Algérie

Biographie d'Abou Ali Aberkan



Abou Ali El-Hacèn Ben Mekhlouf Ben Meç’oud Ben Saad Ben Said El-Mezily Er-Rachidy (1)

Ce grand et célèbre cheikh, plus connu sous le nom d’Aberkan, était un savant imam, un professeur, un ami de Dieu, un homme vertueux, un pôle, un ghauth (secours). Il eut pour maîtres : l’imam, le cid Ibrahim El-Masmoudy, et l’imam Ibn Merzouq El-Hafid.
Parmi les personnages d’élite qui profitèrent de ses leçons, il convient de citer : le cheikh Et-Tenessy et le cheikh Es-Senousi. Ce dernier, qui le fréquenta longtemps, disait en parlant de lui : « Aucun des cheikhs et des saints que j’ai rencontrés n’est comparable à sidi El-Hacèn Aberkan ; il était irréprochable en ce qui touchait l’accomplissement de ses devoirs religieux, et ne riait jamais aux éclats mais souriait légèrement. »
Si El-Hacèn était miséricordieux et compatissant pour les croyants : il se montrait heureux de leur bonheur et s’affligeait à la vue de leurs souffrances et de leurs malheurs. Il avait un chapelet dont il ne se séparait jamais, parce qu’il ne cessait jamais fut-ce un instant, de prononcer le nom du très-Haut. Il était enfin l’objet de la plus grande vénération de la part de tout le monde, des petits comme des grands.
La Riçala du cheikh Ibn Abou Zéid était le livre qu’il aimait le plus à lire et à expliquer. On raconte que lorsque Es-Senousi entrait chez lui, il l’accueillait en souriant, qu’il était le premier à lui adresser la parole, et qu’il lui disait : « Que Dieu te range parmi les pieux imams »
Parmi ses disciples, on cite encore sidi Ali Et-Talouty, frère utérin d’Es-Senoûsi.
Sidi El-Hacèen fut favorisé de célestes révélations et fit des miracles. Voici ce qui a été raconté par Es-Senousi et par son frère utérin sidi Ali E-Talouty :
« Un jour que le cheikh Aberkan, qui se trouvait dans la campagne, étai occupé à faire ses ablutions, il vit arriver un lion énorme, qui vint se placer prés de ses souliers. Ayant achevé ses ablutions, le cheikh se tourna vers l’animal féroce et s’écria trois fois : « Qu’il soit béni celui qui est le meilleur des créateurs ! » A ces paroles, le lion baissa la tête comme quelqu’un qui a honte ; puis il se leva et disparut »
On tient le fait suivant de la bouche même du cheikh Es-Senousi, dont voici les paroles :
« Voici, dit-il, ce qui m’a été rapporté par le saint, le docte sidi Saïd ben Abd-el-Hamid El-Asnouny, ancien compagnon du cheikh Aberkan, dans sa maison sise dans l’Ouencheris (2). Un jour, me dit-il, qu’il faisait très chaud, j’entrai chez sidi El-Hacèn et je le trouvai en proie à une grande fatigue et ayant le corps inondé de sueur. « Savez-vous, me dit-il, d’où me vient cette fatigue que j’éprouve ? – Non, sidi, lui répondis-je. – J’étais tantôt, ajouta-t-il, assis en cet endroit, lorsque Satan est entré chez moi sous la forme qui lui est propre. Je me suis levé pour aller chez lui ; alors, il s’est mis à fuir devant moi ; j’ai couru après lui en récitant tout haut les paroles de l’appel à la prière, mais il a continué à fuir devant moi en lâchant les vents, selon ce qui est dit dans le hadith, et il a finalement disparu à mes yeux. Je reviens à l’instant de sa poursuite »
Quand le cheikh El-Hacèn revient de l’Orient, dit encore Es-Senoûsi, ayant trouvé le village d’El Djermâa (3), patrie de ses ancêtres, entièrement détruit, il alla se fixer à Tlemcen. Puis l’idée lui vint de retourner audit village pour le restaurer. « Arrivé à El-Djemaâ, dit sidi El-Hacèn, je m’étais assis au milieu des ruines, méditant sur les évènements qui avaient amené à la destruction de ce village et contraint les habitants à l’abandonner, quand je vis se diriger vers moi un chien qui vint s’accroupir à mes côtés. Cet animal avait l’air malheureux et très soucieux, et paraissait aussi affligé que moi. A la vue de ces ruines, je me dis en moi-même : « Ce village se repeuplera-t-il un jour, ou demeurera-t-il toujours inhabité ? » Alors le chien, levant la tête, dit dans un langage très clair : « Jusqu’au jour où ils seront ressuscités » ; il voulait dire par là que le village ne se relèverait jamais de ses ruines. Ayant entendu ces paroles qui s’adressaient à moi, je repris le chemin de Tlemcen »
« Voici, dit Es-Senouci, un fait qui entre dans la catégorie de ceux qui précèdent, et que mon frère sidi Ali et moi avons entendu raconter par le cheikh El-Hadjj Ibrahim ben Reddan ; sidi Ali, dont la mémoire est plus fidèle que la mienne, ma l’a répété ces jours-ci, car je l’avais oublié. Lorsque le cheikh Ibrahim effectua le pèlerinage à la Mecque, il perdit à Barca ‘en Tripolitaine) un excellent âne dont les arabes s’emparèrent. « Je vais périr s’écriait-il, si l’âne ne m’est pas rendu, car j’en ai le plus grand besoin » et il se mit à implorer le secours de sidi El-Hacèn dont il était le serviteur ; c’était lui en effet qui lavait les vêtements du cheikh. « A peine eus-je invoqué le cheikh, dit sidi Ibrahim, que je vis de mes propres yeux sidi El-Hacèn en personne, vêtu comme à l’ordinaire. Il poussa un cri si formidable à l’adresse des arabes détenteurs de mon âne, que ceux-ci terrifiés, relâchèrent l’animal qui se mit à courir de mon côté jusqu’à ce qu’il m’eut rejoint ; c’est avec ce baudet que je revins à Tlemcen »
Autre fait merveilleux raconté par le vizir Ahmed ben Yaqoub (4). – Alors que, dit-il, le sultan Mohammed ben Abou Tachefin et moi, nous nous trouvions dans les cachots où nous avait enfermé le sultan Abou Faris, j’implorai le secours du cheikh sidi El-Hacèn et du cheikh sidi Ali El-Mediouny . Or, une nuit, pendant que je dormais, voilà que je vis entrer sidi El-Hacèn qui me fit sortir de prison et me conduisit en présence du sultan Abou Faris. Je trouvai avec le sultan, assis à ses côtés, un tel et un tel de mes connaissances. Le cheikh dit alors au sultan Abou faris en me désignant : « Qu’avez-vous à faire avec cet homme ? » voulant dire par là : Donnez lui donc la liberté ! – Bien, répondit le sultan » Lorsque je fus réveillé, je dis au sultan Mohammed : « Aujourd’hui même je serai libre. – Qu’est ce qui te fait prévoir cela, répondit-il. – C’est le cheikh Sidi El Hacèn, lui dis-je, qui m’a délivré » Puis je lui racontai mon songe. « Ton recours à l’assistance du cheikh, me dit-il, n’a profité qu’à toi » En effet, le jour était à peine levé, que j’entendis crier après moi : Où est un tel fils d’un tel, le vizir Abdelouadite ? je sortis et fus conduit chez le sultan Abou faris. Je le trouvai assis comme je l’avais vu dans mon sommeil, et entouré des mêmes personnes que j’avais aperçues en songe. Il me dit : « C’est le cheikh Sidi El-Hacèen qui est l’auteur de te délivrance ; va-t-en en paix ; hier, je l’ai vu en rêve te menant devant moi dans les mêmes conditions où je te vois »
« Voici, dit encore Es-Senousi, un autre fait raconté par le cheikh par le cheikh sidi Ahmed El-Haciny (5), saint homme qui récitait constamment le livre sacré, et dont la bouche ne cessait jamais de célébrer les louanges de Dieu. Ce vénérables personnage était l’un des anciens et assidus compagnons du cheikh sidi El-Hacèn. J’étais encore tout petit qu’il était déjà vieillard ; il avait de la peine à se rendre au lieu des séances du cheikh sidi El-Hacèn. Je le voyais toujours remuer les lèvres pour louer le très-Haut. « Dans ma jeunesse, dit-il, comme je me trouvais en possession d’une fortune considérable, le sultan Ahmed (6) me fit arrêter, et, sans aucune raison apparente, ordonna de me mettre au cachot, après m’avoir imposé une contribution de mille dinars. A cette époque, je ne connaissais pas le cheikh sidi El-Hacèn, à cause du peu de notoriété qui entourait alors mon nom ; mais mon beau-frère, qui était étudiant en droit, fréquentait ses fréquences et prenait ses leçons auprès de lui. Il parla de mon affaire au cheikh sidi El-Hacèn, qui, se préoccupant de mon cas, se rendit à la grande mosquée où il rencontra le cheikh sidi Hammou Ech-Cherif qui venait de terminer sa conférence. Après lui avoir exposé ma situation ma situation, il le pria de bien vouloir intercéder en ma faveur auprès du sultan Abou’l Abbès dont il était l’imam. Le cheikh Hammou lui dit : « Sidi, ce prince est peu commode ; si vous voulez que je lui parle en votre nom, je le ferai. – Faites ce qu’il vous plaira, lui répondit sidi El-Hacèn » Ce jour-là même, qui était un jeudi, sidi Hammou, s’étant présenté devant le sultan, lui dit : « Il y a ici, dans le pays, un saint homme qui m’a envoyé auprès de vous afin d’intercéder en faveur d’El-Haciny et obtenir que vous le relâchiez pour l’amour de Dieu. – Quel est cet homme ? demanda la sultan. – C’est, lui répondit le chérif sidi Hammou, un homme vertueux qui s’appelle sidi El-Hacèn Aberkan. – Est-ce celui qui demeure prés de Bab-Ziri, répliqua le sultan. – Oui, sire, répondit le chérif. Le sultan reprit : « La nuit où nous entrâmes dans la ville par bab el-Aqaba (porte de la montée) (7), nous passâmes prés de sa demeure ; nous l’appelâmes plusieurs fois, mais il ne daigna pas sortir à notre rencontre Importuné par nos appels, il finit par sortir et entrouvrir la porte, en tendant sa main au dehors sans nous montrer son visage. Nous nous sanctifiâmes par cette pieuse visite et nous montâmes vers la ville » Puis il ajouta : « Puisque cet homme veut bien intercéder en faveur de mon prisonnier, je fais grâce à celui-ci de cent dinars, je lui fais grâce de deux cent dinars, de trois cents, de quatre cents, de cinq cent dinars. »
