Algérie

Bikini clandestin..


En Algérie, il faut être débrouillard ou avoir une relation privilégiée pour pouvoir bronzer tranquillement en été, passer, en fait, des moments de vacances en toute quiétude qui, par les temps qui courent, deviennent un luxe pas à la portée de tout le monde. Cela est surtout valable pour les jeunes filles qui ne peuvent plus, depuis quelques années déjà, aller à la plage et se mettre simplement en maillot de bain sans affronter les regards insistants et parfois violents des garçons machos toujours troublés par la présence de la gent féminine portant bikini. Pour celles qui refusent de se baigner en « djeba », l'uniforme de plage à la mode qui dissiperait, semble-t-il, toute arrière-pensée malsaine et qui se répand de plus en plus sur notre littoral, il y a deux solutions : ou se priver carrément des plaisirs de la mer pour éviter les histoires, ou se faire pistonner pour accéder à des petites criques « cachées » lesquelles, par la force des choses, prennent l'allure de véritables havres de paix dans une société dramatiquement gagnée par l'intolérance. C'est l'un de ces lieudits que Thalassa nous a montré cette semaine à travers un reportage diffusé par France 3. Le « Vau Marin » est un coin perdu dans les environs de la wilaya de Tipaza. Un bout de plage sans sable aménagé sommairement par un ancien navigateur pour une clientèle sélectionnée qui, à force de fréquenter le coin, a fini par former une grande famille. Ici tout le monde se connaît, tout le monde se respecte. Comme partout dans le monde, on y voit des Algériens s'adonner sans chichi aux plaisirs de la baignade, des parents avec leurs enfants heureux d'être là, et particularité, des jeunes filles en maillot de bain que les garçons regardent sans complexe. Il est vrai que le clin d''il de Thalassa, qui a eu le coup de c'ur pour l'Algérie, ne nous apprend pas grand-chose de ce que nous savons déjà. Mais filmé de la sorte avec une dose de réalisme saisissant, le tableau qui est renvoyé sur notre réalité touristique montre combien sur le plan civilisationnel est énorme la régression accusée par notre pays. Avec 1200 kmde côte, il faut vraiment chercher à la loupe les endroits de ce type pour pouvoir faire trempette en bikini sans soulever les foudres des inquisiteurs des temps modernes. « Moi ça ne me gêne pas de voir les filles en maillot de bain. » Cette phrase prononcée par une femme moutahadjiba, habituée du lieu, prend pourtant tout son sens au moment où en Algérie, il y a de moins en moins de place pour le sexe faible dans les plages. Combien de Vau Marin existe-t-il chez nous ' Celui de Mustapha a-t-il encore un avenir ' On ne se pose même plus ce genre de question lorsqu'on sait qu'entre les modernistes qui veulent une société pluraliste, ouverte et tolérante, et les conservateurs qui verrouillent tout sur leur passage, récusant systématiquement toute idée de progrès sous prétexte qu'elle porte atteinte à nos valeurs culturelles et religieuses, le fossé ne cesse de se creuser. Résultat, c'est la société qui chute dans la déliquescence et le fatalisme. En promenant encore sa caméra dans Dellys, Thalassa a, sans le vouloir, accentué cette vérité criante. Voilà une bourgade côtière très coquette qui, normalement, doit, avec le tourisme, respirer la bonne santé au grand bonheur de sa jeunesse, mais qui visiblement, abandonnée à son sort, peine pour joindre les deux bouts. La cité, à quelques encablures d'Alger, offre le visage d'une localité dont la respiration est à l'arrêt. L'activité économique est inexistante. Le chômage est endémique et les jeunes s'ennuient à mourir. Même la pêche ne peut rien pour eux... Et dire que nos responsables parlent encore d'espoirs de vie liés au tourisme. Ils n'ont qu'à consulter les statistiques mondiales pour savoir que l'Algérie n'a pas sa place dans ce secteur en pleine expansion dans le monde. Pourquoi le Maroc et la Tunisie, qui sont nos proches voisins et donc disposent des mêmes atouts naturels, réussissent bien dans ce domaine et pas nous ' C'est une question de moyens, de compétence ou de volonté politique ' A vous de voir. Cela dit, la jeunesse a besoin de vivre son temps et ne peut attendre éternellement, surtout lorsque les discours officiels ressassent les mêmes rengaines. Il leur reste évidemment une seule ambition, partir au loin... C'est ce que d'ailleurs Merzak Allouache, toujours sous les projecteurs de Thalassa, tente d'expliquer en réalisant un film sur les harraga qui sortira bientôt. L'équation est simple : devant le néant, mieux vaut tenter l'aventure même si elle est dangereuse. A Mostaganem, lieu de prédilection des amateurs de la grande évasion, les familles connaissent bien la nature de ce fléau que les autorités essayent de combattre non pas en trouvant les solutions idoines pour retenir les jeunes, mais en usant de représailles. La télé algérienne paraît très loin de ce débat...
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