Algérie - Abou'l Hadjjadj Youçof

Biographie d'Abou'l Hadjjadj Youçof



Abou'l Hadjjadj Youçof Ben Omar El-ANFACY
Voici comment s'exprime Ibn Khatib El-Qocentiny (de Constantine).en parlant de ce personnage : « Ce professeur accompli, vertueux et pieux, remplissait les fonctions d'imam à la mosquée El-Qarouiyin à Fez . Il priait assidûment dans ce temple entre la prière du coucher du soleil et celle du soir. On lui doit une quantité de ouird (Prières qu'on récite quotidiennement). Il enseignait la science et le soufisme. Il mourut en l'année 761 (inc. 23 novembre 1359), âgé de cent ans. Après qu'on eut fait sur son corps la prière solennelle du vendredi (à midi), le cortège se mit en marche et ne put arriver au cimetière que vers le coucher du soleil, tant la foule était nombreuse et compacte. .
« Son fils, le vertueux jeune homme, le savant, l'ami de Dieu, Abou'r-Rabi' Soleïman (1), qui lui succéda, avait fait ses études à l'Académie royale de Fez. Il fit plusieurs miracles. C'était un des plus grands saints et un thaumaturge. N'ayant pas voulu accepter les fonctions d'imam pour lesquelles il éprouvait une certaine aversion, il se consacra entièrement à lui même. Plusieurs de ses amis — et j'étais de ce nombre — le blâmèrent à cause de son refus; or, pendant que je causais de cela avec quelques-uns de mes amis, je vis venir un étudiant qui tenait un volume à la main. « Qu'est ceci ? lui dis-je. — C'est un livre intitulé : La bonne étoile ou Histoire du sultan Abou Said (2), me répondit-il. » Je le pris, et le premier passage qui tue tomba sous les yeux fut celui-ci : Cette année-là, un tel — on donnait son nom (3) — se démit des fonctions d'imam de la mosquée El-Qarouiyin, dans les circonstances suivantes : Un homme qui avait prié sous sa présidence, lui ayant dit : « Je t'ai ,entendu prononcer le mim (m) d’es salamou aleikoum (le salut soit sur vous) avec un tanouin », il lui répondit : « Je n'ai prononcé es-salamou aleïkoum qu'avec un seul dhamma sur le mim. » Puis il se tourna vers les assistants et s'écria : « Vous m'êtes tous témoins que je me démets des fonctions d'imam. » Alors le cheikh, le célèbre saint Abou Moharnmed El-Fechtaly dit à l'imam démissionnaire : « Tu nous a honorés, que Dieu t'honore ! »
Lorsque j'eus lu ces paroles, je demandai pardon à Dieu d'avoir blâmé le cheikh Abou'r-Rabi' et il me sembla que ce qui venait de m'arriver était un miracle opéré par celui-ci.
« Le sultan Abd-el-Aziz (4), fils du sultan mérinide Abou'l-Hacèn, voulut un jour rendre visite à Abou'r-Rabi'. Il s'assit dans la mosquée El-Qarouiyn, après la prière solennelle du vendredi, et chargea le cadi de la communauté, Abou Mohammed El-Aourby (5) de lui procurer une entrevue avec le cheikh. Le cadi se leva pour aller chercher ce dernier, mais n'ayant pu le trouver, il revint avec un homme pieux et vertueux, qui, comme le cheikh, portait le nom de Soleïman. Dès que le sultan le vit, il dit au cadi : « Ce n'est pas celui que je t'ai chargé de m'amener. - -C'est vrai, répondit le cadi, mais cet homme est béni et a été l'un des professeurs d'Abou'r-Rabi'. » Puis l'assistance se sépara. Dans cette circonstance, le cadi fit preuve de beaucoup d'habileté.
« Une autre fois, le sultan fit encore demander le cheikh, mais celui-ci lui écrivit une lettre qui le satisfit pleinement et le fit renoncer à le voir. Je dis un jour à un de nos amis : « Ne croyez-vous pas que c'est dans le but de dissiper quelque chagrin que le sultan recherche la vue du cheikh ? — Le sultan, me répondit mon ami, m'a dit ceci : « Je jure ne l'avoir jamais vu. »
«. En se vouant entièrement à la science et à la dévotion, Abou'r-Rabi' s'attira la complète bénédiction du Ciel. Je n'ai jamais vu personne qui étudiât et comprit mieux que lui les hadiths. Il mourut en odeur de sainteté, l'an 779 (inc. 10 mai 1377), âgé d'environ quarante ans, et en laissant à la postérité le souvenir de ses éloquentes paroles et de sa louable conduite. »
Miracle de ce cheikh. — Voici ce que quelqu'un a raconté : Le vizir de Fez avait formé le projet de frapper les maisons et les appartements de cette ville d'une taxe locative, à l'exemple du vizir qui l'avait précédé (6). En apprenant cela, Abou'r-Rabi' se rendit chez le ministre en compagnie du jurisconsulte El-Qabbab, et tous deux lui firent des observations à ce sujet. « Je ne fais en cela qu'imiter mon prédécesseur, répondit le vizir. — Voulez-vous, répliqua le cheikh, subir le même sort que votre prédécesseur ? — Non, sidi, dit le ministre. » Je fus pris, dit Et-Qabbab, d'une si grande frayeur, qu'il me sembla que la terre allait m'engloutir; quant au vizir, il eut encore plus peler que moi. »
Renseignement utile. — Le cheikh Youçof ben Omar est l'auteur d'un célèbre recueil de notes sur la Riçala, lequel circule de main en main.