Puis il s’emporta et, en proie à une violente colère, il s’écria : « Je m’engage par tous les serments à ne pas le relâcher avant qu’il m’ait donné cinq cent dinars et ait reçu autant de coups de fouet qu’il a de cheveux sur la tête, attendu qu’il a osé nuire à ma considération » Sidi Hammou, le chérif, éprouva le plus vif regret d’avoir parlé en faveur de son protégé et en fut on ne peut plus désolé et dit au sultan : « Assurément, cette intercession ne pouvait être plus funeste à ce malheureux : Plût à Dieu qu’il n’en eut jamais été question ! » Sidi Hammou, étant sorti du palais, vint m’informer de ce qui s’était passé. Son récit me causa une affliction telle, que Dieu seul en connait l’étendue. (En effet le cheikh El-Haciny ayant la peau très blanche, étant d’un tempérament délicat, ayant des membres mous et ne pouvant supporter un seul coup de fouet, comment croire qu’il résisterait à l’horrible supplice que le sultan avait juré de lui faire subir ?) Le cheikh sidi Hammou Ech-Cherif alla ensuite mettre au courant de l’affaire le cheikh sidi El-Hacèn qui en fut très affligé et en remit l’issue entre les mains de Dieu seul. Il traça cependant une amulette sur un très petit bout de papier de la longueur d’un ongle et le remit à mon beau frère en lui disant : « Portez ceci au pauvre prisonnier et dites lui que lorsqu’on le fera sortir pour le frapper, il ait soin de porter ce papier sur lui, et que s’il peut le mettre dans la bouche, il ne néglige pas de le faire » Je cachai donc cette amulette et me mis à attendre le sort que Dieu me réserverait. Ce jour-là et la nuit suivante, je fus laissé tranquille, mais le lendemain, qui était un vendredi, dés que le soleil parut à l’horizon, on m’appela pour aller subir les coups. Je serrai fortement mon pantalon autour de ma taille et me mit l’amulette sous la ceinture du pantalon. On me fit marcher, le reste du corps nu, puis je fus garrotté et mis en posture d’être frappé. Déjà les fouets s’étaient levés sur moi et on se disposait à me battre quand une voix partant de l’intérieur du palais du sultan se fit entendre et dit : « Ramenez-le en prison et laissez-le jusqu’à ce que nous ayons fait la prière solennelle du vendredi » « Reconduit en prison, je fus en proie aux transes les plus cruelles, en songeant au supplice qui m’attendait, supplice à l’idée duquel on oublie l’argent et tout autre chose. Je restai dans le cachot jusqu’au moment où le sultan eut achevé sa prière. Mais dés qu’il fut rentré au palais et qu’il fut assis sur son trône, on me cria de sortir. Je sortis donc tout effaré, en proie à un tremblement que Dieu seul connaît, et convaincu que j’allais au supplice. Je fus conduit en présence du sultan qui, en me voyant, me dit : « Retourne chez toi en toute sécurité, tu n’as rien à craindre, ni contribution à payer » Ah ! La joie que j’éprouvai en entendant ces mots ! Dieu seul en connaît l’étendue. Pendant que je ma retirais, le sultan prononça quelques paroles à voix basse, et, pensant qu’elles ne s’adressaient pas à moi, je poursuivis mon chemin quand le chambellan Ibn Abou Hamid, l’homme que le sultan honorait le plus, se mit à m’apostropher en me grondant et en m’injuriant, car il était grossier dans son langage. « Eh quoi ! Me dit-il, le sultan te parle et tu t’en vas ! » Je revins sur mes pas, effrayé, le cœur plein d’une vive appréhension. « Sache, me dit le sultan, que c’est à Dieu seul que tu dois ta liberté » Puis s’adressant à ses courtisans : « savez vous leur dit-il, pourquoi j’ai relâché cet homme ? – Sire, répondirent-ils, Dieu et son envoyé le savent mieux que personne » Il découvrit alors son bras, un bras dont la grosseur, la longueur et la vigueur m’étonnèrent, et comme je n’en avais jamais vu. Retirant ensuite du bras le sabre que les rois ont coutume d’y attacher, il le retourna vers le bas et se mit à le secouer fortement afin que la lame descende et sortit seule de son fourreau. Comme l’arme n’en sortait pas : « Vous voyez dit-il, avec quelle force ce sabre tient dans son fourreau, eh bien malgré cela, je serai mort à l’heure qu’il est si Dieu n’était, dans sa bonté, venu à mon aide. Voici comment : j’étais à faire la prière solennelle du vendredi, quand me baissant pour me prosterner, ce sabre est sorti de son fourreau malgré la force qui l’y retient, comme si quelqu’un me l’avait tiré du fourreau et de mon propre bras, et l’avait tiré dans la direction de ma gorge pour me percer et me couper toutes les veines du cou, dans le mouvement que j’ai fait pour me prosterner, je me suis, sans m’en apercevoir, précipité avec violence sur le sabre, mais Dieu a daigné, dans sa bonté, dévier un peu la direction du sabre, en sorte que l’arme est entrée dans la partie latérale du cou protégée par le turban, et a traversé tout ce côté en le tranchant horriblement, tant je m’étais précipité avec violence sur le sabre » Après ce récit, le sultan découvrit son cou pour nous le montrer, et nous pûmes nous assurer de la vérité de ce qu’il venait de nous dire. Puis il ajouta : « A ce moment, le Très-Haut me mit dans l’esprit que ce qui venait de m’arriver n’avait pas d’autre cause que la façon dont je m’étais conduit à l’égard de ce prisonnier, en voulant le soumettre au supplice et lui prendre son argent, malgré l’intercession du saint homme que vous savez. Aussi, ai-je juré dans cette circonstance, au moment même où j’étais en prière, qu’en reconnaissance de ce que Dieu m’avait préservé de la mort et m’avait fait connaître d’une manière d’une manière absolue la cause de mon infortune, je mettrai mon prisonnier en liberté aussitôt que je serai de retour de la prière, sans rien exiger de la contribution dont je l’avais frappé » Les assistants remercièrent le Ciel d’avoir ainsi préservé le sultan de la mort, après quoi, m’étant retiré, grâce à Dieu, sain et sauf, je descendis aussitôt, en compagnie de mon beau-frère, chez le cheikh sidi El-Hacèn, que nous trouvâmes dans le cimetière des Foulons, à son retour de la prière de vendredi qu’il avait l’habitude de faire à Agadir. Quand il aperçut mon beau-frère, il lui dit, ne me connaissant pas : « Eh bien ! Quelle nouvelle m’apportez-vous ? – Sidi, répondit mon beau-frère, Dieu a exaucé nos vœux : voici le prisonnier que le Très-Haut a rendu à la liberté » je me mis alors à lui raconter toute mon histoire. Mon récit terminé, il loua Dieu, et se tournant vers la qibla (8) en ce même endroit, il fit une longue inclination du corps ; puis, se prosternant, il resta dans cette posture jusqu’au moment où le muezzin fit l’appel à la prière de l’Asr (9), après quoi nous montâmes avec lui vers la ville. C’est depuis cette époque que je me suis attaché à sa personne ; je ne me suis plus séparé de lui, voyant les célestes bénédictions dont il était favorisé. Que le Très-Haut lui fasse miséricorde, qu’il soit satisfait de lui et qu’il nous fasse la grâce de profiter de ses bénédictions ! Amen ! »
« Voici, dit le cheikh Es-Senousi, un autre fait qui m’a été raconté par mon frère sidi Ali : C’était à l’époque du siège de Tlemcen, par le sultan Abou Faris (10). Le sultan Ibn Abou Tachefin qui y régnait alors, aidé par les habitants de la ville, opposa une telle résistance qu’Abou Faris, vivement irrité, serra le siège de plus prés et jura que si on ne lui ouvrait pas les portes de la cité dés le lendemain, il livrerait Tlemcen au pillage pendant trois jours. Comme le lendemain les portes ne lui furent pas ouvertes, il réduisit les habitants à la dernière extrémité et fit pleuvoir sur la ville une grêle de traits et de pierres (11) qui arrivaient jusqu’au marché appelé Menchar el djeld (lieu où on étend les peaux). Un jour, on entendit même de Tessala (12) le bruit causé par une pierre lancée sur la ville. Voici, à ce propos, ce qu’un saint homme de nos amis, qui se trouvait dans la mosquée de l’impasse Massoufa (13) quand la chose arriva, nous a rapporté : Lorsque le sultan fit lancer cette pierre énorme, nous en entendîmes le bruit qui fut pareil à celui d’un grand éclat de tonnerre. Une personne se jeta la face contre terre et s’écria : Gloire à celui dont le tonnerre célèbre les louanges ! Gloire à celui que les anges glorifient pénétrés de frayeur ! (Coran, sour.XIII, v.14). A la vue de ces Maux, les assiégés, persuadés que, si le blocus continuait, ils finiraient par périr, s’adressèrent à leurs savants et à leurs cheikhs et les supplièrent d’aller, accompagnés des enfants munis de leurs tablettes, implorer la clémence du sultan Abou Faris en faveur des habitants de la ville. Le cheikh sidi Abderrahman Es-Senousi et le cheikh Ibn Abd el-Aziz se rendirent auprès du cheikh sidi El-Hacèn et le prièrent de se joindre à eux pour aller intercéder auprès du sultan ; mais sidi El-Hacèn refusa, et, malgré leur insistance, il persista dans son refus. Comme ils revenaient à la charge, il leur dit : « Ne dirait-on pas, à vous entendre, qu’il n’y a ici aucun homme digne de ce nom que ce Abou Faris ! Non, je ne me rendrai pas auprès de lui, et Dieu décidera entre lui et nous » Telle fut, à peu prés, la réponse qu’il leur fit. Sur ces entrefaites, Abou faris eut un songe des plus terribles au sujet de son armée : il vit s’avancer sur lui une foule de saints, c’est-à-dire les saints protecteurs de Tlemcen, parmi lesquels il reconnut le cheikh Abou Medien et le cheikh Sidi El-Hacèn. Le premier dispersa les deux tiers de son armée, et le second l’autre tiers. Quelqu’un a raconté que, cette même nuit, il avait vu en songe le cheikh Sidi El-Hacèn, qui, tenant un sabre à la main, ne faisait que monter et descendre l’escalier de sa maison. Quant au sultan Abou Faris, épouvanté par la vision qu’il avait eue, il revint à de meilleurs sentiments ; il renonça à son premier dessein, et, à partir de cette nuit, reconnaissant le mérite de sidi El-Hacèn, il ne cessa de lui donner des marques de la plus profonde vénération »
Autre miracle opéré par sidi El-Hacèn : le fait suivant, dit Es-Senousi, nous a été raconté par notre très savant professeur dont le savoir s’étendait à toutes les branches des connaissances humaines et dont les continuels efforts tendaient, jour et nuit, à instruire, dans les sciences, les petits et les grands ; j’ai désigné sidi Abderrahman ben Toumert.
