Algérie - Ahlam Mosteghanemi


Biographie de Ahlem Mosteghanemi
Naissance en exil et retour en Algérie
Ahlem est née à Tunis pendant la guerre de libération algérienne ; son père, un militant de l’indépendance algérienne, ayant été contraint à l’exil. En 1962, au lendemain de l’indépendance, elle retournera avec sa famille en Algérie, où son père, intellectuel et humaniste, occupera des hautes fonctions dans le premier gouvernement Algérien, et se chargera de lancer des campagnes d’alphabétisation sur l’ensemble du territoire et de mettre en œuvre l’autogestion agricole (la redistribution des terrains agricoles aux plus démunis).

Début de polémique
Dans les années 70, Ahlem, lycéenne, devient déjà célèbre à 17 ans en Algérie en présentant l’émission quotidienne poétique Hammassat (Chuchotements) à la radio nationale. C’est la dépression puis l’hospitalisation de son père, dues à une tentative d’assassinat contre sa personne pendant les premiers temps du coup d’Etat de Boumediene en 1965 et au règlement de comptes des anciens compagnons d’armes, qui la poussent surtout à prendre cet emploi pour subvenir au besoin d’une famille de six personnes ; Ahlem étant l’aînée de deux frères et d’une sœur.
En publiant son premier recueil en 1973, Ala marfa al ayam (Au havre des jours), elle se retrouve la première femme à publier un recueil en langue arabe, ce qui la place sur un chemin encore non taillé et épineux. Il sera suivi en 1976 par : Al kitaba fi lahdat ouray (L’écriture dans un moment de nudité). Elle fait alors partie de la première génération qui a enfin le droit d’étudier en langue arabe, après plus d’un siècle d’interdiction par la colonisation.

Le terrain miné de la langue arabe
La langue arabe, vers laquelle l’avait poussé son père francophone comme pour prendre une revanche, lui procurait un sentiment de liberté à l’égard de sa famille qui ne maîtrisait pas cette langue fraichement reconquise. Mais la société, venant de sortir d’un passé colonial qui a fait un million et demi de morts, n’était pas préparée à voir une jeune fille s’exprimer librement sur l’amour et les problèmes des femmes, encore moins dans la langue du sacré, l’arabe. C’est là que commença sa bataille contre une société redevenue sexiste, qui refusait désormais aux femmes, autrefois combattantes aux côtés des hommes, le droit à l’expression et à la réussite. Ce sera d’ailleurs le comité de l’université d’Alger qui, après qu’elle a obtenu sa licence de littérature, lui refusera de présenter un doctorat ou d’être assistante, au prétexte que son anticonformisme avait une mauvaise influence sur les étudiants. Ce comité étant lui-même membre de l’Union des écrivains, Ahlem sera également renvoyée de cette union pour ne pas aborder de sujets assez conformes à la ligne politique de l’époque.

Mariage et vie à Paris
Elle rencontre à Alger un journaliste libanais ami de l’Algérie, qui préparait à l’époque une thèse sur "l’arabisation et les conflits culturels dans l'Algérie indépendante". Elle l’épouse en 1976 à Paris, où ils s’installent. Elle poursuivra alors ses études universitaires à la Sorbonne, d’où elle obtient en 1982 son doctorat en sociologie sur le thème de l’image de la femme dans la littérature algérienne, dans une tentative de comprendre, à partir de la littérature, le malaise de la société algérienne dans le rapport d’homme à femme. Ce doctorat se fera sous la direction du fameux orientaliste Jacques Berque, qui le préface.

Pendant les quinze années qu’elle passera à Paris, Ahlem contribuera à divers magazines, et, du temps qu’elle volera de sa vie de mère élevant trois garçons en bas âge, se mettra durant quatre années à écrire des fragments d’un texte qui s’avérera un roman. Ahlem dira au sujet du passage de la poésie au roman : « Quand on perd un amour on écrit un poème, quand on perd une patrie on écrit un roman ». L’Algérie, en effet, n’a jamais quitté Ahlem, qui dira aussi : « Il y a des pays qu’on habite et d’autres qui nous habitent ».

Etablissement au Liban et révélation
Ce sera en 1993, quand elle ira s’établir au Liban, qu’elle présentera son roman, Zakirat el jassad (Mémoires de la chair), à l’éditeur de la fameuse maison Dar al adab, qui, enthousiasmé, en dira : « c’est une bombe ». Ce sera alors la révélation. Ce roman, écrit dans un style hautement poétique et courageux sur le plan politique, connaîtra un succès phénoménal dans tout le monde arabe. A travers une histoire d’amour entre un peintre devenu manchot pendant la guerre et la fille de son ancien commandant rencontrée 25 ans après à Paris, il évoque la déception de la génération après la guerre, et qui s’avère la déception de toute la génération arabe de l’époque. Le grand poète arabe contemporain, Nizar Kabbani, dans une célèbre lettre adressée à l’auteur, ira jusqu’à dire : «ce livre m’a donné le vertige ; je l’aurais signé si on me l’avait demandé ». Le réalisateur Youssef Chahine, lauréat de la Palme d’or, achètera les droits du film avant son décès. Le fameux réalisateur Hollywoodien Mustafa Akkad déclarera quant à lui qu’un de ses rêves est d’adapter ce film au cinéma ; et le président Ben Bella, ému par la lecture de ce roman, dira de son exil: « Ahlem est un soleil algérien qui illumine le monde arabe ». On en compte, à ce jour, plus d’un million d’exemplaires vendus (hors éditions pirates, plus répandues que les éditions officielles dans le marcher arabe). Ce roman a en outre le mérite d’avoir réconcilié le lecteur arabe avec la langue arabe et avec la lecture.

