Algérie

Best of 2017 : Les médias au secours du politiquement correct ukrainien



Dans le cadre de notre rétrospective 2017, Maxime Perrotin a souhaité revenir sur les biais médiatiques les plus emblématiques de l'année écoulée. La défense d'une journaliste et blogueuse pro-ukrainienne par la presse parisienne illustre bien les partis-pris dont sont capables certains confrères.
Ukraine: quand des médias français confondent fact-checkers et watchdogs
La journaliste Anna Jaillard-Chesanovska a été condamnée pour diffamation pour ses propos à l'encontre du documentaire de Paul Moreira "Ukraine: les masques de la révolution". Des défenseurs des droits de l'homme en Ukraine montent au créneau pour la défendre. La liberté d'expression est-elle menacée en France' L'affaire n'est pas si simple? Péril en la demeure sur la liberté d'expression en France! Rien à voir cette fois-ci avec la censure de propos "haineux" ou "d'incitation au terrorisme" sur Facebook ou Twitter. C'est d'un jugement de la 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris, célèbre pour ses affaires de presse ou de diffamation qu'il s'agit cette fois et le sujet en est l'Ukraine et son traitement médiatique. Halya Coynash, journaliste au KyivPost et membre de l'organisation de défense des droits de l'homme Kharkiv Human Rights Protection Group (KhPG)- pour reprendre sa présentation sur Al-Jazeera - vient de publier un article sur la version anglaise du site ukrainien Stopfake.org. Elle y estime, notamment "impératif que journalistes et groupes des droits de l'homme s'impliquent" suite à la condamnation, le 29 juin dernier, de la journaliste franco-ukrainienne Anna Chesanovska. Une condamnation qui fait suite à ses propos tenus le 3 février 2016 sur le blogue "Comité Ukraine" hébergé par le site du journal Libération, à l'encontre du documentaire "Ukraine: les masques de la révolution", diffusé sur Canal+ deux jours auparavant. Dans cet article, intitulé "Ukraine: les masques de la révolution ou la manipulation au montage", Anna Chesanosvka, qui avait été engagée par la chaîne pour traduire certaines interviews utilisées dans le documentaire de Paul Moreira, accuse le réalisateur d'en avoir réalisé un montage tendancieux, dans le but de faire "correspondre l'image à une idée toute faite" sur la situation en Ukraine et par conséquent de s'adonner à une "manipulation consciente et volontaire de l'opinion publique." Des accusations qui n'ont apparemment pas plu à Paul Moreira ni convaincu la 17e chambre.
Ainsi, pour reprendre les mots de la journaliste franco-ukrainienne, "grâce à un habile tour de passe-passe" de l'auteur du documentaire, les intervenants auraient pris "des airs d'êtres sauvages, obsédés par des idées nationalistes bêtes et méchantes". Des interviewés de Paul Moreira qui n'étaient autres que le fraîchement élu député Ihor Mosiychuk, libéré suite à un vote du parlement deux jours après la destitution de Viktor Ianoukovytch de la prison, où il purgeait une peine de 6 ans pour "préparation d'actes terroristes" et l'un des dirigeants des "Patriotes d'Ukraine", clairement identifiée comme "un groupe paramilitaire néonazi" par un envoyé spécial du Monde dès mars 2014, ainsi qu'Andriy Biletsky, fondateur de l'organisation ultranationaliste paramilitaire bataillon Azov, devenu "régiment", après son intégration à la garde nationale ukrainienne. Comme