« Un chancre, dit-il, s’était déclaré sur ma joue et durait depuis longtemps, étendant de plus en plus ses ravages. Je désespérais de guérie, quand un vendredi je rencontrai le cheikh si El-Hacèn qui, monté sur un âne, regagnait sa demeure à l’issue de la prière du vendredi qu’il venait de faire à Agadir. Je l’abordai et le saluai, après quoi je lui fis part des souffrances que m’occasionnait l’ulcère qui s’était produit sur ma joue. L’ayant examiné, il jugea que le mal était grave et capable de me donner la mort. « Tends la main ! » me dit-il. Quand je l’eue tendue, il cracha dedans et me dit : « Applique ceci sur le chancre » Puis il poursuivit son chemin sans rien ajouter à ces paroles. Je remarquai qu’avant de cracher, il n’avait ni prié, n même remué les lèvres. J’appliquai donc ce crachat sur la plaie qui entra aussitôt en voie de guérison, et, au bout de peu de jours, il n’y paraissait plus rien » Sidi Abderrahman ben Toumert attribuait la cause de cette cure merveilleuse aux célestes bénédictions dont le cheikh était favorisé. Que le Très-Haut lui fasse miséricorde ! »
Autre prodige de sidi El-Hacèn. – Voici, dit Es-Senousi, ce que je tiens de la bouche de mon frère sidi Ali :
« Amara Ez-Zerdaly, dit-il, s’était révolté contre le sultan Ahmed qui allait fréquemment se plaindre au cheikh des vexations dont il était l’objet de la part de son ennemi. Un jour que le sultan était allé rendre visite au cheikh, celui-ci, après l’avoir interrogé sur l’état de sa santé, lui dit : « N’avez-vous pas de nouvelles de cet homme ? Voulant désigner Amara Ez-Zerdaly. – Non, sidi, répondit le sultan. Alors le cheikh rentrant sa tête dans ses habits, se mit a se rapetisser, à se rapetisser, jusqu’à ce qu’il ne resta plus de lui que ses vêtements à l’endroit où il était accroupi, et disparut ainsi un instant, tandis que le sultan était assis. Puis il sortit la tête et dit au roi : « Retournez chez vous, Dieu a comblé vos vœux » En effet, à peine le sultan fut-il arrivé au palais, qu’un courrier lui apporta la tête du cheikh Amara. Voici ce qui s’était passé : Amara, dans une rencontre avec les troupes royales, avait lancé sa monture dans la mêlée ; mais, étant tombé de cheval, il fut rejoint par les soldats du sultan qui le décapitèrent »
Autre prodige de sidi El-Hacèn. – Voici, dit Es-Senousi, ce qui m’a été raconté par sidi Ali, sur la foi du pieux cheikh Mohammed, plus connu sous le nom d’Abou Zina, qui le tenait lui-même de la bouche de son professeur, sidi Mohammed El-Djam’y : « Lorsque sidi Mohammed El-Djam’y, dit-il partit pour faire un pèlerinage à la Mecque, il s’embarque sur un navire, qui, assailli par une tempête, fut jeté sur la côte. J’étais navré (ce sont les propres paroles de sidi Mohammed El-Djam’y) de manquer ainsi le but que je m’étais proposé et de voir s’évanouir toutes mes espérances, quand je vis entrer chez moi, alors que j’étais éveillé et non point endormi, le cheikh sidi El-Hacèn qui me dit : « Prends patience, Dieu te tirera d’embarras » Effectivement, le Très-Haut, venant à mon aide, m’aplanit toutes les difficultés et me fit parvenir sans encombres au terme de mon voyage »
« Le prodige suivant, opéré par sidi El-Hacèn, m’a été rapporté, dit Es-Senousi, par notre compagnon , le pieux juriste sidi Amer El-Mestiry qui le tenait de son professeur, l’ami de Dieu, l’homme vertueux, l’auteur de miracles célèbres et de prodiges qui sont dans la bouche de tout le monde, sidi Abdallah El-Mestiry : « Un jour (ce sont les paroles de sidi Abdallah), j’avais apporté en cadeau, au cheikh sidi El-Hacèn, une certaine quantité de raisin que j’avais mis dans un sac, au font duquel se trouvaient quatre pièces d’or. Je vidai le contenu du sac dans la chambre du cheikh, et repris le chemin de ma maison, quand, arrivé chez moi, je me souvins des pièces d’or qui se trouvaient dans le sac avec le raisin. Je me mis à retourner le sac ; mais comme je n’y trouvais plus rien, je pensai que j’avais dû verser les pièces avec le raisin dans la chambre du cheikh. J’eus honte d’aller les chercher chez celui-ci, et me trouvant fort perplexe sur le parti que je devais prendre, j’avais fini par me résoudre à ne plus y songer. Malgré cela, je regardai encore une fois dans le sac et … j’y trouvai mon argent intact et tel que je l’y avais placé. Cela me surprit, et je fus convaincu que le cheikh avait, de sa maison, renvoyé miraculeusement les pièces dans le sac »
« Voici, dit Es-Senousi, un fait dont je fus témoin et qui prouve que sidi El-Hacèn était favorisé de révélations célestes : Dans ma jeunesse, je lisais chaque soir, entre le coucher du soleil et la nuit close, la Riçala du cheikh Ibn Abou Zéid, sous la direction de mon frère sidi Ali. Une nuit, que nous étions à lire de ce livre le paragraphe qui concerne le saignement de nez, nous en arrivâmes, dans le cours de notre causerie, à discuter sur le point de savoir s’il fallait attribuer la cause du saignement de nez à la volonté du Très-Haut, attendu que tout ce qui est est par sa volonté, ou si, par convenance, il ne fallait pas le faire, à l’imitation de ces paroles du Très-Haut : « Dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits, non pas de ceux qui ont encouru ta colère, ni de ceux qui se sont égarés » (Cor. I, v 6 et 7), où Dieu n’a pas dit : contre lesquels tu t’es mis en colère, s’attribuant ainsi la cause des bienfaits à l’exclusion de celle de sa colère et de l’égarement. Nous avions également cité, à l’appui de cette thèse, le passage du coran où Dieu dit : « Qui me guérit quand je suis malade » (sour. XXVI, v.80), s’attribuant la cause de la guérison à l’exclusion de celle de la maladie ; et cet autre : « Assurément, nous ne savons s’il a été voulu du mal à ceux qui sont sur terre ou si Dieu a voulu les diriger dans le droit chemin » (sour.LXXII, v.10), où il a employé le verbe à la voix passive en parlant du mal (14), et à la voix active en parlant de l’action de diriger dans le droit chemin. Cet entretien avait eu lieu en présence d’un certain nombre de gens en commun. Or, il arriva que, le lendemain matin, nous descendîmes à Bab-Ziri, pour assister à la conférence du cheikh sidi El-Hacèn. Dés qu’il nous vit entrer, il interrompit les explications qu’il était occupé à donner sur le sujet qu’il traitait, lequel était bien loin de se rapporter à la question que nous avions agitée pendant la nuit, et entama cette même question du saignement du nez, à laquelle il fit la réponse qu’il fallait, réponse dont je ne me rappelle plus présentement les termes, parce qu’il y a longtemps que le fait s’est passé et qu’à cette époque j’étais jeune. Puis le cheikh, portant ses regards sur nous plutôt que sur les autres auditeurs, se mit à dire qu’il fallait bien se garder d’agiter, en présence de gens du commun, des questions semblables à celle que nous avions discutée. A ce moment, nous fûmes convaincus, sidi Ali et moi, que Dieu avait révélé au cheikh l’objet de notre entretien nocturne.
« Parmi les faits prodigieux qui prouvent que Dieu révélait au cheikh l’état moral de certaines gens, en voici un, dit Es-Senoûsi, qui m’a été raconté par Sidi Ali, qui le tenait lui-même de la bouche de sidi El-Hacèn : « Certaines personnes, dit le cheikh à sidi Ali, se présentant à moi sous la forme d’un porc : elles ont exactement la hure et les défenses de cet animal ; et comme j’ai peine à croire mes yeux, tellement la chose me parait extraordinaire, je me dis : c’est peut-être un porc qui est entré chez moi et qui parle le langage d’un homme. Il y en a d’autres qui se présentent sous l’apparence de juifs et portent, entre les deux épaules (variante : sur leur turban) le signe distinctif de ces derniers (15) ; ils leur ressemblent si bien que je ne puis douter qu’ils ne soient tels, et cependant je sais très bien que ceux qui empruntent à mes yeux cette forme sont musulmans et font partie de nos compagnons » Nous prions Dieu – soit-il glorifié ! – de nous accorder une bonne fin et de nous préserver de toute épreuve dans ce monde et dans l’autre »
« Voici, dit Es-Senousi, un autre fait merveilleux qui entre dans la catégorie de ceux se rapportant à la faculté qu’avait le cheikh de deviner les choses qu’on voulait lui cacher. Il nous a été raconté par notre professeur, celui qui, s’étant exclusivement voué aux pratiques religieuses, s’y livra jour et nuit jusqu’à ce que le Très-Haut l’eut rappelé à lui ; celui que le cheikh sidi Mohammed ben Merzouq surnommait Ibrahim El-Masmoudy, je veux désigner sidi Nasr Ezl-Zouawy . « Lorsque je vins à Tlemcen, dit-il, je savais par cœur le précis de jurisprudence d’Ibn El-Hadjib. (Notre professeur, sidi Nasr, n’était, en effet, venu à Tlemcen qu’après avoir parfaitement appris la langue arabe à Bougie, auprès des professeurs de cette ville ; il avait été aussi l’élève d’El Asnouny, le commentateur du poème didactique intitulé Et-Tlemcèniya qui traite du partage des successions) Après avoir fréquenté quelque temps les conférences de Sidi Qacim El-Oqbany, je me rendis un jour à une leçon du cheikh sidi Mohammed ben Merzouq, et m’étant aperçu que le savoir de ce professeur était, dans chaque science, un océan sans rivage, je m’attachai à son enseignement et abandonnai celui de sidi et que j’avais pris place parmi les auditeurs du cheikh sidi El-Hacèn, il me sembla que la science de ce dernier perdait à être comparée à celle du cheikh sidi Mohammed ben Merzouq. Pendant la nuit qui suivit, je vis en songe quelqu’un qui vint à moi et me dit : « Va chez le cheikh sidi El-Hacèn et étudie, sous sa direction, le précis d’Ibn El Hadjib, depuis le commencement jusqu’à tel passage », et il me désigna ce passage. Je me rendis donc, le lendemain matin, chez le cheikh, et sans lui faire part de la vision que j’avais eue, je le priai de m’autoriser à étudier sous lui le livre précité. Sidi El-Hacèn m’ayant accordé l’autorisation demandée, je vins chaque jour prendre ma leçon auprès de lui ; mais dés que je fus arrivé au passage qui m’avait été désigné dans mon rêve, il me dit, faisant acte de devin : « Voici le terme de nos leçons » et il ne voulut plus aller plus loin.
