Algérie - Ibrahim Ben Mohammed El-Masmoudy

Biographie d'Ibrahim Ben Mohammed El-Masmoudy



Ibrahim Ben Mohammed El-Masmoudy (1)

C’est le docte et pieux cheikh, le saint, l’ascète Abou Ishaq, l’un des maîtres de l’imam Ibn Merzouq qui a consacré à sa biographie un ouvrage spécial.
Voici comment s’exprime Ibn Saad, dans son livre intitulé : « l’Astre resplendissant », en parlant de ce cheikh :
« Cet ouali (ami de Dieu), dit-il, a été l’un de ces mortels qui, dés leur enfance, ont reçu la sainteté en partage et qui ont occupé un rang élevé par l’éminence de leur savoir et de leur dévotion. Il a été l’objet d’une notion biographique de la part du professeur de nos maîtres, l’imam Ibn Merzouq. Dans l’un de ses ouvrages, celui-ci dit, en effet : « Parmi les maîtres dont l’enseignement et les paroles m’ont été les plus utiles, je citerai le cheikh, le saint imam, le docteur accompli, l’érudit professeur, le coryphée des hommes pieux et dévots de son siècle, l’auteur des miracles fameux, celui dont les actes de piété sont célèbres, dont la sainteté est reconnue de tout le monde et dont les prières étaient toujours exaucées, Ibrahim El-Masmoudy.
« Il appartenait à une tribu sanhadjienne établie dans le Maghrib, prés de Méquinez : c’est là qu’il vint au monde et qu’il fut fut élevé. Devenu grand, il se montra avide de la science et alla faire ses études à Fez, sous la direction des plus illustres professeurs, tels que le cheikh et imam, le porte-enseigne de la jurisprudence dans son siècle, Mouça El-Abdoucy (2), et le cheikh, le célèbre imam Mohammed El-Aboly . Il fréquenta aussi les leçons du cheikh et imam, le chérif des savants, Abou Abdallah Ech-Cherif Et-Tlemcèny . Après la mort de ce professeur, il vint se fixer à Tlemcen et se logea dans la Medersa Et-Tachefiniya (3). C’est dans cet établissement qu’il suivit les cours du très docte cheikh, le sceau qui clôt la série des cadis équitables de Tlemcen, sidi Saïd El-Oqbany. Puis il se retira dans sa maison, qui est bien connue, et il ne cessa de s’appliquer à l’étude, à la pratique de ses devoirs religieux et à la méditation assidue de la loi divine ; c’est ainsi qu’il atteignit les dernières limites de la perfection dans les voies de la piété, de la mortification des sens, et du sacrifice.
« Adonné à la pratique du bien, il suivit en toute chose la ligne de conduite suivie par les hommes vertueux des temps passés. C’était l’homme le plus désireux de s’entretenir et de discuter avec ceux qui faisaient profession de science ; aussi n’entendait-il jamais parler de quelqu’un jouissant d’une grande autorité scientifique ou versé spécialement dans une branche quelconque de la science sans aller le trouver et s’entretenir avec lui. Nul, parmi les savants de son siècle, ne connaissait mieux que lui l’histoire des hommes pieux des temps passés, et celle des savants tant anciens que modernes. Que Dieu, selon qu’il l’a promis à ceux qui se vouent à son service, le récompense de tous les soucis qui ont accablé son esprit !
« Il fit de nombreux miracles. Voici ce que son plus grand ami, le vertueux cheikh Abou Abdallah ben Djamil, m’a raconté à ce sujet : « Il se présenta à moi, dit-il, un cas juridique où je fus empêché d’adopter la jurisprudence universellement suivie en pareille circonstance, et obligé de faire ce que cette jurisprudence condamnait. M’étant mis à faire des recherches, je finis par trouver que ce que je voulais faire m’était permis par les deux docteurs : Asbagh et Ibn-Habib (4), et je suivis leur avis. Après cela, j’allai faire une visite à ma mère, et pendant le trajet je tombai sur une pierre. Cette chute m’occasionna de vives douleurs et je crus que mes souffrances étaient une punition que le ciel m’infligeait pour avoir contrevenu à la jurisprudence habituelle. Puis n’ayant fait part à personne de ce qui m’était arrivé, j’allai, pendant que j’étais encore souffrant, faire visite au cheikh Ibrahim El-Masmoudy qui me dit :
« Que vous est-il donc arrivé, Abou Abdallah ?- Hélas ! lui répondis-je, je suis bien coupable – quiconque suit les opinions d’Asbagh et d’Ibn Habib ne saurait être coupable », me répliqua-t-il aussitôt. C’est là un des plus grands miracles que l’on puisse citer
« Voici encore ce qui m’a été raconté par un homme vertueux, l’un des amis du cheikh Ibrahim El-Masmoudy : « je me trouvai, dit-il, assis en sa compagnie et dans sa maison, et nous étions seuls. Il était occupé à lire le coran et tenait à la main une baguette avec laquelle il frappait un coup, pour indiquer où il fallait s’arrêter et faire la pause, comme font les maîtres de lecture coranique. En voyant ces gestes, je me dis en moi-même : pourquoi donc frappe-t-il ainsi ? Y aurait-il ici quelque djinn apprennent à psalmodier le Coran »
« Plusieurs personnes de celles qui venaient lui offrir des aliments, comme du lait et autre nourriture, m’ont rapporté qu’il arrivait souvent que le cheikh les leur refusait ; or, en cherchant quelle pouvait être la cause de son refus, elles finissaient toujours par découvrir un motif qui justifiait ce refus : c’était par exemple, quelque doute, la gêne dans laquelle se trouvait la famille du généreux donateur, ou toute autre raison.
« Quantité de gens m’ont également raconté avoir vu sidi Ibrahim hors de la ville, à une distance telle qu’il leur semblait tout naturel (étant donné l’heure tardive à laquelle ils l’avaient rencontré), qu’il ne pourrait se présenter devant les portes de la cité qu’après leur fermeture, et l’avoir néanmoins rencontré ensuite dans l’intérieur de la ville » Ici prend fin la citation que j’ai empruntée à Ibn Merzouq
Ibn Saâd ajoute encore ceci : « Il m’a été raconté par mon grand-père Abou’l Fadhl, à propos des qualités physiques et de l’habillement du cheikh El-Masmoudy, qu’il avait le teint blanc, la taille haute ; qu’il portait toujours des vêtements magnifiques et que la plupart du temps il avait la tête nue. Plusieurs personnes de distinction m’ont aussi raconté le trait suivant : « Pendant que le cheikh passait son temps sur la montagne, qu’il y trouvait les fleurs du printemps, qu’il jetait ses regards sur leurs variétés, leurs couleurs qu’il considérait leur parfaite structure, il était ravi, en extase et transporté hors des sens ; il marchait en se balançant dans ses vêtements et s’écriait : « C’est là la création de Dieu ; faites moi voir maintenant ce qu’ont pu créer d’autres que lui » (Coran, sour. XXXI, v.10)
« Il m’a été raconté par mon père, qui le tenait de son propre père, Abou’l Fadhl, que le cheikh Ibrahim El-Masmoudy mourut en 805 (inc. 1er août 1402), et que le sultan El-Wathiq (5) daigna assister à ses funérailles et suivit à pied son convoi ; mais, selon notre ami Mohammed ben Yaqoub, cette mort arriva en 804 (inc. 11 août 1401), et le cheikh fut enseveli dans le cimetière réservé à la famille des Beni Zian, rois de Tlemcen (6)