pour les "Patriotes d'Ukraine", avec lesquels Azov est apparenté, son blason arbore une "Wolfsangel", un symbole runique étrangement similaire à celle de la division SS "Das Reich", comme le soulignait un blogue de Médiapart, qui laisse peu de place au doute quant à leur inspiration idéologique. Andriy Biletsky que le Monde dépeignait également, fin juin, comme un "néonazi notoire." Des groupes extrémistes particulièrement disparates, que certains défendent encore du moment que ceux-ci sont pris pour cible par les médias russes. Volontairement, nous ne reviendrons pas sur le fond de l'affaire et notamment le drame d'Odessa où une quarantaine de personnes, majoritairement prorusses, avaient été tuées, notamment dans l'incendie de la maison des syndicats, assiégée par des militants nationalistes ukrainiens. Un drame que Paul Moreira, comme beaucoup d'autres, qualifie de "massacre". C'est notamment ce terme qui semble fortement déplaire tant à la défenseuse des droits de l'homme (dont l'ONG a été dûment récompensée en 1998 d'un Democracy and Civil Society Award, lors d'un sommet à Londres, réunissant Bill Clinton, Tony Blair et Jacques Santer) qu'à la journaliste franco-ukrainienne et qui constitue l'un des piliers des accusations portées contre la probité du journaliste de Canal+, accusé de "reprendre les ficelles de la propagande de Moscou." Reconnue coupable en première instance, cette jeune "journaliste indépendante" est ainsi condamnée à 500 ? d'amende et à verser pas moins de 5.000 ? au titre de dommages et intérêt à Paul Moreira, auxquels s'ajoutent 3.000 ? pour les frais d'avocats ainsi que la couverture des frais de publications, dans la limite de 5.000 ?. Au total, ce sont potentiellement plus de 13.000 ? qu'Anna Chesanovska (Anna Jaillard, Anna Jaillard-Chesanovska ou Anna Chesanovska-Jaillard suivant les fiertés nationales des différents protagonistes? nous garderons la version de la Justice française) pourrait avoir à débourser, si elle perdait son appel. Une somme relativement conséquente, mais pas exceptionnelle en la matière.
S'il ne nous appartient pas de commenter une décision de justice, on ne peut que constater que Paul Moreira, dont la filmographie a été récompensée par différents prix, n'est pourtant pas réputé pour ses positions prorusses? comme pourrait, notamment, en témoigner ce tweet retrouvé sur son profil. "Ce que Porochenko, Président de l'Ukraine, et l'entourage de Poutine ont en commun' Des comptes au Panama. Money talks."
Paul Moreira, dont l'agence de presse et société de production Premières Lignes qu'il a cofondée collabore avec The International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ)-notamment connue pour ses révélations sur les Panama Papers. Avec Luc Hermann (France 5), il est d'ailleurs l'auteur d'un documentaire "WikiLeaks, enquête sur un contre-pouvoir" à l'occasion duquel il avait rencontré Julian Assange. En revanche, ce qu'on constate du côté de son accusatrice apparaît? révélateur. Sur sa page du Huffington Post, elle est présentée sous son nom-a priori de femme mariée- Anna Jaillard, comme une "journaliste indépendante franco-ukrainienne". Pourtant, le 9 mai 2014, lorsqu'elle est invitée de BFMTV à l'occasion de la couverture du premier déplacement de Vladimir Poutine en Crimée devenue russe, elle apparaît comme "porte-parole du collectif Euromaidan France".