Es-Senousi dit : « Sidi El Hacèn était originaire des Mezila, fraction des Beni Rached (16), et était fils de Mekhlouf, fils de Meç’oud, fils de Sâad, fils de Said. Ce renseignement m’a été fourni par mon frère Utérin, sidi ali ben Mohammed Et-Talouty, qui le tenait de la bouche même de sidi El-Hacèn : « Lorsque le cheikh, dit mon frère sidi Ali, m’eut fait connaître sa généalogie, une idée me traversa l’esprit et je me posai intérieurement cette question : ses aïeux ont-ils été de condition libre ou servile ? Mais je n’eus pas plutôt conçu cette pensée, que le cheikh prit la parole et dit : « j’ai fait la rencontre d’un tel, l’un des grands amis du Très-Haut, et l’un de ceux qui sont favorisés de célestes révélations ; en sa qualité d’inspiré, ce saint homme m’a détaillé tous les événements de sa vie et prédit tout mon avenir, en sorte que je n’ai souvent qu’à me souvenir des prédictions de ce saint pour prévoir un événement quelconque de mon existence. Cet wali m’a fait connaître, entre autres choses, ma généalogie qui est telle que je vous l’ai donnée. « Toute votre race, m’a-t-il dit, a été de condition libre, et aucun de vos aïeux n’a été esclave. J’ai lu ceci sur la table conservée (17) »
« Mon frère sidi Ali m’a rapporté que le cheikh lui avait assuré que son père ainsi que tous ses aïeux avaient été de pieux et saints personnages, et que son ancêtre Saïd, nommément, avait joui d’une très grande considération et avait été de ceux qui ont le pouvoir de se transporter, en un clin d’œil, dans les régions les lointaines.
« Etant tout petit, dit le cheikh El-Hacèn, je m’amusais avec les enfants de mon âge, et il m’arrivait souvent de me dépouiller de mes vêtements et de rester ainsi nu, comme font tous les enfants. Un jour que je passais dans cet état prés du tombeau de mon aïeul Saïd, j’entendis sortir du fond du tombeau une voix menaçante et pleine de colère qui me reprochait ma nudité »
« Sidi el Hacèn regardait le fait suivant comme l’un des miracles opérés par son père sidi Mekhlouf. « Sidi Mekhlouf avait un jardin qui était, jour et nuit, à l’abri des coups de main des voleurs. Un voleur tentait-il d’y pénétrer, qu’un énorme serpent, contre lequel il était impossible de lutter, se précipitait vers lui et l’obligeait à chercher son salut dans la fuite avant qu’il eut le temps de rien prendre. Mais si le cheikh, sa femme ou ses enfants entraient dans le jardin, le serpent se cachait et ne leur faisait aucune opposition. Voici, d’ailleurs, ce que m’a raconté (c’est sidi Ali qui parle) le cheikh sidi El-Hacèn : « Quand j’étais enfant, dit-il, je me trouvais un vendredi, avec mon père sidi Mekhlouf, dans ce jardin. Comme l’heure de la prière solennelle approchait, mon père, voulant se rendre à la mosquée, m’ordonna de ne pas bouger du jardin jusqu’à son retour. Après son départ, resté seul dans l’enclos, je vis entrer un de ces hardis malandrins qui infestent la campagne, lequel était venu avec l’intention de voler ; (le serpent, fait remarquer sidi Ali, s’était caché parce qu’il s’était aperçu auparavant de la présence de sidi Mekhlouf et de son fils) et, bien que je fusse tout petit, je n’hésitai pas à crier après lui pour l’empêcher de voler. A ma vue, le malfaiteur vient à moi, me saisit et me lance en l’air pour me laisser choir ensuite sur le sol ; mais ô surprise, il tombe sous moi et je lui retombe sur le corps. Alors, il se relève en proie à une violente colère, et ma lance de nouveau dans l’espace ; mais comme la première fois, il tombe et je retombe sur lui. Nous perdions tous les deux notre temps à ce jeu. Cependant, ayant recommencé l’expérience une troisième fois, et le résultat ayant été le même que celui des deux premières, le brigand finit par comprendre que ce fait extraordinaire avait une cause surnaturelle, et pris d’une grande frayeur, il releva le pan de son vêtement et se mit à courir à toutes jambes, cherchant une issue par laquelle il pût sortir du jardin. Il allait s’échapper ; mais le serpent, lui barrant le passage, l’obligea à fuir d’un autre côté ; ce ne fut qu’après mille efforts qu’il finit par se délivrer du venimeux reptile »
« Voici ce que mon frère, sidi Ali, m’a raconté : « M’étant mis en route avec quelques compagnons du cheikh sidi El-Hacèn, nous nous arrêtâmes au cimetière où reposaient ses ancêtres, et nous visitâmes spécialement le tombeau de son bisaïeul Saâd. C’est sur la recommandation expresse du cheikh, qui nous avait indiqué l’endroit où se trouvait ce tombeau, que nous fîmes ce pèlerinage. Il nous le fit faire dans l’intention d’attirer sur nous les bénédictions de ses ancêtres et de nous procurer le mérite attaché à cette pieuse visite. Ces tombeaux se trouvent au lieu dit El-Djemâa, que, de père en fils, ses aïeux on habité. Le cheikh nous a dit qu’il y avait jadis en cet endroit un grand village, avec une population considérable qui pouvait fournir cent brides, c'est-à-dire cent cavaliers, pour aller faire le commerce, faisant allusion à l’époque où il habitait le village avec son père. La mère de sidi El Hacèn était d’origine Masmoudienne. Elle était venue dans le pays de Tlemcen à la suite du sultan mérinide Abou’l Hacèn, et avait habité la ville de Mansoura, que celui-ci avait fait restaurer, alors qu’il assiégeait Tlemcen (18). Son mari, pour la distraire, l’emmena à El-Djamâa. Le cheikh sidi El Hacèn racontait que, passant avec sa mère à Mansourah, celle-ci lui avait indiqué un endroit de l’ancienne ville en lui disant : « C’est ici qu’était située la maison où nous demeurions à l’époque où cette cité était encore habitée ». Cette vénérable femme vécut fort longtemps. Elle demeura à Tlemcen sous le même toit que son fils, lorsque celui-ci vint s’établir dans cette ville à son retour d’Orient ; et quand elle décéda, le cheikh qui était déjà vieux, l’ensevelit à Aïn Ouazouta, en dehors de la porte Bab-el-Djiad. Tous les jeudis, le cheikh allait faire une visite au tombeau de sa mère : c’est un devoir dont il s’acquitta avec exactitude tant que les infirmités de la vieillesse ne l’empêchèrent point de sortir de son logis. Il était très affectueux et très dévoué pour ses parents, et profondément attaché à tous ceux qui tenaient à lui par le moindre lien fut celui du sang, du lait ou de l’amitié. Sa vénération et son respect pour sa mère étaient si grands qu’il poussait ses scrupules jusqu’à s’interdire de coucher dans la même chambre qu’elle, jugeant cette familiarité peu respectueuse et contraire à toutes les convenances. Il conservait avec le plus grand soin quelques une des hardes qui avaient appartenu à sa mère, voire même la peau de mouton sur laquelle elle avait l’habitude de s’asseoir ; il gardait tous ces objet comme l’on garde un précieux trésor, et les considérait comme un gage de bonheur et de célestes bénédictions ; il les vénéra jusqu’à sa mort, voulant témoigner par là le respect qu’il avait pour tout ce qui est respectable aux yeux de Dieu, et, en mourant, il assura, par testament, la conservation des objets dont il s’agit . Du reste, il poussa aux dernières limites son dévouement et son affection pour les auteurs de ses jours, et pour tous ceux qui tenaient à lui par les liens de la parenté. Il avait coutume de dire à ses disciples : « La piété filiale et le dévouement pour les maîtres à qui nous devons notre instruction sont les sources du bien et de la bénédiction divine » Tel est à peu prés le sens de ses paroles. Après la mort de son père, le cheikh partit pour l’Orient et y séjourna longtemps. C’est à Bougie qu’il fit la plus grande partie de ses études, auprès de sidi Abderrahman El-Oughlicy (19) et des autres docteurs de cette ville. A Constantine, il suivit les cours du cheikh Abou Abdallah El-Marrakechy (20). Il aimait à parler des professeurs qu’il avait rencontrés dans ces deux villes, mais il gardait le silence sur les autres. Il était très imposant, et j’avoue n’avoir jamais vu aucun professeur ni aucun saint inspirer la crainte respectueuse qu’il inspirait lui-même. Il se montrait d’une grande discrétion sur tout ce qui le concernait, et était plutôt renfermé en lui-même que communicatif. On ne le voyait jamais rire aux éclats : tout au plus souriait-il légèrement. Tout en lui montrait qu’il avait fait le pèlerinage de la Mecque, bien qu’il gardât le secret sur ce point. C’était surtout quand il lisait le chapitre du pèlerinage qu’il en faisait éclater la preuve en dépeignant les lieux saints comme quelqu’un qui les a réellement vus. Du reste, tout le monde l’affirmait, et j’ai même entendu le cheikh sidi Ahmed ben El-Hacèn, le propre fils de sidi El-Hacèn, dire que, s’étant rendu à la Mecque, il rencontra dans cette ville le cheikh sidi Abd El-Hadi qui lui dit, en lui montrant le couvent situé dans l’enceinte sacrée du temple : « C’est dans ce couvent que le cheikh El-Hacèn a séjourné pendant cinq ans » Quand sidi El Hacèn revint d’Orient, il se fixa à Tlemcen, où il suivit les leçons du cheikh sidi Yahia El-Mataghry, l’un des plus illustres compagnons de sidi Ibrahim El Masmoudy. Voici ce qui m’a été raconté par un cheikh éminent : « Tous les matins, dit-il à l’haure où le soleil est déjà haut sur l’horizon, je voyais sidi Ibrahim El-Masmoudy se rendra à l’oratoire du cheikh Abou Zakarya Yahia, et s’y enfermer avec ce dernier jusqu’après midi. Après quoi, sidi Ibrahim El-Masmoudy allait faire une visite aux anciens tombeaux et procédait en ces lieux à ses ablutions, tandis que sidi Abou Zakarya Yahia rentrait dans son logis »
« Sidi El-Hacèn étudia aussi le traité du partage des successions d’El Hawfy, sous la direction du cheikh sidi Saïd et du père de sidi Iça Amzian (le jeune). J’ai vu un commentaire de sidi El Hacèn sur cet ouvrage : il l’avait poussé un peu au-delà du chapitre du testament, mais j’ignore s’il l’a terminé ; c’est une œuvre utile, renfermant de très grands éclaircissements qu’on ne trouve dans aucun autre commentaire de ce livre. Le cheikh n’avait fait connaître son œuvre à personne ; mais ayant appris, par mon frère sidi Ali que j’étais occupé à composer un commentaire sur El-Hawfy, il lui parla, à cette occasion, de son travail et me l’envoya pour que je pusse m’en servir dans la composition de mon livre. Malheureusement, j’avais achevé celui-ci. Après avoir lu le manuscrit de sidi El-Hacèn, je me pris à regretter de ne pas l’avoir eu à ma disposition au début de mon travail, car j’aurai adopté la méthode employée par le cheikh dans l’exposé des commentaires, comme aussi sa manière de faire concorder exactement les données de la science avec les paroles d’El Hawfy. J’ai cependant retouché certaines parties de mon livre partout ou cela m’a été possible. J’ignore ce qu’est devenu le manuscrit du cheikh après la mort de celui-ci ; mais comme je sais que le fils de sidi El-Hacèn prenait grand soin des livres, il m’est permis de penser que ce manuscrit a péri avec les autres ouvrages que le petit fils du cheikh emportait avec lui quand il fit naufrage en se rendant en Orient.