Notes

1 Le neil el-ibtihadj le nomme : Ibrahim ben Mouça el-Masmoudy
Voyez sa biographie dans complément de l’histoire des Béni-Zeïyan, p.259 et suivantes. Cf. Notice sur Sidi Ibrahim el-Masmoudi, d’après le Tekmilet ed-dibadj de Ahmed Baba le Tombouctien, insérée par M. Cherbonneau dans l’annuaire de la société archéologique de la province de Constantine, 1855 ; et mémoire épigraphique et historique sur les tombeaux des émirs Beni Zeïyan, par M.C. Brosselard, Paris, imprimerie nationale, 1876, pages 10 et 47.
2 Abou Amran Mouça el-Abdoucy el-facy, savant professeur et muphti de Fez, mourut dans les premiers jours de l’an 776 de l’Hégire (inc.12 juin 1374)
Voyez sa biographie dans neil el-ibtihadj, p.374, Djedhouat el-Iqtibas, p.231
3 La Medersa Tachefiniya qui se trouvait vis-à-vis de la grande mosquée a été détruite pour l’agrandissement de la place de la Mairie, mais son portail faïencé a été conservé et réédifié au musée.
Voyez Tlemcen, ancienne capitale du royaume de ce nom, par l’abbé Bargès, Paris 1859, pages 331 et suivantes.
4 Abou Merouan Abd el-Malik Ibn Habib es-Sélemy, jurisconsulte intitulé El-Ouadiha, les institudes évidentes. L’époque de sa mort est placée par El-Maqqary en 238 (inc.23 Juin 852) et en 232 (inc.28 Août 846) par Ech-Chatiby
Voyez sa biographie dans le Dibadj, p163, où Ibn Ferhoun pétend qu’il mourut en 238 ou en 239 (inc.12 Juin 853). Ibn el Khatib el Qocentiny dans ses ouafaïat (notes nécrologiques) et Hadji Khalfa le font mourir en 232.
5 Mouley Abou Abdellah Mohammed, plus généralement connu sous le nom de Mohammed Ibn-Khaula, était l’un des fils du sultan Abou Hammou II. Il portait aussi le nom d’l-Watq-bi’llah, et régna de 804 (inc.11 août 1401) à 813 (inc.6 Mai 1410).
Son épitache a été retrouvée à Tlemcen, par feu M.Brosselard. La voici :
ااحمد لله وحده هذا قبر ااسلطان مولانا محمد ااواثق بااله امير اامسلمين بن مولانا ابو حموا امير اامسلمين بن مولانا ابي يعقوب ابي زيد بن مولانا ابي زكرياء بن يغمراسن بن زيان رحمهم االه و برد ضريحهم و كان متوفاه في يوم ااثلاثة سابع يوم من ذي قعدة عام ثلاثة عشر و ثمانماية رحمهم االه و رحم اامسلمين اجمعين
Louanges à dieu seul ! Ce tombeau est celui du sultan notre maître, Mohammed, qui mettait sa confiance en dieu, émir des musulmans, fils de notre maître Abou Hammou, émir des musulmans, fils de notre maître Abou Yakoub, fils de notre maitre Abou Zeid, fils de notre maître Abou Zakaria, fils de Yar’moracen ben Zeiyan. Que dieu étende sur eux sa clémence et rafraîchisse leurs tombes ! Son décès a eu lieu le mardi septième jour de dou’l-kâda de l’année huit cent treize (813) (3 février 1411). Dieu leur fasse miséricorde, ainsi qu’à tous les musulmans !
(Mémoire épigraphique et historique sur les tombeaux des émirs Beni Zeiyan, par M.C Brosselard, Paris, 1876, p21 et 22)

6 Cette notice biographique est extraite du neil el-ibtihadj, p.20




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