Le cheikh Zerrouq a dit: « On ne doit pas considérer les écrits attribués à El-Djazouly, à Ibn Omar et à tous ceux de leur catégorie, comme des ouvrages composés par eux. Ce sont, en effet, des notes que les étudiants ont recueillies au cours des leçons de ces professeurs; elles peuvent servir de guide, mais ne doivent jamais faire autorité. J'ai entendu dire à certain cheikh que quiconque rend des fetouas en s'appuyant sur des notes mérite d'être fustigé. »
Voici ce qu'a dit sidi Mohammed El-Hattab: « Le cheikh Zerrouq a voulu dire, en parlant des notes attribuées à ces professeurs, qu'il ne faut pas se fonder sur elles lorsqu'elles rapportent ou contiennent des opinions contraires à la doctrine et aux principes fondamentaux de la secte. Au surplus, Dieu sait le mieux ce qu'il en est. Réfléchissez-y » (7).

Notes
1 Voyez sa biographie dans Djedhouat el-iqtibas, p. 39 et 321.
2 Le sultan Ahou Saïd 'Othman ben Abou Youçof Ya'qoub ben Abd-el Haqq, le rnérinide, naquit le vendredi 29 Djoumada second 675 (8 décembre 1276), 1I monta sur le trône lu 20 Djoumada second 710 (14 novembre 1310), à Taza, et mourut de la goutte dans la nuit du jeudi au vendredi 25 Dhou'l-qa'da 731) 10 septembre 1330). Voyez sa biographie dans Djedhouat el-igtibas, p. 288; dans Raudh el- Qartas, édition de Fez, p. 290 et suiv. ; dans la traduction du Raudh-el-Qartas par A. Heaumier, p. 557 et suiv.
3 L'imam dont il est question ici est Abou Mohammed Abd-el-Ghaffar. Voyez Djedhouat el-iqlibas, p. 35, où son aventure est racontée
4 Le sultan Abou Faris Abd-el-Aziz ben Abou'I-Hacèn, le rnérinide, monta sur le trône le dimanche 22 Dhou'l-hiddja 767 (30 aoùt 1366). Il mourut à Tlemcen, à l’âge de 24 ans, le jeudi 22 Rabi' II 774 (20 octobre 1372). Son corps fut transporté à Fez et on l'inhuma dans la mosquée de son palais. Voyez sa biographie dans Djedhouat el-igtibas, p. 268.
5 Abou Mohammed Abdallah ben Mohammed ben Abdallah El-Aourby El-Facy, cadi de la communauté à Fez, mourut dans cette ville l'an 782 de l'hégire (inc. 8 avril 1380). Il était né en 701 (inc. 6 septembre 1301). Voyez sa biographie dans Neïl et-ibtihadj, p, 125.
6 On lit dans l'Histoire des Berbères, par Ibn Khaldoun, tome IV, p. 189 de la traduction de Slane
« Par ordre d'Abou Saïd (Othman fils de Yacoub, fils d'Abd-elHakk, sultan mérinide) on supprima les droits de marché et d'autres impôts oppressifs, on vida les prisons et on cessa d'exiger l'impôt des maisons, taxe qui pesait beaucoup sur les habitants de Fez. »
7 Cette notice biographique est extraite du Neïl el- ibtihadj, p. 386



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