« En somme, les sciences que le cheikh possédait parfaitement sont : le partage des successions, le calcul et le droit. Il lisait d’une manière agréable l’Alfiya d’Ibn Malik, et se bornait à l’expliquer en s’aidant du commentaire d’El-Makoudy (21). C’était surtout quand il enseignait la riçala qu’il se montrait on ne peut plus admirable : il tirait alors du fond de cet ouvrage des déductions basées sur la lettre et l’esprit du texte, et faisait des allusions et des rapprochements qui dénotaient sa profonde connaissance de toute la science juridique répandue dans Ibn El-Hadjib, la Modawana, et les livres qui sont la source même du droit. Son esprit sagace savait y découvrir des choses auxquelles aucun des professeurs que nous avons connus n’avait songé. Il citait avec exactitude les textes des ouvrages sur lesquels il s’appuyait et avait une idée adéquate des sujets qu’il traitait. Jamais il ne traitait une question d’une manière vague et confuse. J’ai assisté aux leçons qu’il faisait sur la Riçala et le précis d’Ibn El Hadjib : il commençait par expliquer les termes de la question qu’il se proposait de résoudre jusqu’à ce qu’il s’aperçut qu’ils avaient été parfaitement saisis par tout le monde ; après cela il faisait de longues citations de commentateurs dont il discutait les opinions ; et finalement il puisait aux sources mêmes du droit : dans les grands recueils, tels que ceux d’El-Lakhmy (22) et d’Ibn Rochd (grand-père d’Averroès), dans le livre Les raretés (23), et dans d’autres ouvrages semblables, les arguments au moyen desquels il confirmait la question. Un grand nombre de docteurs, tels que sidi Mohammed ben Abbès , sidi Mohammed ben En-Nedjar , sidi Soleïman El-Bouzidy et autres savants, assistèrent à ses conférences, et tous se plurent à reconnaître son intelligence et l’exactitude de ses citations.
« Le cheikh professait un très grand respect pour la science. Pendant qu’il était occupé à donner sa leçon, personne ne pouvait l’approcher pour lui parler affaire, et pendant qu’il faisait ses conférences, aucun étudiant ne pouvait causer avec ses camarades, ni tourner vers eux, ni regarder ceux qui entraient, ni répondre à une question posée au cheikh avant que celui-ci lui eut adressé la parole au sujet de cett question.
« Voici ce que je tiens de la bouche de mon frère sidi Ali, et qui témoigne du grand respect que le cheikh professait pour la science. « Un jour, dit-il, que nous avions déjà commencé notre leçon, laquelle roulait sur la Riçala, voilà qu’un bruit confus se produisit au dehors, causé par l’arrivée de gens à cheval et par le mouvement qu’ils se donnaient : c’était la sultan Ahmed qui s’était rendu devant la porte de la mosquée et qui voulait y entrer pour faire visite au cheikh. Son mézouar (24), le cheikh Omar, étant entré, vint se placer au milieu de nous, pendant que nous étions à lire. Il n’osa point se présenter devant le cheikh à cause de la crainte que celui-ci lui inspirait. Se tenant derrière moi qui faisais office de lecteur pendant la leçon sur la Riçala, il me piquait avec le pied quand il voyait le cheikh tourner la tête d’un autre côté que le mien, et alors que celui-ci reportait ses regards vers moi, il retirait son pied par crainte du cheikh. Il resta ainsi quelque temps derrière moi, tandis que le sultan demeurait debout à la porte de la mosquée. Cependant, le cheikh ne voulut point interrompre sa leçon ; il ne se tourna même pas pour les regarder, et personne ne put lui adresser la parole. Après être restés ainsi debout assez longtemps, le sultan et sa suite, désespérant de voir le cheikh congédier l’auditoire pour le recevoir, prirent le parti de se retirer et d’aller faire en attendant, une visite au tombeau du cheikh sidi Ahmed Ed-Daoudy (25). Ils restèrent longtemps chez ce dernier, et quand enfin ils furent certains que sidi El-Hacèn avait fini de donner ses leçons, ils retournèrent chez lui. Ils le trouvèrent alors qui avait donné congé à son auditoire et purent qu’entretenir avec lui. Une autre fois, c’était dans le mois de ramadhan, nous vîmes arriver, dit sidi Ali, le sultan Ahmed, pendant que je lisais, devant le cheikh, le Sahih de Moslim, je voulus me lever, mais le cheikh me gronda à haute voix en me disant : « N’interromps pas la lecture du hadith » ; et il resta assis à sa place. Le sultan s’étant avancé et approché du cheikh, lui baisa sa main et s’installa de son côté. Le cheikh ne lui adressa la parole que lorsque nous eûmes fini de prendre notre leçon qui ne fut ni plus longue ni plus courte que de coutume, et qui dura assez longtemps après l’arrivée du sultan » Mais combien d’autre faits de ce genre ne pourrions-nous pas citer à l’appui du respect que le cheikh professait sur la science.
« Sidi El-Hacèn poussait la mortification aux dernières limites. Qu’il suffise de dire que pendant plusieurs années il n’eut point d’autre nourriture que les morceaux de pain qu’il ramassait dans les rues de Tlemcen ou qu’il trouvait dans les trous des murailles. Il jeûnait perpétuellement le jour, mais il lui arrivait souvent de rester plusieurs jours et plusieurs nuits de suite sans rompre le jeune. J’ai entendu dire par mon frère sidi Ali et par d’anciens compagnons du cheikh dignes de foi, qui s’occupaient de ses repas, qu’au début de sa carrière religieuse, il jeûnait du vendredi au vendredi prochain. D’après ce que m’a raconté un pieux cheikh, l’un de ses compagnons, il avait recommandé à celui-ci, pendant le mois de ramadhan, de venir lui réciter à la mosquée les prières dites teraouih el qiam (26). Le soir venu, le disciple lui apportait de quoi manger, mais le cheikh renvoyait les vivres chaque fois qu’on lui en offrait, et il passa ainsi le mois entier sans rien prendre. Une autre personne, digne de fois, m’a appris qu’une fois le cheikh passa tout le mois de ramadhan sans manger autre chose, la nuit venue, qu’une poire.
« Parmi les anecdotes qui ont cours au sujet de ses jeûnes prolongés, en voici une que je tiens de la bouche de mon frère sidi Ali, et qui est comme de tous les disciples du cheikh et même d’autres personnes : « J’ai entendu, dit sidi Ali, raconter le trait suivant par sidi Ahmed ben El-Hacèn, sans que je sache de qui celui-ci le tenait ; il m’a été rapporté aussi par le pieux cheikh sidi Ahmed El-Melity, l’un des anciens compagnons du cheikh et par sidi Ibrahim Ez-Zouaghty. D’après toutes ces personnes, sidi El Hacèn passa une fois quarante jours sans rien manger ni le jour ni la nuit et sans parler à personne. Elles m’ont assuré que, durant tout ce temps, il resta étendu sur le dos ; seulement, quand l’heure de la prière était arrivée, il se levait pour s’acquitter de ce devoir ; puis, la prière achevée, il reprenait sa position horizontale et ne bougeait plus comme quelqu’un qui ne serait plus de ce monde. Après avoir ainsi passé les quarante jours, il se mit à parler de nouveau et revint à son état ordinaire »
« Quand à ce qui est de jeûner trois jours de suite, ou à peu prés, c’est une chose qui lui a été vu faire dans la dernière période de sa vie, alors qu’il avait prés de cent ans.
