Abdel-Hafed Benotman est né en France en 1960 de parents algériens qui ont quitté leur terre natale dans les années 50, mais n'ont jamais demandé la nationalité française, et comme eux, ce dernier fils, Abdel-Hafed a choisi de garder la nationalité algérienne alors que son frère et ses deux soeurs ont fait le choix d'être Français.
Dès 1975, l'adolescent arrête sa scolarité pour travailler, comme livreur chez un fleuriste d'abord, puis dans le prêt-à-porter, des petits boulots assortis de menus larcins, mais bientôt un vol avec violence finit par le conduire en prison, c'est en 1976 pour un mois... pour la première fois. Commence alors pour le jeune homme et l'adulte qu'il devient, une longue série de braquages suivis de séjours en prison, qu'il met à profit pour... écrire ! De 1978 à 1984, il est incarcéré, et refusant le travail obligatoire, il choisit de participer aux ateliers d'écriture. C'est ainsi que libéré, il s'installe à Troyes et collabore avec le Théâtre de La Pierre Noire en animant des ateliers théâtre avec des jeunes handicapés, des personnes âgées dans un centre spécialisé, des jeunes lycéens, des étudiants et des habitants des quartiers de Troyes. Abdel-Hafed commence alors une carrière de comédien, jouant des classiques comme Ghelderode, Tchekhov, Hugo... etc. Se passent ainsi trois années tranquilles, puis il rentre sur Paris avec le statut d'intermittent du spectacle et il écrit deux pièces: "Mr Toz" et "La pension" qui sont jouées à Aix-en-Provence et Paris, il s'essaie à la nouvelle, de quoi remplir deux recueils qui ne seront pas édités, mais aussi à l'écriture... de chansons.
Difficile, cependant, d'échapper à son destin: en 1990, il retombe pour vol à main armée, condamné à trois ans de prison, il se marie pendant son incarcération et poursuit son oeuvre d'écrivain. Un premier recueil de nouvelles trouve enfin un éditeur, Les forcenés est publié en 1993 chez Clô, et au cours de cette même année, alors qu'il est question d'une expulsion vers son pays, l'Algérie, il décide de s'évader, mais repris, sa peine est alors prolongée jusqu'en 1999. Pendant toutes ces années, il écrit de plus en plus, entretient une correspondance intra et extra-muros et commence à s'impliquer politiquement contre le système carcéral puis plus tard, le système judiciaire en général. En 1996, il est victime d'un double infarctus, subit un double pontage coronarien dont il garde des séquelles, devant suivre un traitement à vie, mais pas toujours facile dans certaines situations. En 1999, il est libéré de la Centrale de Melun, libéré aussi de son épouse, le divorce est prononcé en 1998.
Une nouvelle vie s'offre à Abdel-Hafed Benotman, bien décidé à ne pas replonger. Il occupe un poste d'animateur à l'émission "Ras les Murs" sur "Radio Libertaire" et est convié pour tenir des conférences sur l'univers carcéral, dont une en 2000 à l'Ecole Nationale de la Magistrature. Il exerce ses talents de comédien au cinéma, en cette année 2000, dans un film de Jacques Doillon, et les Éditions Rivages qui s'intéressent fortement à ses écrits, rééditent Les forcenés dans la collection Rivages/Noir, ce qui lui vaut quelques passages à le télévision dans des émissions littéraires où il s'exprime librement et gagne en notoriété...
Dès lors Abdel-Hafed Benotman n'est plus seul, il peut compter parmi ses amis bon nombre d'intellectuels, des journalistes, des gens du spectacle, mais il lui faut travailler: il occupe le poste d'ouvreur au cinéma Le Méliès à Montreuil, joue un second rôle dans un épisode le la série "Central Nuit" tout en s'investissant de plus en plus dans le militantisme. Il crée avec des amis l'émission de radio "L'Envolée" sur FPP ainsi que le journal du même titre, participe à de nombreux débats contre les prisons, et au sein de l'association "Dire, Faire contre le Racisme", il anime de nombreux ateliers d'écriture, de théâtre dans les écoles de province et pour une autre association "Ban Public" il ne cesse d'écrire des articles sur le monde carcéral. Pour la Cie Arcadin, il écrit une pièce "La politesse des foules" qui est jouée par les habitants des quartiers de Dreux en 2002, et une autre "Le numéro sortant" est jouée au Théâtre du Nord Ouest à Paris pour "Ban Public".
Tout pourrait aller pour le mieux pour Abdel-Hafed Benotman si certain rouage de l'administration ne s'était mis en route, inéluctablement... Depuis 1996, en effet, il se trouve dans une situation ambiguë que certains qualifie de "Kafkaïenne" (voir l'article www.rue89.com, Hubert Artus), on pourrait dire ubuesque si seulement on pouvait en rire, car l'intéressé lui-même semble avoir suffisamment le sens de l'humour pour tourner sa situation en dérision... Donc, pour les autorités policières, un arrêté ministériel d'expulsion datant de 1996 fait de Abdel-Hafed Benotman, un sans papiers, or: pour rembourser ses dettes envers les parties civiles de ses divers procès, il lui faut travailler... mais la police le lui interdit sous le prétexte qu'il peut-être expulsé du jour au lendemain !
Heureusement, l'auteur compte parmi ses amis un éditeur (François Guérif) qui lui a déjà reconnu "un sacré talent" d'écrivain et en 2003, les Éditions Rivages publient Eboueur sur échafaud, dans la collection Ecrits Noirs: un récit autobiographique, suivi en 2006 d'un nouveau recueil de nouvelles, Les Poteaux de la torture, écrit pendant un dernier séjour en prison. En 2003, il est de nouveau incarcéré pour braquages: quatre années de détention qu'il met au service de l'écriture, se remarie en 2005 avec Francine qui purge également une peine et qu'il retrouve à sa sortie en 2007. Depuis, Abdel-Hafed Benotman essaie de vivre normalement, toujours fidèle à ses idéaux qu'il transmet dans ses livres, et en 2008, il publie Marche de nuit sans lune, chez Rivages ; on peut le rencontrer sur certains salons du livre, et très largement sur le Web, si vous voulez connaître mieux ce personnage, « éternel rebelle devant l'injustice du système judiciaire et carcéral » (www.bibliobs.com), qui fait montre d'un don incroyable pour la satire grinçante, sans jamais se départir de son humour: « sous cet humour décapant, l'émotion et la révolte affleurent en permanence et l'auteur pose des questions qui touchent de près à l'avenir de notre société » (www.prison.eu.org/article.php3'id_article=2173, article se rapportant au roman Eboueur sur échafaud.
Un humour noir qu'on retrouve dans un petit recueil publié aux Éditions l'Insomniaque en 2006, Le philotoon's, des correspondances entre l'auteur et des amis du dehors et du dedans, dans lesquelles il a glissé quelques "aphorismes", un livre à lire pour découvrir non seulement un auteur mais avant tout: un homme nommé Abdel-Hafed Benotman.
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موسى عثمان - adrar, Algérie
03/08/2010 - 5867
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Posté Le : 12/07/2009
Posté par : nassima-v
Source : fichesauteurs.canalblog.com