Algérie

Besma Khaldoun ou dela difficulté de rester de marbre devant un talent



Besma Khaldoun ou dela difficulté de rester de marbre devant un talent
A.LemiliBesma Khaldoun aura eu, jeudi passé, dans un monologue intitulé Ez-Z'har le courage d'en parler sur les planches du théâtre de l'une des villes les plusconservatrices du pays, si ce n'est la plus en retrait de toute forme de modernité, en l'occurrence Constantine. En un rien de temps, elle fera le tour, voire l'analyse au scalpel d'une société dans laquelle la frustration sexuelle, voire toutes les frustrations que celle-ci engendre sont à fleur de peau : le désamour dans sa globalité, le manque de sincérité, la malhonnêteté, l'arrivisme, le machisme, la désaffection. Autrement dit autant d'indicateurs de choses et scènes de la vie au quotidien d'une société malade dans laquelle chacun de nous côtoie au quotidien et passe sans prêter attention à un délitement progressif des convenances et des règles de bienséance ou sinon intériorise dramatiquement sa détresse faisant ainsi le choix de vivre intérieurement ses malaises. Une vie de tous les jours que seul le cinéma deChaplin ou le néoréalisme italien a pu et su reproduire en recréant l'émotion naturelle qui accompagne toute satire sociale. C'est dire que le quotidien desAlgériens demeure à l'évidence la meilleure source d'inspiration de tout auteur qui saurait en saisir la matière dans son état brut fut-il. A haute voix et devant un public, ce qui évidemment relève de la performance parce que pour revenir à tous les travers sociaux précédemment évoqués c'est pratiquement à une séance de psychanalyse personnelle à laquelle elle s'est livrée même si elle ne fait qu'interpréter un rôle, un personnage, mais à un moment où tous les personnages dont elle a fait la description verbale, physique et parfois olfactive ne représentent finalement que monsieur tout-le-monde, cet individu abhorré à l'unanimité et individuellement par le reste de la société alors que chacun de nous fait partie de celle-ci et doit forcément en constituer l'un des éléments du puzzle. Le spectacle a d'autant plus donné un immense bonheur à la scène grâce à la présence d'une vieille assise au premier rang, portant mlaya et visage découvert. Un personnage qui ne fait pas partie du spectacle dans la mesure où les organisateurs ont avec élégance demandé à la vieille personne de ne pas se faire l'écho, surtout à haute voix, des propos débités par la monologue sur scène. Néanmoins, et c'est sans doute là un moment d'anthologie que peu de spectateurs parmi le public auront pu apprécier dans la mesure où à chaque fois que Besma Khaldoun tranchait au scalpel des scènes de la vied'aujourd'hui, son interface, improvisé faut-il encore le rappeler, décrivait cette même société, mais avec un décalage d'une quarantaine ou cinquantaine d'années.En somme un moment magique durant lequel des anges sont passés. Besma Khaldoun a réussi son passage sur les planches du Théâtre de Constantine, elle le doit à des qualités artistiques incontestables, mais des qualités qui restent sans doute à parfaire et c'est là que les responsables du théâtre qui ont pris l'agréable initiative de lancer des jeunes dans l'arène du spectacle de prendre en charge la suite des opérations. Car il ne suffit pas de lancer sur scène un comédien, un acteur, un artiste, faudrait-il encore qu'il existe une sorte de plan de carrière pour que tout nouveau talent ne disparaisse pas dans la nature comme cela est le cas depuis des années.A défaut, il appartient dès à présent à Besma Khaldoun de «se trouver» un agent, un vecteur professionnel à même de faire sienne et prendre en charge toutes les contingences inhérentes au métier, un métier au demeurant plutôt difficile non pas en raison de la non-maîtrise de l'art par les uns et les autres, mais du désintérêt ambiant qui étouffe ledit art. L'essentiel repose sur la profondeur des textes, ce qui demeure quand même une gageure compte tenu de la répétitivité des thèmes et malheureusement du manque d'imagination des auteurs disponibles actuellement, du déplacement sur scène de l'interprète, de la modulation vocale, etc. Dans une autre période Besma Khaldoun aurait craint pour la suite de sa carrière, voire pour sa sécurité de tous les jours en jouant l'iconoclaste. Quand elle tire à boulets rouges sur des jeunes qui sentent mauvais, ou ceux qui se dopent à la chique ou encore ceux qui ont tout dans le portefeuille et rien dans la tête et summum de l'escalade violente contre une société déglinguée compare un de ses prétendants à un réfrigérateur parce qu'il lui rappelle l'objet en question chaque vendredi que Dieu fait, une tranche de vie où le prétendant, suivez le regard, revêt son kamis blanc. Et tout cela a eu la magie de faire se plier en deux le public comme en témoignent les applaudissements nourris qui s'en suivent à chaque fois.A. L.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)