« Le cheikh ne s’allongeait jamais par terre, ni le jour ni la nuit ; quand le sommeil l’accablait, il se mettait simplement sur son néant ; on ne le vit jamais le corps étendu par terre, si ce n’est durant la maladie qui l’emporta. Il arriva, dans cette circonstance, que ses amis et son fils, jugeant sa demeure beaucoup trop étroite, vu qu’elle ne pouvait contenir tout au plus que les personnes dont il avait besoin pour le soigner, et voyant la grossièreté de son oreiller et de sa couche qui consistait en un tellis (27), convinrent de lui procurer une maison plus vaste dans le même quartier. Ils y installèrent une couche formée de tapis riches et moelleux et la lui arrangèrent le plus commodément possible. Puis il prièrent le malade de se laisser transporter dans le nouveau logement, ce à quoi il consentit, voyant qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement. Il se laissa donc conduire et passa la nuit dans sa nouvelle demeure. Mais, le lendemain, il les appela et leur dit : « Ramenez-moi dans ma chambre ; rendez moi ma couche rude et grossière ; cette nuit, j’ai dormi grâce au bien-être que j’ai éprouvé à cause de la mollesse de ma couche. Mais vous m’avez jeté, au bout de ma carrière, dans les filets de ce bas monde, moi qui toute ma vie ai travaillé à les éviter » Telles furent, à peu prés, les paroles qu’il prononça. Ce jour là même, ils le reconduisirent à sa première demeure, lui cheminant péniblement au milieu d’eux et traînant les pieds par terre. Ils le réintégrèrent dans son étroit domicile et le placèrent sur sa rude et grossière couche où il resta gisant jusqu’à l’heure de sa mort.
« Il était si scrupuleux qu’il ne mangeait rien de ce qui provenait de l’aumône légale ou des habous (28) en général ; il n’acceptait jamais non plus ce qui lui était offert par les militaires, et il ne permettait même pas à ses serviteurs ni à ses fils de recevoir de pareils dons. Voici, à ce propos, ce qui a été rapporté par le cheikh Ahmed ben Yaqoub El-Khalidy, vizir du sultan Abou Abdallah Mohammed, fils d’Abou Tachefin . « Un jour, dit-il, j’accompagnais le sultan dans une visite qu’il faisait au cheikh. Il avait apporté avec lui, à mon insu, une batniya (29) garnie d’une somme considérable d’argent, dans l’intention d’en faire cadeau au cheikh. Lorsque nous sortîmes de chez lui, le sultan mettre dans la main du cheikh, à cause de la crainte respectueuse que celui-ci lui inspirait. Le cheikh ne tarda pas à l’apercevoir, et croyant qu’elle avait té laissée là par oubli, il expédia quelqu’un après moi pour me dire : « Qu’est ce donc que ce que votre maître a laissé chez moi ? Sidi, lui répondis-je, je l’ignore. Etant allé alors trouver le sultan, je lui dis : le cheikh vient d’envoyer après moi pour m’interroger au sujet d’une batniya que vous auriez laissée chez lui à l’endroit où vous étiez assis. – C’est vrai, répondit le sultan, je l’ai laissée à dessein, désirant que le cheikh en distribue le contenu ou qu’il en fasse ce qu’il voudra » Puis, m’étant rendu chez le cheikh, je l’informai de ce que le sultan venait de dire : Par Dieu ! me répondit-il, cet argent ne restera pas chez moi, et je ne veux pas non plus le distribuer. Dites à votre maître qu’il le distribue lui-même si cela lu plait »
« Lorsque le sultan Abou faris vint assiéger Tlemcen et en eut expulsé le prince régnant (30), il envoya le caîd Ar’ar avec des foulons ; puis le caîd se rendit auprès de sidi El-Hacèn pour le prier de distribuer ces animaux aux pauvres ; mais le cheikh le reçut si mal et lui parla avec tant de dureté que le malheureux, vivement affecté, fut pris de fièvre pendant quelque temps et se vit obligé de ramener au sultan le troupeau tel qu’il l’avait reçu.
« Vers la fin de sa vie, le cheikh ne cessait de prier Dieu de l’enlever de ce monde avant de se voir obligé de se nourrir des revenus affectés à la Medersa , c'est-à-dire de s’en nourrir sans le savoir, craignant que dans ce qu’on lui apportait de la maison de son fils, pour son repas du soir, il n’y eut quelque chose provenant de la source en question. Effectivement, Dieu l’enleva bientôt après qu’il eut exprimé ce vœu. Le cheikh avait, en effet, une grande répugnance pour la Medersa.
« Voici ce qui m’a été raconté par sidi Ali, et qui donne une idée de l’extrême pureté des mœurs du cheikh et du soin qu’il prenait d’éviter tout ce qui peut offenser Dieu, soit-il béni et exalté ! » Ayant appris, dit sidi Ali, que son fils s’était permis certains écarts de conduite, il en fut vivement ému, et , m’ayant mandé auprès de lui, ainsi que les autres camarades de son fils, il nous dit, visant spécialement ce dernier : « Qu’ai-je appris à votre sujet ! Par Dieu ! Je vous déclare que l’idée d’offenser le très Haut n’a jamais germé dans mon esprit ; et je trouve très étrange que quelqu’un qui lit le Coran et entend faire la lecture des hadith du prophète puisse commettre quelque mauvaise action »
« Le cheikh racontait de lui le trait suivant : « Je me trouvais dans un village, quand, un jour que j’en suis sorti pour aller faire, une promenade aux alentours, je fis la rencontre d’un homme qui ayant lié conversation avec moi, finit par me tenir à peu prés ce langage : « Je m’étonne que vous puissiez vous passer de femmes, étant donné l’état florissant de votre santé, la grosseur de vos membres et la vigueur de votre corps » (il faut que l’on sache à ce propos, que le cheikh était un colosse doué d’une force extraordinaire, et qu’il usa, au point de n’avoir plus que la peau sur les os, tous ces dons précieux de la nature en se livrant à des jeûnes prolongés et en servant de seigneur) En entendant ces paroles, je quittai ce village, et n’y retournai plus, bien que j’y eusse laissé mes livres que je sacrifiai ainsi »
« Voici un autre fait, raconté par le cheikh, qui dénote la sincérité avec laquelle il agissait toujours : « Dans ma jeunesse, dit-il, je fréquentai un homme jouissant d’une certaine aisance, et j’avais l’habitude d’aller m’entretenir avec lui dans une boutique qu’il tenait dans le quartier d’El Kessaria (31). Après m’être absenté de chez lui quelque temps, pendant lequel eut lieu une fête que je crois être celle de la rupture du jeûne, je retournai le voir comme de coutume. « Qu’est ce qui vous a retenu loin de moi ? me dit-il, moi qui vous attendais avec un taâm (il voulait désigner par cette expression les biscuits ronds et autres gâteaux qu’on a coutume de faire pendant les fêtes) que j’ai dû, désespérant de vous voir venir, distribuer aux uns et aux autres » Depuis ce jour, dit le cheikh, je rompis complètement avec cet homme, et ne le revis jamais plus ; et cela, parce que je n’avais eu, en le fréquentant, que des intentions pures et désintéressées, et que je compris qu’il pensait que je cultivais son amitié uniquement pour en retirer quelque profit, à l’instar de certains pauvres qui exploitent l’amitié des riches. Je cessai, en un mot, toute relation avec lui parce que sa sincérité ne répondait pas à la mienne »
« Tel est, à peu prés, le sens des paroles du cheikh »
« Sidi El-Hacèn avait coutume de passer en prières tout le temps compris entre la prière du coucher du soleil et celle de la nuit close. Jamais il ne manquait de se livrer à cette pieuse pratique, et il ne cessait ses oraisons qu’après la prière du soir. Il aimait à invoquer souvent le nom de Dieu et surtout à lire le Coran, à tel point, que non content de le réciter dans ses actes surérogatoires de dévotion, il avait soin, chaque année, et tant qu’il vécut, d’en faire une copie complète sur des tablettes qu’il envoyait ensuite à mon père. Chaque jour, il consacrait à ce pieux travail une partie de son temps, malgré son grand âge, malgré les dérangements que lui causaient ses entrevues avec le sultan, malgré le temps que lui prenait l’enseignement de la science, malgré enfin la faiblesse de son corps, qui provenait de ses longs jeûnes. Béni soit le seigneur Tout-puissant et libéral qui octroie sa miséricorde à qui il veut, qui comble de ses grâces qui il lui plait !
« En somme, le cheikh avait de très nombreuses qualités. C’était un homme qui cachait avec le plus grand soin tout ce qui regardait sa vie privée, et qui était très discret sur tout ce qui le concernait.
« Citons, dans le double but d’attirer sur nous les bénédictions célestes et de faire connaître au lecteur la finesse et la subtilité de l’esprit du cheikh, une de ces utiles données qu’il puisait dans sa vaste érudition : certain serviteur du cheikh, homme très âgé et appartenant à la classe ordinaire de la société, avait coutume, toutes les fois qu’il rencontrait quelqu’un qui lui demandait des nouvelles de sa santé, de répondre : « Je me porte bien, puisse Dieu s’informer de vous ! » Les juristes désapprouvent cette eulogie parce que l’action de s’informer y est attribuée au Très-Haut, et que cela implique nécessairement l’idée d’ignorance de la part de Dieu, chose absurde en parlant de lui. Mais le cheikh écoutait cette formule déprécative sans le désapprouver, et les juristes lui ayant exposé la raison pour laquelle ils la condamnaient, il le répondit en ces termes : « Il n’y a rien de blâmable dans cette formule, parce qu’on peut la considérer comme un souhait par lequel on s’exprime, à la personne à qui on l’adresse, le désir de la voir toujours faire ses prières et autres dévotions aux heures prescrites par la loi religieuse ; et ce , d’après le hadith qui dit au sujet des anges qui se succèdent jour et nuit auprès de nous (32) : « Et le Très-Haut leur demande, bien qu’il le sache : Comment avez-vous laissé mes serviteurs ? – Seigneur, répondent-ils, vos serviteurs priaient quand nous sommes allés à eux, et ils priaient quand nous les avons quittés » Or, tels étant à peu prés les termes du hadith, il faut en inférer que les serviteurs, dont le seigneur demande des nouvelles aux anges, ne peuvent être que ceux qui prient aux heures prescrites, et qui jouissent de sa grâce ; en sorte que celui qui formule le vœu dont il s’agit prie, en réalité, Dieu de mettre la personne pour qui ce vœu est fait au nombre des serviteurs dont Dieu demande des nouvelles pour la forme et par bonté de sa part, et non pour s’instruire ou s’informer de quelque chose qu’il ne sait pas » Tel est le sens de le réponse du cheikh. Du reste, je l’ai presque toujours vu déployer dans ses cours de droit la même finesse et le même subtilité d’esprit que dans l’exemple que je viens de citer. Il était si précis, si exact dans ses données, si soucieux de ne rien laisser échapper à l’attention de ses élèves, qu’il eut été impossible de trouver un autre professeur possédant ces qualités au même degré que lui. J’ai entendu nombre de maîtres et de docteurs hors ligne déclarer n’avoir jamais vu personne enseigner le droit avec autant d’exactitude et de précision que le cheikh. Lorsque, dans ses conférences, une question était soulevée par un des jurisconsultes, il ne consentait à l’examiner et à la discuter qu’après avoir prié celui-ci de lui en exposer nettement les termes. Alors, il arrivait souvent que les uns se trouvassent fort embarrassés de répondre, et que les autres, faussant les termes de la question, finissent par l’embrouiller et se missent ensuite à chercher la vraie manière de la présenter. En somme, le cheikh ne prêtait aucune attention aux questions qu’on lui posait d’une manière vague et confuse, et n’y répondait qu’après qu’on lui en avait nettement exposé les termes.