Une casquette qu'elle semblait également porter quelque jours plus tard lorsqu'elle remerciait, lors d'une réunion publique des Européens UDI-MODEM à Paris, une certaine Marielle de Sarnez pour s'être rendue à "plusieurs reprises" à Maïdan et ce à une semaine d'élections présidentielles en Ukraine. Sans oublier son interview de Bernard-Henry Lévy, en septembre de la même année, à l'époque où elle se reconvertit dans le journalisme "indépendant" et signe ses premiers articles sur le Huffington Post. Une interview qu'elle réalise pour le Comité représentatif de la communauté ukrainienne en France (CRCUF), à l'occasion d'une pièce où le philosophe fait la part belle à la "flamme du Maïdan" et affiche son opposition à la vente des Mistral à la Russie, qu'il préférerait voir vendus à l'Ukraine, grâce à la contribution financière des 28. Une interview durant laquelle le philosophe ne cachera pas son inimitié envers le maître du Kremlin, qu'il dépeint devant son auditrice visiblement conquise comme un "néo-fascisant", "assez minable au demeurant." Ainsi, les critiques d'Anna Chesanovska s'inscrivent-elles dans un discours plus large de contre-propagande' Souvenez-vous, lorsque le documentaire de Paul Moreira avait été diffusé, rompant avec la vision manichéenne qui était véhiculée dans les médias français depuis le début de la crise ukrainienne, celui-ci avait fait l'effet d'une bombe. Nous avions pu alors assister à une levée de boucliers de la part de journalistes, d'intellectuels et autres "connaisseurs du dossier", dont un ex-diplomate et l'ambassade d'Ukraine, d'abord dans Le Monde- la veille de la diffusion- et le lendemain, dans L'Obs. "C'est donc Canal+ qui apporte cette fois son concours à la nébuleuse hétéroclite du poutinisme", lisait-on dans les colonnes du Monde dès le 3 février, fustigeant "une partie de la gauche radicale" qui aurait "sombré dans le conspirationnisme" et qui serait "devenue l'idiot utile de la revanche de Poutine et des nostalgiques de l'empire sénile et mafieux qu'était l'URSS au moment de sa chute." Certains de nos confrères dépeignent les médias russes comme de vulgaires officines de désinformation, des "outils de propagande au service de la guerre poutinienne de l'information" dont les contenus "parfois trompeurs [?] sont souvent biaisés et partiaux,". Ils nous reprochent notamment un manque de "mise en balance" des propos de certains de nos intervenants, tandis que d'autres pointent du doigt la "paresse intellectuelle" de Paul Moreira, qui aurait le tort de ne pas partager leur point de vue. Nous nous étonnons donc que les mêmes vantent les mérites de sites de "fact-cheking" ukrainiens et offrent une tribune à des activistes de la première heure, reconvertie dans le "journalisme indépendant" et dont les témoignages sont pris pour argent comptant afin d'offrir à leurs lecteurs une vision du conflit ukrainien pour le moins partiale. Un petit peu comme si ces mêmes médias ne donnaient la parole qu'à des syndicats lors d'un conflit social ou qu'ils considéraient, au cours d'un procès, l'avocat d'une des parties comme un expert indépendant. Un biais que dénonçait Acrimed, dès le mois de septembre 2014, dans son papier: "Ukraine: informations faussées et commentaires à sens unique". L'observatoire des médias qui exprimait sa "stupéfaction face à la russophobie ambiante." En somme, s'il est naturel de tendre le micro à Anna Chesanovska, notamment sur l'Ukraine, tout comme à des associations et autres watchdogs, la probité commande simplement de signaler leur engagement militant et de ne pas les utiliser comme source unique sur un sujet aussi grave et complexe que la crise ukrainienne.

