Algérie

Bien vieillir et vivre libre, c'est encore mieux !



Près de 11 millions, sur une population globale de plus de 40 millions d'Algériens, représentaient la catégorie des 60 ans et plus en 2019. Et beaucoup d'entre eux se portent comme un charme. Exit l'image d'un sexagénaire grabataire, dans un coin de la maison. Place à une génération qui sort et qui vit indépendante.Depuis la fin des années 1980, la courbe démographique a commencé à s'infléchir. Le taux de natalité a considérablement baissé et un vieillissement progressif de la population a été enregistré.
Compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie, des progrès en matière de santé, d'hygiène et de qualité de la vie, les séniors ont accès à un autre confort de vie et demandent une indépendance et une intimité.
Ghania, 65 ans, retraitée : « la seule chose qui me fait peur est la maladie »
Ghania est bien représentative de cette nouvelle génération qui espère et veut encore s'épanouir durant cette troisième vie. « J'ai six enfants et 19 petits-enfants. Mon mari est décédé et je vis seule dans ma maison. Je ne veux dépendre de personne et n'être à la charge de qui que ce soit. Mon choix a surpris au départ, surtout mon aîné qui voulait absolument que je vive avec lui. Il était hors de question. Je tiens à mon autonomie et à mon indépendance.
J'ai attendu toute ma vie pour, enfin, vivre pour moi, sans préjugés. Notre société est encore coincée dans des traditions et us qui n'ont plus lieu d'être. J'ai un programme quotidien, je reçois mes amies et je sors, car je conduis. En plus, financièrement, ma retraite me permet de subvenir à tous mes besoins. Mes enfants peuvent, à leur convenance, m'offrir des cadeaux ou me payer des factures.
Ce n'est pas une exigence de ma part. Je ne veux pas qu'ils sentent qu'ils me doivent quoi que ce soit. Je vis pleinement ma retraite ainsi et je suis heureuse. »
Aussi, si la vieillesse peut être vécue comme un stade de passage ordinaire de la vie, elle est justement crainte pour les souffrances qu'elle peut générer. Ghania poursuit : «Ce qui me fait peur, ce n'est pas de vieillir : il faut bien passer par là, ni de mourir : il faut bien laisser la place aux jeunes. Ce qui me fait peur, c'est la dépendance et la souffrance lorsque je serai malade. J'espère mourir d'une crise cardiaque rapidement, sans avoir à mobiliser mes enfants, ni chambouler leur vie .»
Mouloud, 70 ans, retraité : « je ne me sens pas vieux »
Dans l'imaginaire collectif, il subsiste certaines représentations qui sont empreintes d'âgisme et expriment des stéréotypes négatifs envers les séniors. Cela se vérifie par des remarques et comportements paternalistes, infantilisants et parfois même méprisants.
Ces attitudes sont extrêmement blessantes et suscitent de grandes souffrances.
« Quand j'ai pris ma retraite, mes enfants pensaient que j'allais mettre ma djellaba et me contenter d'aller à la mosquée et attendre la mort. Ainsi, ils ont commencé à prendre des décisions à ma place ou dire que je suis atteint de telle ou telle maladie. J'ai dit stop et demandé de continuer à vivre uniquement avec mon épouse.
Oui ! J'ai décidé de mettre tous mes enfants dehors et qu'ils devaient assumer maintenant leur vie sans leurs parents. Pour ceux qui ne disposaient pas d'appartement, je leur ai demandé de louer, quitte à les aider financièrement pour un certain temps.
Avec mon épouse, nous ne serions présents que comme invités seulement et n'aurons plus rien à faire d'autre que de voyager et de créer. Je ne me sens pas vieux, je suis en pleine force de l'âge. Je dispose de plus de capacités créatrices que je n'en avais à trente ou quarante ans ! Ce n'est pas moi le vieux, ce sont ces jeunes qui sont fatigués à leur arrivée au travail !
Maintenant, avec ma femme, nous sommes réellement heureux, je ne veux même pas connaître les problèmes de mes enfants, pour au moins quelque temps. Cet assistanat devrait arrêter ! »
Souhila, 66 ans, ancienne cadre supérieur : « j'aspire à un bien-être »
Autrefois considérés comme détenteurs du pouvoir dans la famille, les séniors étaient également des « passeurs », transmetteurs de savoir, de savoir-faire, de traditions ; ils étaient craints, respectés et souvent aimés.
Nombre d'entre eux ne veulent plus jouer ce rôle. Est-ce de l'égoïsme ' « Non ! » répond Souhila « mais plutôt une aspiration à un bien-être pour tous. C'est une réponse pour avoir la tranquillité. Je veux me reposer, poser ma tête sur l'oreiller sans avoir à subir les hurlements de leurs enfants, ni leurs disputes. Je ne veux pas être considérée comme une source de problème d'une aucune façon, qu'elle soit financière ou présence physique. En plus, je ne veux pas savoir si mes enfants, filles et garçons, ont des problèmes avec leurs partenaires.
Dans tous les cas de figure, eux oublieront et reviendront à leur vie, mais pas moi. Comme on dit ?'l'?il ne voit pas, l'oreille n'entend pas et le c?ur ne souffre pas'' ! C'est pour cela que j'ai fait le choix de vivre seule même mon époux est le plus souvent absent et préfère partir au bled. Je trouve que c'est une bonne chose pour tous. C'est moi qui décide quand réunir toute la famille et je le fais avec plaisir, sans contrainte.
Tout simplement, comme beaucoup de personnes de mon âge, j'aspire à un bien-être et je le revendique. La seule chose contraignante est que je n'ai pas accès à toutes les activités que je veux et j'espère qu'avec le temps, cela changera ».
Sarah Raymouche


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