« Voici ce qui m’a été raconté par mon frère sidi Ali : Le cheikh sidi Mohammed ben El-Abbès, ayant assisté à une conférence de sidi El-Hacèn, nous dit, après que celui-ci s’en fut retourné chez lui : « Ce cheikh est une des merveilles de Dieu », ou quelque chose d’approchant. C’est qu’en effet sidi El-Hacèn réunissait toutes les perfections : les savants ne l’approchaient qu’avec l’humilité et lui baisaient respectueusement la main, tant à cause de son savoir que de sa naïveté ; les hommes pieux, les dévots et les saints se montraient envers lui pleins de soumission et de déférence, parce qu’ils reconnaissaient la supériorité de son mérite ; enfin, les princes et ceux qui, dans la société, occupaient les rangs les plus élevés , s’estimaient petits quand ils comparaient leur pouvoir et leur dignité à la puissance et à la vénération dont jouissait le cheikh et qui lui venaient de Dieu. Un jour que, dans la mosquée de sidi Et-Tayyar, j’étais à lire le Sommaire d’El-Khounedjy devant notre professeur sidi Mohammed ben El-Abbès, nous vimes arriver l’un des serviteurs de sidi El-Hacèn, qui s’approcha de sidi Mohammed ben El-Abbès et lui posa une question sur les péchés capitaux « Quoi ! s’écria celui-ci, vous venez m’interroger là-dessus alors que nous-même nous nous instruisons auprès du cheikh sidi El-Hacèn ! » Que le Très-Haut fasse miséricorde à sidi Mohammed ben El-Abbès ! Qu’il était équitable et rempli de belles qualités !
« J’étais heureux d’entendre le cheikh sidi El-Hacèn me faire ce souhait toutes les fois que je le saluais : « Que Dieu te range parmi les pieux imams ! » J’étais alors jeune et à peine pubère. Quand je vois aujourd’hui certains de mes anciens condisciples à qui Dieu a fait la grâce de devenir des hommes pieux, je me dis en moi-même : c’est peut être à la bénédiction attachée aux prières du cheikh qu’il doivent d’être ce qu’ils sont. J’espère donc que Dieu exaucera le vœu du cheikh comme il a exaucé ceux qu’il a formés en faveur de tous mes camarades, et je le prie de nous octroyer à tous sa plus haute bienveillance en ce monde et dans l’autre, comme aussi de nous accorder, ainsi qu’à tous les croyants et à toutes les croyantes, après notre carrière mortelle, le bonheur éternel et le pardon de tous nos péchés, et de nous préserver de toute épreuve le jour où nous le rencontrerons. Amen ! Amen ! Amen ! » (33)
(Extrait des notes d’Es-Senoûsi)
(Sidi El-Hacèn mourut à la fin de Chawal 857, 3 novembre 1453)
Notes

1 On peut lire la biographie de El-Hasan ben Mekhlouf dans neil el-ibtihadj, p.91 et dans complément de l’histoire des Beni-Zeiyan, par l’abbé Bargès, p321 et suivantes.
2 L’Ouencheris, dont nous avons fait l’ouarensenis, est un massif montagneux, atteignant 2.000 mètres d’altitude, au S-O de Miliana. C’est le Guenseris de Sanson et le Ganser de Duval.
3 Un des manuscrits porte en marge :
هذه ااقرية تسمى بقرية ااجمعة ااعزولي بارض اافحول من وطن ااغسل
« Ce village s’appelle : village d’El-Djema’a el-Azouly, et est situé dans le territoire d’El-Fehoul, tribu d’El-Ghocel »
El-Fehoul est actuellement une annexe de la commune mixte de Remchi.
4 Cette scène se passe à Tunis, où Mohammed, fils d’Abou TachefinII, roi détrôné de Tlemcen, était détenu comme prisonnier d’état avec son vizir Ahmed ben Yaqoub, par le sultan Abou Faris. Voyez Et-Tenessy, traduction de l’abbé Bargès, p.125.126.167 et 168.
On lit ce qui suit dans la chronique des Almohades et des Hafcides, par le cheikh Abou Abdeallah Mohammed et Loulouy Ezzerke’chy (page 113 du texte arabe) :
« Abu Faris, ayant donné l’investiture du gouvernement de Tlemcen à l’émir Ahmed, fils de feu le sultan Abou hammou Mouça le Zianide, et l’ayant installé sur le trône de ses pères, reprit le chemin de sa capitale en 835 (inc.30 Septembre.1429), emmenant avec lui le prince Mohammed, fils d’Abou Tachfin, qu’il renferma comme prisonnier de guerre dans la citadelle de Tunis. C’est là que celui-ci périt misérablement dans le courant de l’année 840 (inc.16 juillet 1436) »
Mohammed ben TachfinII régna deux fois. La première de 1424 à 1428 et la seconde de 1430 à 1431.
Abou faris Azzouz, fils s’Abou’l Abbès, régna à Tunis de 1394 à 1434
5 Les Beni Hacin babitaient la contrée bornée, au sud, par les montagnes de Titery ; au nord, par le territoire de Médéah, et à l’ouest, par les Beni Todjin. Ils formaient deux grandes tribus, les Djendel et les Kharach. Leur principale place forte était Titery.
(Hostoire des berberes, tome I, p56 de la traduction de Slane)
6 Abou’l Abbès Ahmed , fils d’Abou Hammou II, succéda à Mohammed ben Tachfin II et régna à Tlemcen de 1431 à 1438.
7 Cette porte, qui se trouvait à Agadir, n’existe plus de nos jours. Elle s’appelait aussi Bab Sidi Daoudy. Ses pieds droits et les pilastres qui les accompagnaient avaient été construits avec des pierres de taille de grand appareil, extraites des ruines de la Pomaria romaine.
8 Les musulmans appellent de ce nom la partie du monde où le temple de la Mecque est situé, et vers laquelle ils sont obligés de se tourner quand ils font leurs prières. Dans les mosquées la qibla est marquée par le mihrab, qui est la niche où se place l’imam pour réciter les prières.
Voyez Coran, sourate II, verset 139
9 L’Asr est le milieu de l’après midi, vers trois heures
10 Voyez la note 312. Cf. Et-tenessy, traduction de l’abbé Bargès, page 123
11 On peut voir au musée de Tlemcen des boulets en marbre de 1m50 à 2 mètres de circonférence
12 Village et montagne à environ 50 kilomètres au sud d’Oran
13 Voyez sur cette mosquée l’article de M.Brosselard (inscriptions—Habous des mosquées de sidi Senoûsi) publié dans la revue Africaine de Septembre 1861
Massoufa est le nom d’une branche de la tribu des Sanhadja. On le trouve mentionné dans l’histoire des berberes par Ibn Khaldoun, p.3, 64, 72, 105 du second volume de la traduction de M. de Slane
14 D’après les musulmans, le bien vient de Dieu, le mal vient de l’Homme. Voyez Coran, sourate IV, verset 81
15 « Ibn Qacim dit que le mot Paréhzerd, qui signifie en Persan une pièce jaune, désigne une étoffe que les juifs sont obligés de coudre sur leur épaule, pour se faire connaitre et distinguer entre les autres nations du Levant
Cette marque est nommée par les Arabes (ÛíÇÑ ) ghiar, nom général qui convient à tous les signes qui servent de distinction ; en sorte que ce mot signifie aussi la couleur particulière que les soldats portent, pour faire connaître de quel parti ils sont, et tout ce qui sert de signe aux personnes pour faire connaître de quelle nation, religion ou parti ils sont
« Les chrétiens et les juifs, par l’ordonnance des Califes, portaient aussi dans l’Orient, de larges ceintures de cuir, appelées zonnar, est un mot arabe, persan et turc, qui a été formé du grec vulgaire zwvapr , corrompu de celui de zwvi
« Motawakkil, dixième calife de la maison des Abbassides fut le premier de tous les princes mahométans qui obligea les Chrétiens et les Juifs de porter cette sorte de ceinture, pour les distinguer d’avec les Mahométans. L’ordonnance qu’il fit sur ce sujet fut publiée l’an 235 de l’Hégire (inc.26 Juillet 849), depuis lequel temps les Chrétiens d’Asie et principalement ceux de Syrie et de Mésopotamie, qui sont presque tous, ou Nestoriens ou Jacobites, le portent ordinairement. C’est ce qui a fait donner le nom à ces schismatiques, de chrétiens de la ceinture.