L'année d'opportunités perdues
Vladimir Tchijov, représentant permanent de la Russie auprès de l'UE, tire le bilan des relations entre Moscou et Bruxelles en 2017. L'Europe qui n'a toujours pas "digéré" les conséquences du Brexit, a fait face à de nouvelles crises en 2017. Au début de l'année, les Européens, tout comme pratiquement le monde entier, étaient très attentifs et tentaient de prédire, quelles menaces électorales de Donald Trump seraient mises en ?uvre. Pour le moment, Washington n'a tenu que sa promesse de quitter le COP21, ce qui s'est cependant avéré suffisant pour mettre en désarroi les relations transatlantiques, écrit le quotidien Izvestia. La crise migratoire - elle a débuté en 2015 et divisé l'UE en camp d'humanistes mené par l'Allemagne et en opposants à l'accueil des réfugiés - n'a guère perdu en intensité en changeant parallèlement sa géographie. Au cours des deux années précédentes de la crise, la Grèce a subi le coup le plus dur en ce qui concerne l'accueil d'immigrés de Moyen-Orient, alors qu'aujourd'hui c'est l'Italie qui est devenue la porte européenne principale pour les réfugiés arrivant de la Libye et de ses voisins. Les tentatives actives de Rome de forcer les autres membres de l'UE de faire preuve de solidarité et de s'occuper d'une partie des immigrés ont été vaines, ce qui a enfoncé un coin entre les Européens. Le mécontentement de beaucoup d'Européens contre cet afflux massif d'immigrés s'est soldé par des changements du paysage politique dans plusieurs pays de l'UE. Ainsi, le parti allemand d'extrême droite AfD est pour la première fois entré au Bundestag, ayant arrivé en troisième position aux législatives en Allemagne. Quant à l'Autriche, l'extrême droite participe là-bas à la coalition au pouvoir. Le FPÖ, dont le candidat à la présidence n'avait attitré qu'une poignée de voix en 2017, est devenu cette année le partenaire minoritaire au nouveau gouvernement de Sebastian Kurz et de son parti ÖVP qui s'est considérablement réorienté vers la droite sous l'influence de l'attitude anti-immigration de la société.
On a pourtant constaté des exceptions. Ainsi, au début de l'année, l'extrême droite française représentée par le Front national, était apparemment en train de devenir la force principale d'opposition parlementaire, alors que sa leader Marine Le Pen prétendait - non sans raison - à l'Elysée. Cette percée de l'extrême droite française s'est pourtant soldée par sa chute spectaculaire en été.
Quoi qu'il en soit, cette dernière ne s'explique pas vraiment par la faiblesse de la droite, mais par l'"effet Macron": sa victoire à la présidentielle a été une véritable révolution politique pour la France qui a un paysage politique très stable. Au cours de seulement un an, ce jeune politicien a réussi à s'installer à l'Elysée, ayant créé ex nihilo le nouveau parti politique "La République en marche!" qui contrôle actuellement la majorité parlementaire.
Enfin, les événements en Catalogne ont été un autre phénomène important de 2017. Les autorités séparatistes de cette province autonome et aisée de l'Espagne ont organisé en octobre dernier un référendum sur l'indépendance, qui avait été considéré d'avance comme illégitime par la Cour constitutionnelle. Cette aventure irréfléchie s'est solde par l'introduction de la gestion directe de Madrid et l'organisation des élections anticipées. Ces dernières se sont déroulées le 21 décembre ayant forme une majorité insignifiante des trois partis séparatistes.
En ce qui concerne les relations entre Moscou et Bruxelles en 2017, elle n'ont fait preuve d'aucun progrès considérable. Qui plus est, la situation a dégradé suite aux accusations de Washington qui affirmait que la Russie s'était ingérée dans les élections présidentielles qui s'étaient soldées par la victoire de Donald Trump. Il a visiblement imposé la même rhétorique à ses partenaires du Vieux continent. Selon Vladimir Tchijov, représentant permanent de la Russie auprès de l'UE, l'année 2017 a en effet été très compliquée:
"L'année écoulée n'a permis aucune percée dans nos relations. Le virus d'hystérie antirusse qui a contaminé les esprits aux Etats-Unis pour devenir de fait l'élément-clé de leur politique intérieure, s'est avéré assez contagieux et a réussi à traverser l'océan Atlantique et à se répandre dans plusieurs pays européens. Cela a suscité des spéculations fantaisistes sur l'ingérence russe dans les élections aux Pays-Bas, en France et en Allemagne".
Selon lui, il s'agit d'encore une année d'opportunités perdues. Il ne faut pas pourtant "peindre un paysage très sombre", car, selon lui, "on a constaté plusieurs rayons de réalisme dans la position de l'UE au cours de l'année". L'année 2018 montrera si l'on arrivera à surmonter les divergences actuelles ou si l'Europe maintiendra sa politique restrictive.


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