaché à son tombeau, sur lequel, les pauvres infirmes ne sagenouillaient pas en vain : qui a perdu la santé et veut la recouvrer, va là. On assure même que le miracle, gagnant de proche en proche, un puits creusé dans la cour de la mosquée se ressent du voisinage de sacré tombeau, et quil procure aux malades atteints de secrètes langueurs, un breuvage fortifiant qui redonne la vie. Cette eau sanctifiée a le privilège de guérir les convulsions, cette terrible maladie de lenfance que les arabes dans leur langage imagé, appellent El-Djenoun, ou encore par antiphrase respectueuse, El-Moumenin. Bien des mères désolées sont venues demander à ce bienfaisant breuvage la vie de leurs petits enfants. On dit que Dieu, satisfait de leur foi, les a exaucées souvent ! »
(Revue Africaine, n°de mai 1862, article de M.Brosselard)
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Posté Le : 20/02/2008
Posté par : nassima-v
Source : Ouvrage "El Bostan", Ibn Maryem, trad par F. Provenzali