« La discipline des Eglises de l’Orient, sous les califes Abbassides, étaient encore si fort en vigueur, que les évêques excommuniaient les chrétiens quand ils violaient les canons ; et l’usage était pour lors de couper cette ceinture ceux qui étaient ainsi séparés par l’anathème, lesquels recevaient même quelques coups de cette ceinture sur les épaules, d’où vient que le mot Zonnar signifie parmi les chrétiens d’Orient ce qui s’appelle parmi nous la discipline
« Les orateurs et les poètes orientaux louent souvent leurs princes au sujet des guerres qu’ils font aux chrétiens, qu’ils appellent infidèles, et lorsqu’ils veulent exagérer leur victoire, ils ne manquent jamais de dire, qu’ils ont fait taire leurs cloches et mis en pièces toutes leurs ceintures noires »
(D’Herbelot, bibliothèque orientale, articles Iahoud et Zonnar)

On lit ce qui suit dans la chronique des Almohades et des Hafcides d’Ez-Zerkechy, p.19 et 20 de la traduction de M.Fagnan :
« En 595, un ordre d’El Mançour enjoignit aux juifs d’employer le signe distinctif et de porter des tuniques d’une coudée de long sur autant de large, ainsi que des burnous et des bonnets bleus »
Et en note (p.19 et 20) :
« …Quand au mot شكلة il peut signifier « forme, figure » et il est permis de supposer qu’il s’agit ici d’une chose analogue à la roue ou rouelle imposée aux juifs d’Europe (voir revue des études juives, t.VI, p.81 et 268 ; VII, 94). L’indigène dont j’ai parlé p.8 me fournit cette note : « la chekla est un signe علامة variable d’après les régions ; elle consiste entre autres dans la nécessité pour les juifs de se raser la tête, sauf aux tempes. » Le sens exact du mot parait, autant que j’ai pu m’en assurer, n’être plus connu des Tunisiens mêmes. Mais le souvenir s’en est néanmoins conservé en Afrique, témoin le brocard injurieux encore en usage à Ténès :
يا يهودي بوشكلة ضربك بابا بااركلة
صاب عفيفة في يدك ينعل بوك وبو جدك

Il existe encore à Constantine une famille juive nommée Bouchekila. Merrâkechi (trad.p.264) donne plus de détails sur les mesures prises par El Mançour contre les spectateurs de Moïse, mais sans employer ce mot. Nous verrons plus loin, qu’en 648 un ordre nouveau rappela aux juifs de Tunis l’usage, sans doute tombé en désuétude, de la chekla. K’ayrawani (texte, p.128,I.4) rapporte les mêmes faits en ces termes : « En cette année (648), la chekla fut (de nouveau) imposée aux juifs, qui eurent à supporter toutes les humiliations possibles »
(Comparez la trad. Pellissier-Rémusat, p.224). On peut se faire une idée des avanies auxquelles étaient encore soumis les juifs à Tunis plusieurs siècles plus tard, vers 1080 Hég. Par l’expression du même chroniqueur (p.253,I, 14), qui pour peindre l’exaspération des Tunisiens contre les arabes nomades et leurs déprédations, dit que les Awlad Sa’ïd aimaient mieux se dire juifs qu’avouer leur origine
C’est le mot ÛíÇÑ qui est employé chez les écrivains orientaux, lesquels, à ma connaissance ne se servent pas du mot chekla (Chrest.ar.de Sacy, 1, 97, 144 et 191 ; religion des Druzes, du même, p.CCCIX, etc) »
Cf. l’article : le signe distinctif des juifs au Maghreb, publié dans la revue des études juives, avril juin 1894, par M.E.Fagnan
16 Voyez, sur les Beni-Rached, Ibn Khaldoun (histoire des berbères, trad. de Slane, t.IV, p.1 et suivantes), Léon l’Africain (traduct, t.IV.p.263) et Dr Shaw (voyage dans la régence d’Alger, trad.franç, p.280)
17 La table conservée, appelée autrement livre évident, est le livre des arrêts éternels où se trouve inscrit tout ce qui a été qui est et qui sera. Voyez Coran, sur.VI, v.59.Voyez aussi la note 36
18 Le siège de Tlemcen par Abou’l-Hacen dura d’Août 1335 (735 de l’Hég) au 1er mai 1337 (27 ramadhan 737)
Voyez ibn Khaldoun, Histoire des berbères, tome III, p.410 et suiv. de la trad. De Slane ; Et-Tenessy, histoire des Beni Zeïyan, p.53 de la trad. De L’abbé Bargès
19 Abou Zeid Abderrahman ben Ahmed El-Oughlicy était muphti de Bougie. Il mourut dans cette ville l’an de l’Hégire 786 (inc.24 février 1384). On lui doit un traité de droit intitulé d’El-Moqaddema, appelée aussi El-Oughliciya, et des décisions juridiques.
Voyez sa biographie dans neil el-Ibtihadj, p.142
20 C’est Mohammed ben Abou Zeïd Abderrahman ed-Dharir El-Marrakechy.
21 Abou Zeid Abderrahman ben Ali ben Salih El-Makoudy El-Facy fut un savant grammairien. On lui doit un commentaire sur l’Alfiya d’Ibn Malik, un autre sur la Djarroumiya, une mise en vers du Mo’arrib min el-alfadh, une poésie en l’honneur du prophete et un poeme sur la déclinaison grammaticale. Il mourut à Fez, le 11 Cha’ban 807 (12 Février 1405). L’imam Ibn Merzouq el-Hafid avait été son disciple
Voyez sa biographie dans neil el-Ibtihadj, p.143 et dans Djedhouat el-Iqtibas, p.259
22 Abou’l Hacen Ali ben Mohammed er’Reb’y el-Lakhmy naquit à Kairouan et se fixa à Sfax. On lui doit un livre qui porte le titre de Et-tebsira et qui est un commentaire sur le Modawana. Il mourut à Sfax l’an 498 de l’Hégire (inc.23 Septembre.1104). Voyez sa biographie dans Dibadj, p.199.
23 Il y a plusieurs livres qui portent le titre de Naouadir, raretés ; entre autres, celui d’Ez-Zadjjadj, celui d’Ibn Ziad el-ferrâ et celui d’Ibn El-Araby
Ez-Zedjjadj (le verrier) est le surnom d’Abou Ashaq Ibrahim ben Mohammed Es-Serra ben Sahl, savant grammairien. Il avait été le disciple des docteurs El-Mobarred et Tha’leb, et il mourut dans la ville de Bagdad en l’an 311 de l’Hégire (inc.21 Avril 923), âgé de 81 ans.
Voyez sa biographie dans Ibn Khallikan, tome I, p.18
Abou Zakaria Yahia ben Ziad El’Absy, natif de Koufa et surnommé El-Ferrâ (fabricant de fourrures) a été un des plus illustres docteurs de Koufa, et il avait eu pour maîtres Hammad et El-Kiçaïy. Il mourut en l’année 207 de l’Hégire (inc.27 mai 822)
Voyez sa biographie dans Ibn Khallikan, tome III, p.194
Abou Abdallah ohammed ben Ziad, plus connu sous le nom d’Ibn Araby El-Koufy, fut un lexicographe éminent. Il avait été le disciple d’Abou Moawia ed-Dharir, d’El-Mofaddel ed-Dhabby et d’El-Qacim ben Ma’n ben Abderrahman ben Abdallah ben Meç’oud. Le sultan le nomma cadi. Il mourut le mercredi 13 cha’ban 231 (14 avril 846) à Sorra-men-râ
Voyez sa biographie dans Ibn Khallikan, tomeII, p.299
24 Le mot mezouar signifie premier, en berbère. Chez les souverains de l’Afrique, le mezouar remplissait les fonctions de chambellan et de préfet de police. Il était chef des djandar, qui étaient placés constamment à la porte du sultan, pour accomplir ses ordres, faire subir des châtiments qu’il avait décrétés, exécuter ses arrêts sévères, et garder ceux qui étaient détenus dans les prisons
Les Kabules appellent aujourd’hui Mezouar le même personnage que les Arabes nomment cheikh ou Saheb Karta, c'est-à-dire, le chef d’un douar ou d’une fraction de tribu
25 Abou Dja’far Ahmed ben Nasr ed-Daoudy el-Acedy habita d’abord Tripoli de Barbarie, et c’est dans cette ville qu’il composa un commentaire sur la Modawana. Puis il se rendit à Tlemcen, où il donna le jour à plusieurs compositions, entre autres : un commentaire sur la Moatta, intitulé En-nami (l’élevé) ; un ouvrage de jurisprudence qui porte le titre de El-Oua’ï (le conservateur) ; un commentaire sur El-Bokhary, intitulé : En-Naciha (le conseil désintéressé) ; l’Idah (Eclaircissement), où il réfute les théories des partisans du fatalisme. Il s’était instruit lui-même et n’avait eu aucun professeur. Il mourut à Tlemcen l’an 402 de l’hégire (inc.4 août 1011). Voyez sa biographie dans Dibadj, p.49
Sidi Ed-Daoudy était considéré comme le patron de Tlemcen avant que Sidi Bou Medien l’ait détrôné. Son tombeau est situé à Agadir, prés du tombeau appelé Qebeur bent es-Soltan (le tombeau de la princesse). C’est un petit monument du style le plus gracieux, encadré dans un paysage ravissant. Tous les touristes vont le visiter.
26 Teraouih el-qiam ou simplement El-qiam signifie une prière aux repos debout, parce que, autrefois, on faisait une longue pause en restant debout, après chacun des 18 couples de reka’a dont elle se compose. Cette prière se fait pendant le mois de Ramadhan, après la rupture du jeûne et dans la soirée. Cf.précis de jurisprudence musulmane, par sidi Khélil, traduction du Dr Perron, tome VI, p.536. Voyez la note 253
27 On entend par tellis, pluriel telales, un sac double, ou plutôt un sac à deux poches, dans lequel les arabes transportent le grain, les dattes, le charbon, etc. Le tellis se compose d’un rectangle dont les deux petits cotés sont cousus sur le milieu de la pièce. On obtient ainsi deux fourreaux qui ont chacun une extrémité fermée. L’étoffe est une grosse laine rayée. Lorsque les paysans n’ont plus à servir du tellis, ils le décousent et en forment un tapis long
28 Les Malékites nomment habous les biens légués aux établissements religieux, avec la faculté pour le donateur, de s’en réserver la jouissance à lui-même et à ses héritiers désignés, jusqu’à l’extinction de leur descendance. Le synonyme de habous est ouaqf, dont les Hanéfites ont préféré l’usage
29 Une bateniya est une ceinture que l’on porte sur le ventre et dans laquelle on place son argent
30 Le prince régnant était alors Mouley Abou Malik Abd el-Ouahid, fils d’Abou Hammou Mouça. Il fut détrôné par Abou Faris, le 13 de Djoumada second de l’année 827 (13 mai 1424).
Voyez Et-Tenessy (histoire des Beni-Zeïyan trad de l’abbé Bargès, p.117, 165, 166 ; Mohammed ben Abi Er-Raïny El-Kairouany, histoire de L’Afrique, traduction de MM.Pellissier et Rémusat, Paris, 1845, p.258 et 259
31 El-Kessaria est un quartier situé derrière la Grande Mosquée à l’extrémité Est de la rue de la paix. C’est l’ancien bazar des Francs. On en a démoli aujourd’hui une partie pour construire le marché couvert
Voyez, dans la revue Africaine de janvier 1861, un article de M.Brosselard, intitulé : « le quartier franc d’El-Kissaria »
32 Voyez Coran, sourate VI, v.61, et sourate XIII, v.12
33 Le cheikh Sidi Lahcên ben Mekhlouf est mort à la fin du mois de Chawal de l’an 857 (ce mois a commencé le 5 octobre 1453) sous le règne d’Abou’l Abbès Ahmed, et fut enterré dans la mosquée qui porte son nom. Voyez la note 49


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