Poursuite du succès
Ahlem enchaînera alors les succès littéraires, en commençant par donner deux suites à son roman : Faouda el hawas (Le chaos des sens) en 1997 et Aber sarir (Passant d’un lit) en 2003, qui deviendront eux aussi des classiques et des Best-sellers dans tout le monde arabe.

En 1998, Ahlem reçoit pour Mémoires de la chair le prix Naguib Mahfouz, fondé par l’Université américain du Caire et dont le jury dira : «Ahlem est une lumière qui brille fort dans d’épais ténèbres. Elle a été capable de sortir de l’exil linguistique dans lequel le colonialisme français avait relégué les intellectuels algériens ».

En 2010 est publié Nessyan.com (L’art d’oublier), qui est un guide à l’usage des femmes ayant à surmonter une rupture, et qui rapprochera Ahlem d’un public féminin (le livre porte d’ailleurs avec humour la mention : interdit de vente aux hommes).

Puis en 2012 est publié un nouveau roman : El aswad yalikou biki (Le noir te va si bien), qui confirme de nouveau Ahlem comme romancière arabe majeur de son époque. L’histoire évoque la lutte d’une jeune enseignante algérienne dont le père, un chanteur, est tué par les terroristes qui, dans les années 90, s’opposent à l’art et à la joie. En chantant aux funérailles de son père, cette fille, à laquelle il était auparavant interdit de parler, transportera la foule par sa voix. Elle commencera alors une carrière de chanteuse en défit au terrorisme, et sera forcée à un exil pendant lequel un mystérieux homme riche tentera de la séduire. Elle fera alors également face au terrorisme de l’argent, de l’amour et des médias. Le lancement de ce roman fut un grand évènement littéraire et médiatique (l’écrivain rejoindra à cette occasion le groupe Hachette, qui acquit le droit de publier l’ensemble de ses œuvres).

Combats et influence
Durant plus de 35 ans, et tout en enrichissant la littérature arabe d’œuvres sentimentales et poétiques hautement saluées, Ahlem aura mené à travers son écriture le même combat contre la corruption, les injustices, les régimes totalitaires, l’intégrisme, les nouvelles formes de colonisation et le dénigrement du droit des femmes. Ses citations, aussi bien sur l’amour que sur la politique, sont largement reprises et diffusées par le public arabe.

Ses œuvres, enseignées dans de nombreuses universités à travers le monde, ayant fait l’objet de nombreuses études et doctorats, et ayant servi de sujet au baccalauréat français en 2003, ont une influence certaine sur les nouvelles générations ; et le magazine Forbes, en 2006, commencera à désigner Ahlem Mosteghanemi comme étant : « La romancière arabe ayant le plus de succès, et une des dix femmes les plus influentes dans le monde arabe ». En 2015, sous l'égide du maire de Londres et de la Regent's University, elle reçoit le prix de la Femme arabe la plus distinguée. Ahlem est l'écrivain arabe le plus suivi sur les réseaux sociaux avec plus de 10 millions de fans sur Facebook et 800 000 followers sur Twitter.



Prix et Distinctions

Reçu au Caire le prix de la fondation Nour pour la créativité féminine en 1996.

Reçu le prix Naguib Mahfouz pour "Zakirat El Jassad" (Mémoires de la chair) en 1998.

Reçu la médaille de créativité d’Aman en 1999.

Désignée par Forbes Magazines en 2006 comme étant : la femme écrivain arabe ayant le plus de succès avec plus de 2 300 000 exemplaires de ses œuvres vendues, et une des dix femmes ayant le plus d’influence dans le monde arabe.

Reçu à Constantine la Médaille de l’appréciation et de la gratitude de la fondation Sheikh Abdelhamid Ben Badis en 2006.

Reçu la médaille d’honneur des mains du président Bouteflika en 2006.

Nommée personnalité culturelle de l’année en 2007 par la presse algérienne.

Reçu à Tripoli le Bouclier de la fondation Al Jimar pour la créativité arabe en 2007.

Reçu le Bouclier de Beyrouth du maire de la ville à l’occasion du lancement de "Nessyane.com" (l’Art d’oublier), au palais de l’Unesco en 2009.

• Reçu en 2015, sous l'égide du maire de Londres et de la Regent's University, le
prix de la femme arabe la plus distinguée.

À l’occasion de la publication du dernier volume de sa trilogie en anglais par Bloomsbury Publishing, le président Bouteflika adresse à Ahlem Mosteghanemi le 27 avril 2016 une lettre de félicitations publique, lue à l’ouverture du journal de 20 heure en Algérie.


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