La décision du Ministre de l’enseignement supérieur de doter l’université de Skikda d’un «centre des sciences dédié à la diffusion de la culture scientifique et à la vulgarisation des sciences» a été très bien accueillie aussi bien par les enseignants que par l’ensemble de la population locale, très jalouse, il est vrai, de son patrimoine.
Cet épilogue, fort heureux, est venu clôturer un long parcours entamé par l’actuel recteur depuis 2006 pour réhabiliter ce qui restait de l’ancienne école d’agriculture de Skikda. Les démarches entreprises par le rectorat finiront par intéresser le Ministère de tutelle et plusieurs délégations se rendront à plusieurs reprises au campus du 20 Août pour étudier la faisabilité du projet.
Ces délégations ne feront que constater l’importance du patrimoine confiné dans les lieux et finiront par appuyer les démarches déjà entreprises par le rectorat au grand bonheur de l’université et de toute la ville de Skikda.
Le choix porté sur le campus de l’antique Rusicade pour abriter le premier centre scientifique du pays n’était donc pas fortuit. L’université, il est vrai, a été élevée sur le périmètre de l’ancienne école d’agriculture d’Algérie dont l’histoire remonte à 1848 et qui a légué après sa création en 1900, une richesse floristique à faire pâlir le jardin d’Essai d’Alger.
Ajoutez à cela l’inestimable trésor fait de collections, d’herbier, d’outils, d’équipements… qui représentent aujourd’hui un authentique patrimoine universel et vous en déduisez que cette décision devait couler de source. Et si aujourd’hui on s’achemine vers la préservation de ce patrimoine, il reste malheureusement à dire que depuis l’avènement de cette université, beaucoup de trésors avaient été à jamais engloutis.
On se souvient même de certains recteurs qui,au début de l’implantation des facultés avaient recommandé de brûler des palmiers centenaires, juste pour disposer d’une assiette foncière. Idem pour les collections de l’ancienne école d’agriculture qu’on a entassé dans des cartons sans aucune précaution.
Les Salles d’exposition
Revenons maintenant à l’essence même de ce musée scientifique. Pour cerner au mieux ses fondements, on dira qu’il est pratiquement scindé en deux parties complémentaires: une première aile confinée dans l’ancien auditorium et une seconde dans l’immense jardin botanique et ses annexes. Ces deux parties se jouxtent et offrent aux visiteurs moult merveilles.
L’ancien auditorium de l’école d’agriculture de Skikda servira désormais de base scientifique. C’est l’antre du musée. Il est composé de quatre grandes salles d’exposition ainsi que d’un hall qui abritent les expositions.
Chapeauté par Dr Ahmed Nouar, cette aile est appelée à connaître d’autres vocations.
«On pense déjà à doter notre musée d’une aile réservée à l’astronomie et d’une station météorologique pour pouvoir reprendre les activités d’acclimatation des plantes exotiques du jardin botanique. On aura également à réhabiliter les vieilles installations pour la production des gaz à partir de la biomasse pour permettre aux visiteurs, les écoliers surtout, de comprendre l’importance de ce processus énergétique purement écologique. Nous avons aussi programmé de produire des supports didactiques de vulgarisation en plus bien sur des activités que nous aurons à proposer au niveau de l’amphithéâtre nouvellement réhabilité et disposant de toutes les commodités» explique M. Nouar.
Ce dernier rajoutera que ces lieux pourront accueillir, dès la rentrée scolaire prochaine le citoyen lambda et surtout l’ensemble des écoliers, collégiens et lycéens de Skikda qui auront toute latitude de s’imprégner des choses de la science.
«En plus de l’aspect technique de préservation le but de ce musée est d’ordre didactique. Ce sera un moyen de vulgarisation des sciences» explique M. Nouar
L’Eden presque oublié de Skikda
En plus des salles d’exposition, le centre scientifique comprend également de vastes superficies où s’entremêlent des espèces végétales coutumières et d’autres essences rarissimes. Il suffit juste de s’engouffrer dans ces espaces pour se sentir emporter par le temps et par l’espace. On y sent l’impression visuelle du Jardin d’Essais d’Alger, la brume étrangère de Cayenne et l’exotisme des mandarins chinois. Tant de sensations qui se raccordent dans un seul lieu.
Ce patrimoine reste la chasse gardée d’un botaniste hors-pair, Ramdane Chalabi en l’occurrence. Lui, c’est un pur produit de l’ancienne école de l’agriculture de Skikda. Il connait les lieux comme sa poche et il en parle avec aisance et avec passion aussi «ces espaces sont mes yeux» ne cessaient-il de répéter mais écoutons-le plutôt parler du jardin botanique: «Notre futur musée abritera des espèces rarissimes qu’on ne trouve même pas au jardin d’Essai. Notre jardin a une particularité tropicale et comprend plusieurs plants de Goyavier dont nous disposons de trois espèces, le Fejoa, le savonnier, les camélias, les Cerisiers de Cayenne, les Dasylire, les cerisiers de Chine sans parler d’une immense collection de cactus mexicains avec 22 variétés ainsi que de palmiers et autres rosiers. En plus de ces espèces, il ne faut pas oublier que l’enceinte de l’actuelle université de Skikda abrite des collections d’agrumes qui n’existent nulle part ailleurs. Il faut savoir qu’il y a une clémentine qui porte le nom de Philippeville crée en 1941 et dont il ne reste malheureusement que 30 arbres»
Pour comprendre l’esprit même de cette richesse il faut savoir que ces lieux disposent d’un microclimat tropical remontant à l’ère de l’école d’agriculture.
Selon M. Chalabi, en 1843, on importa l’avocatier des Antilles en le plantant sur dans ces jardins où il perdure encore et de rajouter «Pour le cerisier de Chine, introduit d’Amérique en 1863,il n’existe nulle part en Algérie, on a réussi ici à le préserver et à en garder encore quelques plants. Pour le Fejoa c’est vrai qu’une variété existe à El Harrach mais à Skikda on en dispose de 05 variétés. Il y a aussi le plaqueminier dont nous sommes les seuls à disposer de pas moins de 5 espèces. Pour rajouter, sachez que pour les Lilas d’été on est les seuls à disposer de trois espèces de différentes couleurs »
M. Chalabi reste prêt à vous raconter tant et tant d’autres merveilles végétales ayant survécu au massacre ambiant. Il vous dira même que les jardins de l’université de Skikda abritent pas moins de 47 espèces médicinales.
«On dit que le Jambolon n’existait qu’en Inde. C’est faux, nous en disposons ici dans nos jardins» conclut M. Chalabi.
Les témoignages de Dr Nouar et du Professeur Chalabi, ne font que confirmer l’importance de la décision ministérielle de doter cette ville d’un musée à la hauteur de sa richesse. Dieu merci car si l’université ne parvient toujours pas à s’incruster dans la vie sociale de la ville, elle aura certainement à combler de savoir et de fierté toutes les générations futures.
C’est déjà tout un acquis.
* Photo: Le centre comprend de vastes superficies végétales et des salles d’exposition
Khider Ouahab
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Posté Le : 21/03/2015
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Khider Ouahab
Source : elwatan.com du jeudi 19 mars 2015